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Discours de N’Djaye Ramatoulaye Diallo, ministre de la culture du Mali au Forum « Timbuktu Renaissance » à Doha au Qatar
Publié le mercredi 11 juin 2014  |  Ministère de la Culture


© Autre presse par DR
N’Djaye Ramatoulaye Diallo, ministre de la culture du Mali au Forum « Timbuktu Renaissance » à Doha au Qatar


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Salam Aleikum

Je veux vous adresser par la grâce de Allah le salut de paix à l’endroit des cœurs. Que la paix d’Allah soit sur vous. En insistant sur cette salutation singulière et propre aux religions monothéistes, plus particulièrement à l’Islam, je veux rappeler à cette assistance réunie pour parler de Tombouctou et étendre parler de Tombouctou, qu’il y a 7 siècles environ, Salam Aleikum résonnait partout à Tombouctou tout comme il résonne encore aujourd’hui dans les rues et dans les ruelles de cette ville.

Je veux aussi rappeler, bien que su de tous, que Tombouctou, haut lieu de la diffusion de la culture islamique, fut fondée au Ve siècle, et que cette ville est devenue un carrefour de commerce qui connut son apogée économique et culturelle aux XVe et XVIe siècles. Elle comptait alors 180 écoles coraniques qui regroupaient 25000 étudiants.

Mesdames et Messieurs,
De ma mémoire sélective, je voudrais évoquer Tombouctou uniquement en termes de cité antique, de cité rayonnante pleine de richesse, pleine de culture, pleine de sagesse, pleine de connaissance, pleine d’un Islam historique et d’un Islam d’avenir. Mais hélas ! Les réalités vécues en 2012, nous ramènent à voir un autre visage de Tombouctou aujourd’hui. Je refuse de parler de Tombouctou en rappelant ces scènes atroces de destruction des mausolées et autres expressions culturelles, telles que les manuscrits anciens. Je ne peux me permettre de refaire ici le film des destructions de 14 des 16 Mausolées de Tombouctou. Il m’est impossible d’insister sur ces images d’une autre époque de ces terroristes arrachant avec colère et barbarie la porte dite secrète de la mosquée de Sidi Yahia. Il ne nous faut plus revivre, par la pensée, la destruction du monument de l’indépendance à l’effigie d’El Farouk qui situé en bordure du centre ancien, est un monument capital de l’identité des communautés locales de Tombouctou. Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est parler de Tombouctou dans un avenir proche.

C’est ici qu’il me faut remercier le groupe d’action de Timbuktu Renaissance. Cette initiative est salutaire à plus d’un titre, et le gouvernement du Mali, en perçoit toute la portée. J’en veux pour preuve la présence du Président de la République, El Hadj Ibrahim Boubacar KEITA, qui au-delà du symbole et du protocolaire, conduit une délégation composée du Ministre des affaires étrangères et de la Culture. Ce qui montre à suffisance toute la volonté politique d’œuvrer à la renaissance de Tombouctou. Cette volonté politique s’accompagne d’un soutien inestimable de la société civile malienne et des hauts représentants de la culture du Mali à travers le monde. La présente parmi nous de Madame le Ministre Aminata Dramane TRAORE dénote de cette ambition de redonner à Tombouctou son aura d’antan.
C’est cette mission que mon département entend conduire avec diligence.

Mesdames et Messieurs,
Tombouctou s’inscrit dans un schéma de développement qui n’est nullement une invention de notre part. Tombouctou a toujours été une ville carrefour et doit le rester. Notre vision de la renaissance de Tombouctou est une vision intégrée d’une ville hautement symbolique pour la culture mondiale, représentative d’une expression d’un Islam modéré au service de la paix et économiquement viable au service d’un développement social.

