L’opposition parlementaire a déposé, la semaine dernière, sur la table de l’Assemblée Nationale une motion de censure contre le gouvernement, jugé « incapable » de gérer la situation du nord du Mali. Au-delà de cette motion de censure, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a dix bonnes raisons pour démettre le Premier ministre, Moussa Mara.
Lors de sa rencontre avec la classe politique, le chef de l’Etat aurait avoué aux représentants des partis politiques que c’est lui qui a démis Soumeylou Boubeye Maïga. Qui lui aurait raconté des contrevérités sur l’attaque de Kidal. Si cette faute a été sanctionnée, qu’est-ce qui empêcherait IBK de s’assumer vis-à-vis de son Premier ministre qui ne cesse de multiplier les bourdes. Il y a dix bonnes raisons qui doivent aider le chef de l’Etat à démettre Moussa Mara de ses fonctions.
Première raison : Tout est parti de sa visite « forcée et politique » à Kidal. Moussa Mara a précipité notre pays dans un engrenage dans lequel nos forces de défense ont été humiliées et surtout l’assassinat sauvage de six administrateurs civils et des militaires. Le Mali a perdu ses positions à Kidal et dans plusieurs localités du nord. Et pour tout cela, un seul bouc émissaire a été trouvé : Soumeylou Boubeye Maïga. Alors que le fautif est connu de tous y compris le président de la République. Moussa Mara a bravé les conseils de nos amis de Serval et de la Minusma pour aller à Kidal contre vents et marrées. Après avoir provoqué une recrudescence de la violence dans cette ville, il a été reçu en « héros » à Bamako, où il enchaina des déclarations va-t’en guerre. Alors, il doit répondre de l’échec.
Deuxième raison : Le Mali était engagé dans un processus de paix avec la signature de l’accord de Ouaga, le 18 juin 2013. Cet accord avait permis l’organisation des élections présidentielles et législatives dans la région de Kidal. Il a également profité aux groupes armés par la libération de plusieurs prisonniers rebelles. Au-delà, l’accord de Ouaga a facilité le « cantonnement » de groupes armés à Kidal. Ceux-ci n’avaient pas de possibilités de sillonner les villages et fractions du nord, et cela jusqu’au 17 mai dernier. Donc, le pays était vraiment engagé dans un processus de paix, même si ce processus était fragile. Il a fallu une visite « populiste » d’un Premier ministre trop ambitieux pour remettre en cause tous ces acquis. Les partenaires du Mali ne l’ont pas apprécié, même si par courtoisie, ils ont évité de tirer sur la corde. Ce Premier ministre bénéficie-t-il encore de la confiance des autres parties impliquées dans le dossier. Pas sûr.
Troisième raison : Une crise diplomatique a évité de justesse entre le Mali et ses partenaires (Serval et Minusma) à cause des accusations du chef du gouvernement après sa visite à Kidal. Moussa Mara est à la base de la crise de confiance qui s’est installée depuis les évènements de Kidal entre notre pays et ses partenaires. Les forces Serval et la Minusma n’ont pas apprécié cette accusation. Les manifestations qui ont suivi les déclarations de Mara, n’ont fait qu’exacerber la méfiance entre les parties maliennes (gouvernement et groupes armés) d’une part et d’autre part entre ces partenaires et les autorités maliennes.
Quatrième raison : Il faut s’interroger sur la volonté réelle du chef de l’Etat à vouloir mettre fin à la crise actuelle. Si tel est le cas. Moussa Mara est vite grillé. Les groupes armés avec lesquels il faut négocier la paix, accepteront-ils de collaborer à l’avenir avec un homme qui a osé remettre en cause le processus de paix, en leur déclarant la guerre. Tout compte fait, ils auraient déjà demandé le départ de Mara.
Cinquième raison : Ils ne sont pas les seuls. L’opposition parlementaire a déposé, le vendredi dernier, devant l’Assemblée nationale une motion de censure contre le gouvernement, « incapable », selon elle, de régler les problèmes du pays dont la rébellion du nord.
