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Situation sécuritaire : Le nord nous échappe
Publié le jeudi 19 juin 2014  |  L’aube




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Les nouvelles du nord ne sont guère favorables. Les derniers développements de la situation dans cette partie du pays font entrevoir des signes troublants qui ne trompent pas : le septentrion est en passe d’échapper au contrôle du pouvoir. Le fait semble d’autant plus quasiment irréversible qu’une véritable chaîne de complicité s’est tissée entre le Mnla et la France, sous l’œil passif de la Minusma, pour exécuter le plan machiavélique de l’AUTONOMIE de Kidal, et, plus tard, de l’INDEPENDANCE de l’Azawad. Une évidence qu’on ne pourrait passer sous silence : ce tort et ce mal ont été causés au peuple et à la nation par le Premier ministre Moussa Mara (et sa visite historique à Kidal) couvert par le président Ibrahim Boubacar Kéïta.
Le nord du Mali glisse-t-il entre les mains du président Ibrahim Boubacar Kéïta comme un silure ? Inexorablement, on s’achemine vers un tel scénario catastrophe depuis la visite à Kidal, le 17 mai dernier, du Premier ministre Moussa Mara, ponctuée d’une déroute de l’armée nationale le 21 mai et de la perte (définitive ?) de la capitale de l’Adrar des Iforas.
Pour mieux comprendre, il faut revenir un peu en arrière dans le temps.

L’honneur du Mali restitué
En effet, le président par intérim de la Transition, Dioncounda Traoré, sur la base d’un appel à l’aide au président français François Hollande, redonne au Mali son intégrité territoriale en chassant les rebelles, terroristes et djihadistes entre le 11 et le 31 janvier 2013. L’armée malienne occupe à nouveau toutes les positions perdues après le coup d’Etat du 22 mars. Toutes, à l’exception de Kidal, protégée par la forteresse française.
Sans se décourager, Dioncounda multiplie les initiatives, consent des concessions et décroche, le18juin 2013, la signature de l’Accord préliminaire de Ouaga. Sur la base de l’application de cet accord, Kidal (ré) intègre le giron du Mali : l’armée occupe le camp1 ; le gouverneur de la région revient, s’installe à la mairie, puis dans les locaux du Gouvernorat ; tous les chefs des services régionaux suivent ; de même que les banques (Bms sa). Mieux, l’administration de commandement (Préfets et Sous préfets) regagnent leurs postes dans tous les cercles et arrondissements de la région.
Cerise sur le gâteau : Dioncounda Traoré organise des élections (présidentielle et législatives) sur l’étendue du territoire national, y compris la région et la ville de KIDAL. D’ailleurs, au second tour de la présidentielle, le Mnla appellera à voter IBK (futur gagnant) et à l’issue des législatives, le Rpm, parti présidentiel, s’arroge la quasi-totalité des postes de député.
Donc, le président IBK est intronisé et l’Assemblée nationale installée dans un Mali apaisé, unifié, UN et (presque) INDIVISIBLE. Un héritage légué sur un plateau d’or par le Pr Dioncounda Traoré à son successeur Ibrahim Boubacar Kéïta.

Comment Mara a « vendu » le nord
Par rapport au nord, le plus difficile avait alors été fait. Il ne restait plus à IBK qu’à consolider les acquis, notamment en amadouant les Français pour les amener à lever le pied sur Kidal, dernier bastion où les groupes armés faisaient encore la loi.
Malheureusement, le président multiplia les incohérences et les bourdes dans la gestion du dossier : discours va-t-en-guerre, diversification des médiateurs, traîne dans l’ouverture des négociations en violation de l’Accord de Ouaga etc. Néanmoins, IBK parvient à maintenir le cap sous le règne de son premier Premier ministre, Oumar Tatam Ly.
Jusqu’à l’arrivée de Moussa Mara, tout était tranquille et même les jalons d’un véritable début des négociations posés. Mais, le nouveau Premier ministre, dont la nomination avait suscité de vives contestations, de la désapprobation et moult déceptions dans tous les milieux sociopolitiques, « a tout foutu en l’air ».
Tout est parti le jour de sa Déclaration de politique générale. Au cours des débats, Moussa Mara a annoncé aux députés, sous forme d’un défi, qu’il ira à Kidal, « dans les jours à venir ».
Effectivement, à partir du 16 mai, soit quarante jours après sa nomination, Mara entame une visite dans les régions du nord et qui devait le mener à Tombouctou, Gao et Kidal. La première étape se passe sans anicroche. Mais, pour celle de Kidal, le PM en fut fortement déconseillé aussi par la Minusma que par les forces de Serval. Pour elles, le contexte ne s’y prêtait pas. Peine perdue. Mara s’entête et atterrit à Kidal le samedi 17 mai. Conséquence : six administrateurs civils égorgés et deux civils tués le même jour par les rebelles du Mnla. Mara quitte Kidal la tête baissée. Et déclare la guerre au Mnla. Le 21 mai, l’armée malienne est mise en déroute par les rebelles. Kidal retombe entièrement dans l’escarcelle du Mnla, qui chasse toute présence malienne et tout symbole du pays dans la ville. Le Premier ministre n’en tire pas les conséquences et reste toujours cramponné à son poste. Il l’a réaffirmé hier devant les députés à l’occasion des débats sur la motion de censure déposée par l’opposition parlementaire. « N’tè ! N’tè ta yorossi ! ». Traduction : « Je ne démissionnerai pas », exactement dans les termes que le général Moussa Traoré avait utilisés en 1991, peu avant sa chute. Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets ?
Par la faute de Moussa Mara et de son fait, les groupes armés étalent aujourd’hui progressivement leurs tentacules à plusieurs autres localités, non plus de Kidal seulement, mais du nord du pays. C’est le début d’une nouvelle occupation du septentrion malien. A quoi va aboutir ce retour des envahisseurs ? Que peut le Mali pour récupérer Kidal et, au-delà, le nord ? Ou bien le septentrion échappe-t-il définitivement au Mali? Autant de questions que se posent aujourd’hui les Maliens.

