Dans L’Aube n°613 du 08 mai 2013, nous titrions à la Une : « ATT-Sarkozy : les vraies raisons d'une rupture ». Dans le fond, nous révélions tous les coups bas fomentés par l’ancien président français pour mettre les bâtons dans les roues de son homologue malien. L’article, qui a fait le tour du monde sur la toile, a fait des émules et suscité chez un de nos compatriotes une contribution accablante. Il révèle les dessous d’une énorme campagne de propagande menée contre ATT dans divers lieux de subversion. Au-delà de ATT, c’est une véritable conspiration contre le Mali qui a été orchestrée de tous les temps par les différents présidents français « qui n’ont jamais accepté la démocratisation du Mali ». La raison ? Ils n’ont jamais accepté, ni toléré l’avènement de la démocratie au Mali et n’ont jamais soutenu que les présidents dictateurs. Démonstration.
Je suis un universitaire malien vivant en France depuis le début des années 1970 après mon baccalauréat. Je suis certes loin du pays, mais je m’informe régulièrement des nouvelles via les Nouvelles technologies de l’information et de la communication notamment internet ; mais aussi à travers l’Ortm, les visites dans les foyers de Paris où je donne souvent des cours de Français. Toute modestie mise à part, je pense qu'aucun Africain d'ici ne connait la France mieux que moi. Revenons-en à présent à l’objet de ma contribution.
La France : des présidents contre la démocratie
J’ai lu récemment sur la page web de Bamada.net un article de L’Aube intitulé «ATT-Sarkozy : les vraies raisons d'une rupture ». Je partage entièrement l’avis du journaliste sur les 3 principales raisons évoquées pour justifier ce bras de fer entre ATT et Sarkozy. A savoir : la nécessaire concertation sous régionale pour élaborer un plan régional, le refus de signer l'accord sur l'immigration, et le rejet de l’implantation d'une base militaire française au Mali. Je voudrais apporter ma modeste contribution en ajoutant une quatrième raison très importante : la démocratisation du Mali n'a jamais été acceptée ni tolérée par la France qui est et demeure une France néo coloniale à travers des structures du type France-Afrique.
Je suis pourtant loin d’être un communiste. Mais, ce grand monsieur qu’est Amadou Toumani Touré est encore pour moi le meilleur président que le Mali ait eu. ATT n'a jamais été aimé ni de Sarkozy, ni de Chirac, ni même de Mitterrand (l’homme de La Baule), car ATT incarnait la démocratie malienne qu'il a mise sur pied et défendue durant tout le temps. Vous remarquerez que tous les présidents de la France-Afrique sont des dictateurs, à l’image de Sassou N’Guesso, Faure Eyadema et Idriss Deby etc. Car, il est plus facile de manipuler un dictateur et de coloniser son pays qu'un démocrate, qui préfèrerait quitter le pouvoir plutôt que de vendre son pays « au diable ».
La France n'accepte la démocratie que dans un seul pays sub-saharien, situé à l'ouest du Mali, car ce pays a toujours été un partenaire historiquement sûr. Elle pense à juste raison que IBK est leur homme et que ATT était l'homme à abattre.
Les deux pays francophones récalcitrants à la recolonisation via la France-Afrique étant l'Algérie et le Mali, il faut créer une base militaire française artificielle dans le triangle Hombori-Ménaka-Kidal en vue de contrôler ces deux pays par le biais d'un Etat artificiel créé de toute pièce à Paris: l'Azawad. Ce nom, qui refait subitement surface en 2011, est donné à un pays virtuel, sans assise sociologique réelle. Car, cette guerre est une vieille rébellion éteinte depuis les accords d'Alger de 2006 et que l'on tente de réveiller artificiellement pour des desseins géostratégiques inavoués.
Propagande contre ATT
En effet juste après le coup d'Etat de mars 2012, une vaste propagande a été instaurée en France, dénigrant ATT et le rendant coupable injustement de tous les maux du Mali alors que c'est tout à fait le contraire. Cette propagande a été avalée goulument par les Maliens d'ici et de là-bas, y compris par certains milieux intellectuels. Tous les médias français s'y sont mis et ils demeurent toujours en mission : France inter, les chaines françaises de télévision publique, RFI et surtout AFRICA numéro 1, une chaine qui se présente souvent comme une chaine panafricaine, mais qui est en réalité la plus grande chaine de radio de la France-Afrique. Pour preuve, dans son émission le « Journal des auditeurs », tous ceux qui ont osé (j'en ai moi même fait l'amère expérience) dire du bien d'A TT, se rendent compte que non seulement leurs messages pro-ATT ne passent pas, mais aussi même les messages venant d'eux sur d'autres sujets. Les animateurs de l’émission ont-ils reçu des consignes venant de leur direction dans ce sens ? Nul doute.