Cette vision traduit une volonté mondiale de faire de la culture un moteur de croissance économique et un levier de développement socioculturel, comme rappelé lors de la 68ième session des Nations Unies. Le défi est grand mais pas impossible. Le plan d’action pour la réhabilitation de l’héritage culturel et la sauvegarde des manuscrits anciens de Tombouctou, proposé par l’UNESCO, trace les chantiers du Ministère de la culture qui mettra l’accent sur la réhabilitation, la rénovation, la sauvegarde et la promotion des biens culturels.
Promouvoir les biens culturels, c’est convier le monde à venir voir Tombouctou. Le Mali travaille avec rigueur à redonner à Tombouctou ses charmes culturels que lui envie le monde entier dans les conditions sécuritaires les meilleures. Dans cette optique, reprendre le festival du désert de Essakane, n’est plus un défi mais un objectif à atteindre. Ce festival, pour ne parler que de lui, créait des emplois et des sources de revenus pour une population en proie au chômage. Reprendre l’activité culturelle de Tombouctou, c’est donner une alternative aux armes que proposent les terroristes aux jeunes des régions du Nord du Mali. Faire revivre le tourisme culturel de Tombouctou, c’est permettre à des femmes de se détourner de la corruption morale qu’exercent les extrémistes par le moyen de l’argent et de la drogue. Enfin, développer économiquement Tombouctou, c’est assurer la paix au Nord du Mali parce que sans paix pas de développement et sans développement pas de paix.

Promouvoir les biens culturels, c’est aussi investir dans les infrastructures culturels modernes à même de séduire et d’accueillir des visiteurs de tous les horizons. Le Qatar nous en donne l’exemple concret par sa facilité de joindre le beau architectural à la nécessité de protection et de promotion de la culture. Le Musée des Arts islamiques du Qatar en est un exemple concret que Tombouctou jalouse secrètement. Tombouctou est en lui-même un joyau culturel, certes, mais un joyau qui doit se parer des atours architecturaux de grande envergure que nous souhaitons construire avec l’aide de nos partenaires bilatéraux.

Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi d’adresser mes vifs remerciements à la Brookings Institution pour cet espace d’échanges et de projection vers un meilleur futur pour le monde des civilisations. Créer cet environnement entre les USA et le monde islamique, c’est poser les bases d’une réflexion sur des siècles de cohabitation et de confrontation. Les manuscrits anciens de Tombouctou sont, je pense, une mine à exploiter.

Le patrimoine écrit d’une nation constitue sa mémoire. La sauvegarde et la conservation de cette mémoire n’est pas une option, mais plutôt un devoir à remplir ou trahir. Les manuscrits anciens de Tombouctou ont échappé de justesse à une perte définitive par la vivacité de l’ONG SAVAMA-DCI (Sauvegarde et Valorisation des Manuscrits pour la Défense de la Culture Islamique).

Aujourd’hui, une nouvelle chance nous est donnée pour mettre à l’abri les manuscrits afin que dans l’avenir, aucune crise ou situation guerrière ne puisse menacer de détruire totalement ce patrimoine inexploré sans survivance des documents sur des supports variés. Cela nécessite de fédérer les savoir-faire, les moyens technologiques et de mobiliser toutes les ressources et toutes les bonnes volontés.

C’est pour assurer la sauvegarde de ce patrimoine unique que l’ONG SAVAMA-DCI initie, en collaboration avec les familles détentrices de manuscrits de la région de Tombouctou, un vaste programme de conservation et d’exploitation des manuscrits de Tombouctou. Le Ministère de la culture soutient cette initiative.

Mesdames et Messieurs,
TOMBOUCTOU, ville mémoire, Cité des 333 saints, est l’alliage réussi entre le mythe, la science, le savoir et la connaissance religieuse. TOMBOUCTOU la mystérieuse, TOMBOUCTOU la mythique n’est plus une richesse du Mali seul, les vestiges de TOMBOUCTOU sont un savoir inscrit sur ce palimpseste du temps devant voyager de génération en génération. Mais ce voyage n’est pas sans difficultés.

Ibn Rush nous disait : « La vérité ne peut être contraire à la vérité ». La Renaissance de Tombouctou est une vérité et un besoin auquel le gouvernement du Mali adhère. Mais, souhaiter que Tombouctou renaisse, c’est accepter le principe même que Tombouctou peut mourir. Tombouctou, la mythique et la mystérieuse ne doit pas mourir.
J’invite chacun de nous à s’imager le monde sans Tombouctou, à revoir le monde islamique sans le savoir émanant de Tombouctou, à réfléchir à l’évolution du monde sans le passé glorieux de Tombouctou. Mesdames et Messieurs, Tombouctou doit vivre pour nos générations futures

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