En plus de sa marge de manœuvre de plus en plus réduite, le Président Ibrahim Boubacar Keïta se retrouve de part et d’autre, attendu de pieds fermes. Pour la paix au Mali, IBK n’est pas le seul responsable du retard. Il s’agit là, d’un colossal conflit d’intérêt entre la France et l’Algérie qui, depuis janvier dernier, est devenu pour kankéléntigui, un véritable casse-tête.
Visiblement, « faire en sorte que le processus entamé l’an dernier à Ouagadougou reparte, » est l’unique issue prônée par la majorité des pays et organisations internationales réunis autour du Mali depuis l’avènement de la crise. Parmi ceux-là, la France se retrouve en tête. Avec elle, l’ONU, l’Union européenne et d’autres puissances s’intéressant peu à la crise malienne.
Et comme la France qui a fourni beaucoup d’efforts, s’est érigée depuis l’opération serval en acteur clé pour une sortie définitive de la crise, elle ne veut voir devant elle, ni autre pays ou entité vouloir la substituer. Ce qui est malgré tout, l’approche des Algériens venus tardivement sur la scène, et dont le but ne se résume pas au fond, à écarter Paris mais, à éviter un accord de défense en vue d’être signé avec les Maliens.
En fait, historiquement, l’Algérie tient son sud (nord du Mali) comme son arrière-cour (un déversoir de ses enfants gâtés.) Autrement, puisque c’est de là qu’ont pris apogée toutes les insurrections armées contre le pouvoir central du pays depuis des décennies, la sécurité n’est en moindre garantie que si Alger contrôle ladite zone largement ouverte à son territoire (au sud). Et, une éventuelle installation des unités françaises sur place ne rassure pas Alger qui souhaiterait et a les moyens de prendre en mains sa propre sécurité menacée par le narco-terrorisme. Alger a derrière elle en cachette, les Américains qui savent leurs intérêts mieux rassurés, s’elle est devant.
A Bamako, dès l’accession d’IBK au pouvoir, vu l’effort fourni par l’opération serval et les menaces djihadistes encore en veilleuse, le régime n’a pas manqué de vigilance. Pour les proches d’IBK, il faudrait, en attendant que l’armée soit remise sur pieds, une solution quoique provisoire, pouvant redonner un espoir sécuritaire dans le nord. Quitte à octroyer aux français une base militaire à Tessalit.
A côté, les Français, fortement engagés dans la lutte contre le terrorisme, voient leur rêve d’en faire du nord du Mali, un centre stratégique de commandement pour la lutte antiterroriste, se réaliser dès l’apposition des signatures légitimant l’installation de la base des commandos. La réorganisation du dispositif français avec 3000 commandos dans la bande n’attend que cet accord pour s’effectuer. Alors que jusque là, rien n’atteste la légitimité de la présence des unités françaises au Niger et au Burkina (Il faut noter qu’Alger s’était à cette époque aussi opposée, mais le Niger et le Burkina avaient justifié cette présence française sur leurs sols respectifs en la nécessité de libérer les otages d’Arlit enlevés dans le même mois.) Or, « n’eut-été l’opération ‘’Béro’’’ effectuée par les commandos français venus depuis septembre 2010, puis fin 2011 au Niger, le pays allait connaître une occupation pire que celle des 2/3 du territoire malien», clarifie un ancien de la DGSE française, actuellement conducteur de camion.
En face, Paris et Bamako ont les Algériens. Dans la lutte d’éviter ce qui est pour eux, un retour à l’époque coloniale, depuis janvier dernier, les Algériens par le biais de l’ancien Ministre malien de la défense (Soumeylou B Maïga), ont vite invité le Président malien à comprendre leur approche. Il s’agit pour Alger, de plancher avec le Mali et les autres pays du champ désireux, pour réglementer communément la sécurité de toute la bande. Il faut dire que les Algériens sont prêts à tout donner pour éviter les français jusqu’au nez.
