Le Fonds monétaire international (FMI) suspend ses crédits au Mali et demande des explications à Bamako sur deux importants contrats passés par les autorités dans des conditions jugées douteuses dont l'achat d'un avion présidentiel.
Quatre millions d'euros de crédits devaient être versés aux autorités maliennes ce mois-ci. Le FMI (Fonds monétaire international) vient de décider de geler ce décaissement, au moins jusqu'en décembre. En cause: l'achat par Bamako d'un nouvel avion présidentiel à 30 millions d'euros, et un contrat d'équipements passé par le ministère malien de la Défense pour 105 millions d'euros. «Selon nous, explique Anton op de Beke, représentant du FMI au Mali, ces deux contrats ont été passés hors budget.» En décembre dernier, le FMI et Bamako ont signé un accord portant sur 30 millions d'euros de facilités de crédits. Le Mali s'engageant dans ce cadre à respecter l'équilibre de ses finances et à mener une série de mesures supposées renforcer la croissance nationale.
En mars dernier, une équipe a donc fait le voyage de Washington pour évaluer le respect de ces engagements. «Le processus a pris du retard, confirme Anton Op de Beke. Nous avions prévu de le conclure en juin, mais nous continuons toujours de demander certaines informations. Les autorités répondent à nos questions, mais leurs réponses suscitent d'autres interrogations.» Sur l'achat de l'avion présidentiel, que le FMI a appris dans la presse après sa mission d'évaluation, la situation serait en cours de normalisation. «Le gouvernement a déjà décidé d'intégrer cet achat dans une loi de finances rectificative, précise le chef du FMI au Mali. Pour ne pas déséquilibrer le budget, le gouvernement va devoir faire des économies sur d'autres postes. Cela montre la priorité accordée à cet avion.»
Un audit sur les transactions
Aujourd'hui, c'est donc surtout un contrat passé par le ministère de la Défense, via une société malienne chargée d'importer 105 millions d'euros d'équipements, qui préoccupe le FMI. «Le gouvernement a donné une garantie de 100 milliards de FCFA (plus de 150 millions d'euros, ndlr), pour permettre à l'importateur de se financer auprès d'une banque, explique Anton Op de Beke. Mais cette garantie n'a pas de base dans la loi de finances. Nous nous posons aussi des questions sur la structure de ce contrat: pourquoi a-t-on besoin d'un intermédiaire?»
Sans parler directement de malversations, le FMI dénonce enfin l'opacité dans laquelle les autorités maliennes ont passé ces deux contrats. «Dans le code de marché public, l'article 8 permet aux autorités de ne pas respecter la réglementation pour certains achats qui exigeraient le secret, détaille Anton Op de Beke. Notre opinion, c'est que cet article est utilisé très libéralement. Il n'est pas clair que l'achat d'un avion d'affaires, comme l'avion présidentiel, demande le secret qu'on lui a attribué. Même chose pour le contrat du ministère de la Défense: la partie militaire est très faible, tout le reste concerne des équipements pour lesquels on peut tout à fait imaginer des marchés compétitifs au travers d'un appel d'offres.»
La ministre malienne des Finances, Bouaré Fily Sissoko, s'est rendu à Washington en début de semaine. A la demande du FMI, elle a accepté de mener un audit des transactions et de préciser les conditions d'application de certaines règles budgétaires et de passation de marché. Depuis le début du bras de fer, engagé en mai dernier, les autorités maliennes assument des achats qui relèvent de décisions nationales souveraines, tout en assurant qu'elles sont disposées à répondre aux exigences du FMI. «Il y a déjà une transparence, commente le ministre malien de la Communication, Mahamadou Camara, mais le FMI est notre partenaire et ces nouveaux engagements montrent que nous tenons compte des remarques et suggestions qui nous sont faites.»