Pour parler de la rébellion, la plupart des intellectuels maliens savent que c'est la France qui soutient et protège le Mnla. Mais, ce que peu de gens savent, c'est que ce pays soutient aussi les islamistes du Mujao et d’Ançardine et les terroristes d’Aqmi, tout en les combattants ou en faisant semblant de le faire. Toute cette mise en scène est destinée à mettre la pression sur le Mali pour se rendre indispensable dans cette posture tragique de pyromane-pompier. Ces rebelles du Mnla et islamistes narco-djihadistes ont été longtemps entraînés par des instructeurs français dans leur base arrière qu’est le désert mauritanien, avant de foncer sur le Mali avec leurs armements sophistiqués fournis par le Qatar. Ce pays n'est pas seulement le bailleur de fond officiel de l'équipe de foot, le PSG dont Sarkozy a toujours été depuis sa plus tendre adolescence un fervent supporter (vous faites le lien ?), mais son argent a aussi servi à tout autre chose : la déstabilisation du Mali. Dans une telle situation, le Mali, ni aucun pays de la sous région, n'avait de chance de victoire face aux envahisseurs, car c'est indirectement contre l'armée française et le Qatar qu’il combattait. D'ailleurs, c’est la même armée de mercenaires pseudo djihadistes qui avait tué Kadhafi qui a ensuite envahi notre pays.
Le deuxième ennemi de la démocratie malienne après la France, c’est la mouvance des islamistes noirs du sud, représentée essentiellement par les Wahhabites du Haut conseil islamique (Hci). Eux aussi n'aimaient pas ATT et la démocratie qu'il incarnait, mais pour des raisons totalement différentes de celles de la France. Ils sont foncièrement hostiles à la démocratie, car celle-ci prône non seulement qu'une voix de femme soit égale dans les urnes à une voix d'homme. Ce qui équivaudrait à donner autant de pouvoirs aux femmes qu’aux hommes, sinon plus même, étant donné que selon les statistiques démographiques celles-là sont plus nombreuses que ceux-ci au Mali. Un contexte contraire à l’idéologie des islamistes du Hci. Leur colère fut décuplée quand vint le passage à l'Assemblé nationale du Code de la famille, avec une grande démonstration de force au stade du 26 mars de Yirimadio.
Pire, quelques mois plus tard ATT commis, à leurs yeux, une faute impardonnable en nommant comme Premier ministre une femme, Mariam Kaïdama Sidibé.
II n'y a pas de grande différence entre les deux types d'islamistes, car si l'islamiste blanc de la rive gauche du fleuve Niger (le nord) utilise son marteau et son burin pour détruire les mausolées de Tombouctou, l’autre noir du sud, donc de la rive droite du Niger utilise sa carte Nina pour élire quelqu'un dont il pense qu'il va être un dictateur qui va détruire la démocratie malienne et les lois maliennes modernes pour les remplacer par « la charia ».
De l'autre côté, si IBK n'attaque pas Kidal, c'est qu'il ne fait qu’écouter les Français. Ces derniers lui ont sans doute promis en retour, grâce à leur maîtrise de la propagande médiatique mondiale, un règne à vie. Lui et sa famille, à l’instar d’un Blaise Compaoré ou d’un Sassou N’Guesso.
D'ailleurs, le Mali est entrain de devenir progressivement une République islamiste. On voit de temps à autre à Paris des jeunes maliennes entièrement vêtues de noir de la tête aux pieds. Je dis Gare! Car, une version malienne de Boco Haram, au rythme où nous allons, me semble une catastrophe.
« Qui veut tuer son chien… »
Il y a aussi une propagande anti ATT dans les mosquées maliennes de France, y compris venant de certains imams maliens. Autant dire que ce très grand président n'avait aucune chance de s'en tirer. Mais, je parie que tôt ou tard, il sera réhabilité, car il le mérite. Ce qui rend plus pernicieuse et plus vicieuse cette propagande anti ATT dans les mosquées parisiennes, c'est que quand on demande à ces prêcheurs pourquoi ils n'aiment pas ATT, ils vous avancent des arguments que leur ont inculqué leurs mandants : corruption, problème du nord, armée, école malienne etc.
A mon tour de démonter tous ces mensonges un à un. Précision de taille : ATT n'est pas un membre de ma famille et il ne m'a jamais rendu un service matériel ou financier. Je le défends, parce que, comme lui, je suis convaincu que la démocratie est la seule voie nous permettant de ne plus être colonisé, tout en assurant notre développement. En effet, je ne connais pas l'exemple d'un pays qui s'est développé sans avoir été auparavant un pays libre. L'armée malienne serait moribonde. Faux et archi faux, les militaires maliens sont au contraire bien formés, ils ont surtout besoin d'expérience. Plus on combat, plus on devient une armée forte. C'est le cas de la France qui chaque année participe à des guerres ; elle en a fait une centaine alors que le Mali est à deux.