C’est pourquoi, en janvier dernier, quand Bamako et Paris avaient prévu de signer l’accord, le Président IBK est vite invité à Alger. Une fois sur place, la signature alors prévue le 20 du même mois est reportée sine dine.
Février 2014, les Français, se voient provoqués par Alger. Puisque c’est en fin janvier, début février qu’Alger alla au-delà en appelant les groupes armés à signer une plate-forme commune pour les pourparlers. Ce qui n’a pas été dénoncé par Paris mais qui, pour écarter les Algériens, a su mobiliser le conseil de sécurité de l’ONU jusqu’à Bamako. Pour les Français, l’instigateur de cet échec consommé le 20 janvier n’est autre que le Ministre Boubeye, taxé de proche d’Alger. Ce dernier perd toute admiration vis-à-vis de Paris depuis lors.
A chaque fois qu’il s’agit d’en parler, la diplomatie malienne ne manque pas à notifier que « des discussions sont en cours en vue de la signature dudit accord avec Paris.»
Entre temps, le Mnla qui soupçonne les officiers algériens chargés de chapeauter les négociations, de plus favorables au HCUA, se plaint et va au Maroc. Du coup, Paris dépêche le Maroc dont le roi est bien écouté par Bamako, à tout faire afin d’amener les Maliens à poursuivre le processus entamé à Ouagadougou, face à un IBK opposé à dialoguer avec des groupes armés.
C’est ainsi, qu’en plus de Jean Yves Le Drian, le Président Hollande qui soutenait IBK, doute à son tour de la volonté de Bamako. Puisqu’en ne voulant pas frustrer Alger vue comme incontournable, les Français sont certains que la présence de leur ancienne colonie au centre du processus, les empêchera de le régler convenablement à leur souhait. Alger également qui n’ignore pas cette attitude de Paris, fonce sur sa lignée. Et veut mordicus, prendre le processus en lieu et place du Président Compaoré. Nul ne dit la vérité à l’autre, et tous agissent dans tous les sens.
En tout cas, l’implication des Algériens, en janvier dernier n’a suscité ni le soutien de Paris, ni celui d’une autre organisation régionale ou internationale. Tout ce qu‘on ironise c’est que « toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.» Alors qu’en vérité, le règlement de la crise malienne n’est pas envisageable à l’absence des deux vieux ennemis. Et de même, ces derniers, auront du mal à se conformer sur le même plan.
Une première, l’Union européenne, un partenaire puissant à composer avec Bamako, demande clairement au médiateur Compaoré, mandaté par la CEDEAO, de vite reprendre le processus en passe d’être saboté par Alger. Et Paris ? Qu’en dit-elle ? Rien !
Mais, à Bamako où la diplomatie reprend vie avec l’arrivée du chevronné jeune Ministre Diop, on estime que ce que les Algériens font actuellement n’est qu’exploratoire (tendant à amener la galaxie d’irrédentiste à parler le même langage). Juste une phase. La deuxième interviendra à Ouaga sous forme de pourparlers inclusifs. La troisième et dernière phase par l’aboutissement en signature par les parties de l’accord global et définitif, à Bamako.
Pour l’histoire, depuis quatre ans, la Mauritanie réitère, pour sa propre sécurité, l’installation d’une base française sur son sol. C’est Alger qui s’en est opposé en proposant à la Mauritanie juste des instructeurs Français et de la logistique s’il en faut.
Pour la CEDEAO aussi, il est inadmissible d’arriver jusque là et de cautionner voir, sa victoire dans la médiation se faire saisir par Alger qui n’est venue en soutien au Mali que quand la signature de l’accord a été annoncée.
Pour le Premier Ministre Mara, par le jeu de mot entre « [un accord de défense] et [un accord de coopération militaire], la différence est énorme.
Voyant ce non-dit, le Président IBK peut-il faire dissiper cette sérieuse stratégie de félins à laquelle jouent ses deux amis incontournables dans le dossier ? Rien n’est moins sûr ! En tout cas, l’une des raisons du blocage réside là…
Issiaka M TAMBOURA
La Révélation