Les propos de la ministre de l’Economie et des Finances tranchent avec la réalité des douloureux rapports que le Mali entretient avec le Fonds monétaire international (FMI). Pour avoir entrepris des dépenses (achat de l’avion d’IBK, contrat d’équipements militaires) au mépris des règles édictées par l’institution monétaire, les autorités maliennes sont soumises à un régime d’amaigrissement difficile à accepter. Plus grave, il faudra frapper tout le monde au porte-monnaie avec l’augmentation prévue du tarif de l’électricité. En dépit de tout ça, les autorités maliennes tentent maladroitement de noyer le poisson en faisant croire qu’entre elles et le FMI, c’est la lune de miel.
Bouaré Fily Sissoko, de retour de Washington la semaine dernière, a fait une déclaration des plus surprenantes à la télévision nationale. La ministre de l’Economie et des Finances s’est dite très satisfaite de son voyage au siège du FMI à Washington, en passant sous silence le rejet de la lettre d’intention du gouvernement à l’endroit de l’institution financière.
Pire, la ministre est revenue à Bamako avec l’ordre de mettre en œuvre des mesures de réparation des préjudices subis par le trésor public à cause des dépenses hors budget. Non seulement le FMI n’a pas accepté de lever le blocage des décaissements des fonds alloués au Mali, il a aussi instruit que les dépenses publiques hors budget soient auditées.
Les contre-pouvoirs joignent les positions du FMI qui se montre intraitable sur la question de l’achat de l’avion présidentiel et des contrats d’armements. Si le gouvernement, a mis en avant le caractère sensible de ces dépenses (notamment celles liées au contrat d’armement), il est loin de pouvoir convaincre les bailleurs de fonds, encore moins l’opinion et surtout l’opposition.
Selon Soumaïla Cissé, chef de fil de l’opposition parlementaire, la vie quotidienne est de plus en plus difficile pour les citoyens à cause des errements du pouvoir dont la gestion des finances publiques est jugée catastrophique. Pour les opposants, depuis l’élection du président Keïta, les Maliens souffrent des conséquences des décisions impertinentes du gouvernement.
L’échec de la mission de la ministre de l’Economie à Washington est un coup dur en réalité pour le pouvoir d’IBK, car jusqu’en septembre prochain le Mali ne pourra pas décaisser un sous des 70 milliards de CFA bloqués par les bailleurs de fonds. Les autorités ont intérêt à respecter les engagements du pays puisqu’en plus de prêter de l’argent au Mali, le FMI garantit les prêts d’autres bailleurs.
Augmentation des tarifs d’électricité
Il n’y a pas que le redressement des dépenses publiques faites par le gouvernement qui est inquiétant pour les Maliens. La perspective de l’augmentation du tarif de l’électricité, dans quelques semaines en principe, fait partie des mesures que le gouvernement doit mettre en œuvre pour restaurer la confiance de ses partenaires économiques.
Le FMI juge que les subventions accordées à la Société d’énergie du Mali (EDM) sont trop élevées, tournant autour des 100 milliards de FCFA. Cette somme est le prix de plusieurs dizaines d’écoles, estimait Christine Lagarde lors de son passage à Bamako en début d’année.
Depuis fin 2013, le FMI et le gouvernement travaillent à préparer les esprits à l’augmentation du tarif de l’électricité mais les autorités semblent ne pas réussir sur ce coup-là aussi. Hormis un sketch peu pertinent que la télévision nationale diffuse en Bambara, la prochaine augmentation du prix de l’électricité reste un sujet confus.
Le FMI avait pourtant insisté sur la sensibilisation des organisations de la société civile lors de la visite à Bamako d’une délégation de l’institution monétaire en fin 20013. Mais l’objectif visé était de faire accepter la nécessité de l’augmentation du tarif de l’électricité en faisant recours au concours d’autres organisations que la seule association des consommateurs.
Le Mali est aussi appelé à trouver des alternatives aux hydrocarbures qui constituent une grande partie des sources d’électricité du pays, les barrages électriques ne pouvant satisfaire les besoins. Mais les mesures annoncées comme substituts aux hydrocarbures sont loin d’être perceptibles par les Maliens dont les besoins en électricité augmentent.
Une des solutions envisagées est d’investir dans les centrales hybrides pour alimenter notamment les villes moyennes et les milieux ruraux. Il est également prévu de ravitailler le Mali à partir du gaz mauritanien et l’interconnexion avec le réseau d’électricité ivoirien, mais le pays reste loin du compte. En somme, la ministre Fily Boiré revient de sa mission à Washington sans rien obtenir du FMI. Et comme c’est désormais une habitude du régime, l’on tente de faire passer l’échec comme un succès. Histoire sans doute de mentir, de mentir surtout à soi-même. La réalité est que Fily Bouaré a lamentablement échoué.
Soumaïla T. Diarra