C'est faux aussi de dire, surtout venant de la bouche d'un jeune Malien qui n'a pas vécu cette période, que l'armée de Moussa Traoré était meilleure. Quel pays Moussa a-t-il battu? Aucun. Le seul pays qu'il a combattu, c'est l’ancienne Haute Volta devenue Burkina Faso, et ça s'est terminé à égalité
Deuxième mensonge : la corruption se serait plus développée ces derniers temps (sous entendu sous le mandat d’ATT). Démonstration du contraire. C'est sous les vingt ans des présidents Amadou Toumani Touré et Alpha Oumar Konaré qu'ont été faites les neuf dixièmes (9/10è) des réalisations du Mali : routes, infrastructures de tous genres, agriculture, santé, éducation, emploi etc. Pour toutes ces réalisations, il a fallu de l'argent ; ce qui ne laissait nulle place au vol. C'est honteux en comparaison aux régimes de feu Modibo Keïta et de Moussa Traoré, qui étaient très corrompus. C'est curieux qu’un président, qui à placé toute sa famille dans les postes clés de ce pays prétende lutter contre la corruption, et surtout en invitant pourtant à sa prestation de serment, son modèle Moussa Traoré, un président qui avait pourtant été condamné à mort pour corruption.
Pour la première fois, le nom d'un président fraîchement élu est mêlé à la mafia. Le Monde est un journal sérieux qui n’écrit jamais à la légère. AT lui n'aurait jamais pris dans les caisses de l’Etat 20 milliards pour s'acheter un avion. Il préfèrerait les garder pour nourrir les nécessiteux. C'est ça un président qui se soucie de son peuple.
Autre fléau imputé à ATT : l’école. Pourtant, la situation mauvaise de l'école malienne est une réalité déjà sous Moussa Traoré. On se souvient tous des années 1970 et 1980 où un ministre de l'éducation de Moussa à été brûlé vif par des parents d'élève en colère. Modibo Keita n'avait aucun problème puisque la population du Mali ne dépassait pas 2 millions et le pays manquait de cadres. Tous les bacheliers avaient une bourse et étaient systématiquement embauchés à la fin de leurs études.
Quatrième mensonge : faux débat sur le soi disant consensus mou d'ATT. Alpha et A TT n'ont tué personne, n'ont arrêté aucun journaliste, moins de délestage d'électricité. Ils n’ont aussi arrêté aucun opposant, car si IBK avait fait de la politique sous Modibo Kéïta ou Moussa Traoré, il aurait été déjà mort après une « taoudénisation » dans les mines de sels comme les Fily Dabo, Hamadoun Dicko et autres Diby Syllas Diarra et Tiécoro Bagayoko. Les Maliens ont élu IBK en oubliant que dans un pays où les institutions démocratiques sont dans leurs balbutiements, choisir quelqu'un qui aime le pouvoir et a un gout prononcé pour l’argent et le luxe est très risqué. Ces points faibles d’IBK risquent de faire de lui un dictateur facilement manipulable par la France.
Et puis quand, IBK fait de Moussa Mara (le seul politicien ayant réussi à le battre dans sa commune) son Premier ministre au lieu de le laisser devenir un opposant pour le bien de la démocratie Malienne, il fait du consensus plus mou que du chewing-gum mâché. C’est aussi une tentative calculée de détruire politiquement un redoutable opposant potentiel.
Livrer le Mali à la France
Un drame se profile à l'horizon. Il semble que IBK, mû par son gout du pouvoir (contrairement à ATT, Alpha ou Dioncounda, il préfère son pouvoir plus que le Mali), ait l'intention de commettre l’irréparable en livrant le Mali pied et mains liés à la France par la signature prochaine d’un Accord de coopération militaire. Voila qui va faire retourner dans leurs tombes les pères de notre indépendance. Il faut tous faire pour empêcher cela. Il suffit d'être vigilant et que chacun dans un élan patriotique tienne sa place, gouvernement, Assemblée nationale, institutions de la République, Journalistes. Tel que je connais notre peuple, il ne se laissera pas faire.
Quand au coup d'Etat du 22 mars perpétré par Amadou Haya Sanogo, il semble qu'il eut été fait pour préparer le terrain à IBK. Dès lors, l'on peut à juste raison penser qu'il a été commandité soit par IBK, soit par la France indirectement, soit par le Haut conseil islamique du Mali, ou même par les trois. Sans ce coup d'Etat, la propagande anti ATT n'aurait pas prise et le président actuel aurait sans doute été, non pas IBK, mais Soumaïla Cissé ou Modibo Sidibé.
Telle est ma contribution à ce débat qui nous préoccupe tous et tout en espérant que la situation de ce pays s'améliore le plus vite possible.