Le septentrion vire au Mnla
En allant à Kidal, Mara, sciemment ou inconsciemment, a rendu un grand service au Mnla qui, aujourd’hui, fédère toutes les forces djihadistes du Mujao et terroristes d’Aqmi et, surtout, la France qui n’a jamais voulu combattre ce groupe armé.
La complicité française dans le dossier de Kidal ne fait plus aucun doute. Le jeu flou entretenu par les libérateurs du 11 juin est dénoncé en privé à Bamako par des responsables et des officiers de l’armée malienne. Deux exemples concrets sous forme d’interrogations. Primo, pourquoi les forces Serval ont libéré les régions de Mopti, Ségou, Tombouctou et Gao et installé l’armée malienne tout en interdisant l’entrée des Fama dans Kidal ? Secundo, qu’est-ce qui explique l’inaction des forces françaises lors de la bataille du 21 mai à Kidal ? D’ailleurs, la France est fortement soupçonnée ce jour-là d’avoir donné un coup de main aux rebelles et d’avoir facilité l’arrivée des renforts d’Aqmi, du Mujao et d’Ançardine qui a permis au Mnla de reprendre le dessus après que les Fama aient récupéré le Gouvernorat en début d’après-midi.
Mieux, la France a entraîné dans son sillage la Minusma qui, apparemment, ne fait en réalité que se conformer à la politique dictée par l’Elysée au Mali.
Autre preuve de la connexion entre Paris et Kidal, c’est que les Français ne semblent plus intéressés par la signature de l’Accord de coopération, accord derrière lequel ils courent pourtant depuis plus de cinquante ans. Pourquoi ce désintérêt subit ? Parce que la France est en bonne voie pour obtenir ce qu’elle veut : scinder Kidal du Mali.
Cette attitude de la France fait qu’en ce moment, partout dans le nord, les forces du Mnla et les islamistes terroristes et djihadistes progressent et réoccupent le terrain, en toute impunité. Ni Serval, ni les forces de la Minusma n’interviennent pour stopper l’avancée des rebelles.
La situation est alarmante. A Kidal, les populations sont désemparées et manquent de tout. La ville est désormais à la merci des groupes armés, au grand dam du pouvoir qui ne dit mot.
En plus de la ville et de la région de Kidal, les localités de Ber, Ménaka et bien d’autres de la région de Gao sont occupées. L’armée malienne, traumatisée par la débandade de Kidal du 21 mai, ne bouge plus. Pire, à Ménaka, nos soldats sont prisonniers dans le camp. ; donc l’armée est cantonnée, sans liberté de mouvement.
C’est dire qu’au plan militaire, les autorités maliennes n’ont plus la carte en main. Idem au plan politique. En effet, au moment où IBK s’agenouille devant les groupes armés pour les appeler à revenir autour de la table de négociation, ceux-ci multiplient les déclarations va-en guerre et les pressions militaires.

Comme au sud Soudan ?
Et le drame, c’est que IBK ne dit pas toute la vérité aux Maliens sur la situation qui s’achemine vers le scenario exécuté au sud-Soudan. En effet, derrière les discours, sur le « respect de l’intégrité territoriale du Mali », se cache-t-elle une volonté voilée d’aller vers une autonomie de Kidal, puis l’auto-détermination et enfin l’indépendance de l’Azawad.
Pour en revenir à la situation qui prévaut au nord du Mali, une vaste campagne d’intoxication est actuellement menée par le Mnla auprès des populations. Le mouvement affirme que l’Etat malien ne reviendra plus dans la zone.
Des jeunes sont recrutés sur place et enrôlés par le Mnla. Autre signe inquiétant, mais qui marque l’assise du Mnla : l’on annonce la création de la devise de l’Azawad et de la pièce d’identité de cet Etat en gestation.
Dimanche dernier, 15 juin, un meeting populaire a été tenu par des groupes des femmes du Mnla à la place de l’indépendance de Ménaka. Un autre est prévu ce jeudi.
Dans la même ville, nous apprenons que les rebelles ont confisqué les clés de la radio rurale, une radio communautaire. Les groupes armés affirment qu’ils ont désormais leurs animateurs et des techniciens pour émettre leur propre programme. Et, juste au moment où nous mettions sous presse, il nous est revenu que les rebelles ont rebaptisé la radio rurale, qui devient « La radio de l’Azawad ». Elle émet sous la coupole du Mnla (lire notre brève en page 2).
A Ménaka, l’on annonce aussi la présence de miliciens. Tous les postes militaires sont contrôlés par les groupes armés. La Minusma, composée du contingent nigérien, se contente de faire de rares patrouilles et de retourner à sa base. Aucune action n’est entreprise par cette force onusienne pour sécuriser les populations.
Conclusion : le nord du Mali tombe progressivement sous le contrôle du Mnla. Et à Bamako, on joue à la politique de l’autruche. Pour combien de temps encore ?

Sékou Tamboura

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