« Nous avons effectivement déposé une motion de censure pour réclamer la démission du gouvernement, avec à sa tête Moussa Mara, qui est incapable de résoudre les problèmes urgents de l’heure », a déclaré Soumaïla Cissé, chef de l’opposition parlementaire.
D’après l’opposition, le Mali « se trouve dans l’impasse sur plusieurs questions ». Elle cite notamment « la gestion calamiteuse des finances publiques », une « école qui va mal », les « mensonges » au sommet de l’Etat… et « le peu de lisibilité dans les négociations de Kidal ».
Sixième raison : Depuis la déroute de nos forces de défense pour reprendre le contrôle de la ville de Kidal, une partie de l’armée ne serait pas favorable au maintien du Premier ministre. Pour preuve, le chef d’Etat-major général des armées a carrément démissionné avant d’être supplié de revenir sur sa démission. Cette crise de confiance entre le chef de gouvernement et une partie des forces de défense a créé une certaine panique dans des milieux de renseignement. Pour preuve, les montages grotesques de coup d’Etat ici et là. Ajoutez-y la mort de plusieurs de nos vaillants militaires et administrateurs civils. Pour moins que ça, un Premier ministre doit démissionner. C’est un échec patent de sa politique. Mara ne l’a pas fait. Quelqu’un doit l’y obliger.
Septième raison : Pendant que le Premier ministre se débat à Bamako pour sauver sa tête, les groupes djihadistes sont de retour dans certaines localités du nord et particulièrement de la région de Kidal. L’Etat malien est désormais fragilisé face aux groupes armés. Une situation qui a été également provoqué par l’imprudence de Moussa Mara à déclencher les hostilités à Kidal. La débâcle de l’armée à Kidal a plus ou moins facilité le retour des djihadistes. Qui seraient en train de harceler nos forces de défense et de sécurité dans les Tégargart. Jusque-là, les forces françaises ont accompagné l’armée malienne dans sa guerre contre les terroristes. Mais depuis les évènements de Kidal, cet accompagnement est timide. Un confrère rapporte même l’ambassadeur français a été sommé de ne pas s’afficher avec les officiels maliens. Sans commentaire !
Huitième raison : Au plan politique, le Premier ministre ne représente pas grand-chose. Issu d’un minuscule parti politique, avec un seul représentant à l’Assemblée nationale, Moussa Mara aura du mal à fédérer la classe politique sur son programme ou même celui du président de la République. D’ailleurs, les contradictions sont monnaie courantes entre les deux hommes. A la veille du « limogeage » de Boubeye, il affirmait que le redressement va continuer comme si c’était lui qui avait fait partir l’ex ministre de la défense. IBK le prend à contrepied quelques jours plus tard en affirmant devant les représentants de la classe politique que c’est lui qui a limogé Boubeye.
Neuvième raison : Lors de la présentation de sa déclaration de politique générale, Moussa Mara a tenté de justifier l’achat du Boeing d’IBK. Des explications qui n’ont pas convaincu ni les Maliens, encore moins les bailleurs de fonds. Le FMI a émis des réserves et a décidé finalement de sanctionner. Il va geler jusqu’en septembre prochain 70 milliards de FCFA. Preuve encore une fois que le chef du gouvernement n’est pas à la hauteur et pourra difficilement sortir le pays de la crise.
Dixième raison : Enfin, le gouvernement Mara a carrément dégainé dans l’organisation des examens du DEF et du Baccalauréat. Jamais l’organisation de ces examens ne s’est déroulée dans un tel cafouillage. On évoque déjà l’annulation de ces examens à cause de leur mauvaise préparation et de la fraude massive qui les a émaillées. Par solidarité, le gouvernement de Moussa Mara devrait éviter de chercher un bouc émissaire. Ni plus, ni moins, c’est le chef du gouvernement qui doit s’assumer.