Et alors que des étrangers combattent aux côtés de militants locaux, des relations se mettent en place, qui "pourraient donner naissance à de nouveaux réseaux d'extrémistes panarabes et paneuropéens", a expliqué Gary Quinlan devant le Conseil de sécurité des Nations unies le 28 mai.
"Le retour de ces combattants étrangers aguerris sur les champs de bataille dans leurs pays d'origine, ou dans des pays tiers, avec de nouvelles idées et de nouvelles compétences, doit nous inquiéter", a indiqué le président de cette commission, des propos rapportés par l'AFP.
Al-Qaida se rajeunit, avec des hommes dans la trentaine et la quarantaine qui occupent désormais des positions de leadership, et est de plus en plus façonnée par les évènements actuels et non plus par les doctrines des années 1990.
Ces jeunes dirigeants sont également plus adeptes des relations avec la nouvelle génération de recrues par le biais d'un "recours sophistiqué aux médias sociaux", ajoute ce responsable onusien.
Les extrémistes mettent pleinement à profit les relations publiques, en utilisant ces médias comme une plateforme et en lançant des messages de plus en plus fréquents pour faire connaître leurs prétentions, affirmer leurs revendications et faire planer leurs menaces.
Après que l'ancien général libyen Khalifa Haftar ait lancé sa campagne contre Ansar al-Sharia à Benghazi et dans d'autres villes de l'est libyen, la première initiative du groupe terroriste a été d'organiser une conférence de presse pour proférer des menaces directes sur "l'ouverture des portes de l'enfer".
Les jihadistes libyens ont menacé de transformer le pays en une nouvelle Syrie. Ils ont mis à profit cette conférence de presse du 27 mai pour affirmer : "Les Musulmans du monde entier viendront combattre ici, comme ils le font actuellement en Syrie."
Pour les jihadistes, les médias constituent un outil très efficace. Et de fait, al-Qaida et ses groupes affiliés accordent une attention particulière à la formation de leurs responsables des médias.
Depuis le début de cette année, al-Qaida a organisé de nombreux cours de formation en ligne pour ses chargés de communication, dans des domaines liés aux vidéos, aux graphiques et à la technologie des médias électroniques.
Selon Idriss Raouah, spécialiste de la cybercriminalité à la Cour pénale internationale (CPI), "les membres des réseaux islamistes ont été parmi les premiers dans le monde à utiliser les nouvelles technologies de l'information".
Les terroristes considèrent les réseaux sociaux et l'internet comme des outils de communication parfaits, explique à Magharebia l'analyste stratégique Mountacir Zian.
"Ils y publient des communiqués, des vidéos et des théories, faisant de ces réseaux un formidable tremplin de leur propagande", explique-t-il.
Les groupes terroristes rivalisent de talents pour publier des vidéos attirantes et sensationnelles destinées à attirer les jeunes. Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a ainsi récemment republié une vidéo datant d'octobre dernier.
Cette nouvelle mouture se caractérise par sa très bonne qualité audiovisuelle par rapport à la version précédente. Elle tente de présenter le jihad dans le Nord-Mali comme un pique-nique dans le désert, montrant des salafistes dans des véhicules tous terrains, des fêtes et des terroristes buvant du thé.
D'autres groupes s'inspirent de scènes sanglantes tirées directement de jeux vidéos et de films d'action. Sham al-Islam, un groupe fondé par les jihadistes marocains en Syrie, s'attache dans ses vidéos de propagande aux bombardements, aux combats, aux photos des morts et aux dégâts de la guerre.
Une vidéo montre des camions remplis de corps en décomposition de soldats syriens.
Les groupes jihadistes tentent d'attirer les mêmes recrues, et leurs vidéos se doivent donc d'être "pertinentes".
AQMI, inquiète de la concurrence d'autres champs de bataille qui attirent les jeunes du Maghreb, tente dans ses vidéos de convaincre les jihadistes maghrébins qu'ils n'ont pas à se rendre sur des champs de bataille lointains pour mener le jihad.
Abu al-Abd al-Tunisi, ancien membre d'Ansar al-Sharia en Tunisie avant de rejoindre les combattants d'al-Qaida dans le Nord-Mali, s'efforce de vendre sa propagande aux jeunes du Maghreb : "Si vous voulez conquérir le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, si vous voulez reprendre l'Andalousie, venez ici."
"Les groupes jihadistes dans le nord du Mali tentent de se reconstituer à la fois structurellement et militairement, et de s'adapter à la nouvelle réalité imposée par la campagne militaire en cours sur le terrain", explique le chercheur marocain Lahcen Oussimouh à Magharebia.
"Il est donc naturel qu'ils s'attachent au recrutement, au vu notamment des pertes humaines qu'ils ont subies", ajoute-t-il.
Les producteurs de ces vidéos s'efforcent exagérément de réfuter l'impact de la campagne militaire contre les groupes terroristes, ajoute Oussimouh.
Pour Abdellah al-Rami, du Centre marocain de sciences sociales (CMS2) basé à Casablanca, les vidéos d'AQMI se caractérisent par le nombre de Marocains qui apparaissent sans masque pour cacher leur identité, ce qui tend à confirmer le fait qu'ils ont décidé de leur destin et n'ont plus aucune intention de revenir.
"Al-Qaida tente de faire vibrer une corde sensible chez les jeunes du Maghreb, qui est la réalité du désespoir, du chômage et du manque d'opportunités", explique-t-il à Magharebia.
"Elle leur offre la chance de rejoindre le jihad pour trouver une alternative à leur situation. Cette vidéo leur promet une vie meilleure, tant financièrement que socialement, par rapport à leur vie de chômage, de pauvreté et de marginalisation", ajoute cet analyste.
Et pour ce faire, certaines vidéos de recrutement montrent même des jihadistes en train de se marier, un aspect de la vie qui n'est qu'un rêve pour des jeunes sans emploi et marginalisés.
"Mais ce type de scène n'a rien à voir avec la réalité", conclut al-Rami.