Depuis sa création en 1960, la République du Mali n’a jamais été aussi menacée dans son intégrité. Face à cette menace aucune initiative n’est de trop, pourvu qu’elle aide au retour de la cohésion. C’est dans le but d’apporter sa pierre au recouvrement de l’intégrité du territoire national que la Coalition Pour le Mali (CPM) a envoyé des délégations dans les trois régions occupées, du 17 au 24 août 2012. Le rapport de synthèse des missions de la Coalition Pour le Mali, dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou, était au centre d’une conférence de presse le 29 aout 2012, à la Maison de la presse.
« Cinq mois après le retrait forcé de l’Etat, de tous les services étatiques, des ONG et des partenaires, il existe dans les régions occupées un fort besoin d’Etat. Les maîtres des lieux se rendent compte, eux-mêmes, qu’ils ne peuvent pas remplacer l’Etat. Chacun ressent l’impérieuse nécessité de combler le vide créé et de satisfaire les besoins fondamentaux des populations ». Tel est le constat principal fait par les émissaires de la Coalition pour le Mali. Cela a été clairement dit par Tiébilé Dramé, vice-président de la Coalition pour le Mali, a la conférence de presse de présentation du rapport de synthèse des missions initiées par son organisation à Kidal, Gao et Tombouctou, du 17 au 24 août 2012. Tiébilé Dramé a rappelé qu’ « il y a 150 jours que l’armée et l’administration se sont repliées, laissant les populations sans défense, à la merci de groupes dont certains, notamment à Gao et Tombouctou, se sont livrés à des actes de violences et de pillages, à des exactions qui resteront à jamais gravées dans les mémoires ». Il dira que c’est dans ce contexte qu’est née, le 26 mai 2012, la Coalition pour le Mali, avec entre autres objectifs de contribuer à la mobilisation des énergies de toute la Nation pour recouvrer l’intégrité du territoire national. Selon lui, c’est dans le cadre de cet objectif que des délégations de la Coalition ont été envoyées dans les trois régions occupées, du 17 au 24 août 2012, avec les missions de témoigner de la solidarité de la Coalition avec les populations et de prendre contact avec les acteurs locaux.
Tiébilé Dramé a indiqué que dans les trois capitales régionales, les émissaires de la Coalition ont rencontré deux catégories de personnes : les représentants des populations (les notables, les chefs religieux, les leaders de jeunes et de la société civile) qui animent la résistance intérieure dans le cadre des comités de crise ou de cadres de concertations et les dirigeants des forces qui occupent et contrôlent les régions du nord. Des constats très intéressants ont été faits pendant la mission, en rapport avec l’Etat, le dialogue, la charia, Al Qaeda et même sur la nature de l’Etat malien.
En ce qui concerne l’Etat, Tiébilé Dramé a indiqué que les émissaires ont constaté un fort besoin de l’Etat. «Cinq mois après le retrait forcé de l’Etat, de tous les services étatiques, des ONG et des partenaires, il existe dans les régions occupées un fort besoin d’Etat. Les maîtres des lieux se rendent compte, eux-mêmes, qu’ils ne peuvent pas remplacer l’Etat. Chacun ressent l’impérieuse nécessité de combler le vide créé et de satisfaire les besoins fondamentaux des populations ». Il a aussi indiqué que les missionnaires de la Coalition ont constaté une forte disponibilité pour le dialogue. Selon lui, lors des échanges avec les principaux responsables d’Ançardine à Kidal et à Tombouctou et avec ceux du MUJAO à Gao, il est ressorti que les voies du dialogue peuvent et doivent être explorées. Cependant, il dira qu’il est apparu aux émissaires de la Coalition que Iyad Ag Ghali, Chef d’Ançardine, est un des principaux responsables des groupes armés au Nord et, à ce titre, un des principaux interlocuteurs pour toute négociation. Par ailleurs, Tiébilé Dramé a indique qu’ « autant le émissaires de la Coalition ont perçu à tous les niveaux un besoin irrépressible de la patrie malienne, autant ils ont perçu que les populations ne regrettent guère les préfets, les juges, les gendarmes, les policiers et tous ceux qui incarnent les services de l’Etat tels que les affaires économiques, les impôts, les douanes, les eaux et forets etc.… ». Face à un tel constat, Tiébilé Dramé dira qu’il va falloir réfléchir sur ce que sera l’Etat dans cette zone du pays. En ce concerne la charia, il dira que « s’ils ne mettent pas en cause l’intégrité du territoire national, les interlocuteurs de la Coalition ne font aucun mystère de leur volonté d’instaurer et de faire respecter la loi de Dieu, la Souna du Prophète (PSL) ». S’agissant d’Al Qaeda, Tiébilé Dramé dira qu’à « aucun moment, dans aucune des capitales régionales, les représentants de la Coalition n’ont eu de contact avec Al Qaeda, même si notre délégation e Tombouctou a été informée de la présence en ville des émirs Moctar Belmoktar et Abdelhamid Abouzeid ».
Avec de tels constats, la Coalition dans sa conclusion dira qu’il « est non seulement possible d’aller dans les régions du Nord occupées, mais qu’il est aussi possible et souhaitable d’ouvrir, au plus vite, le dialogue avec les forces qui contrôlent cette partie du territoire national ». Convaincu que le Chemin est désormais ouvert, Tiébilé Dramé soutiendra : « sans attendre, l’Etat doit prendre le relais, en relation avec la société civile et explorer toutes les possibilités de restaurer la stabilité et la paix, et mettre fin aux souffrances de notre peuple ». Consciente que le retour de l’Etat au Nord n’est possible et viable que si la sécurité est restaurée, la Coalition a soumis aux autorités du pays une liste de recommandations en dix points.
Assane Koné
Les Recommandations de la Coalition pour le Mali
Conscients que le retour de l’Etat au Nord n’est possible et viable que si la sécurité est restaurée, nous soumettons les recommandations ci-après:
1. Envoyer de nouvelles délégations dans les régions du Nord,
2. Poursuivre le dialogue ainsi entamé avec les acteurs locaux desdites régions,
3. Renforcer la société civile des régions occupées,
4. Prendre un rendez-vous ferme, en un lieu à convenir, avec Iyad Ag Ghaly pour entamer le dialogue, en vue du retour de l’Etat dans les régions du Nord,
5. Ouvrir, sans délai, des discussions avec le MNLA,
6. Rencontrer les responsables des groupes de résistance et d’autodéfense,
7. Prendre contact avec les organisations humanitaires du Système des Nations Unies, les ONGs, afin d’organiser la reprise de leurs activités d’assistance dans les régions du Nord,
8. Etudier le retour des services techniques de base de l’Etat, dans le cadre d’un dialogue avec les maîtres des lieux et la société civile.
9. Prendre des dispositions appropriées pour la remise en état des équipements sociaux de base (eau, électricité, téléphone, services de santé),
10. Engager une réflexion profonde, impliquant les représentants de toute la Nation, en particulier ceux de toutes les communautés du Nord, sur les conditions du retour de la sécurité, de la stabilité, de la paix et de l’Administration dans les régions du Nord.
Paix et securite au nord (Réactions)
Mme Dembélé Ouleymatou Sow, Présidente de la FENACOF et membre du FDR / Quelles sont vos impressions après cette conférence ?
Moi j’ai une très bonne impression, parce que l’Etat central attend beaucoup de la société civile. C’est notre partition qu’on est en train de jouer comme ça. En tant que secrétaire générale adjointe de la coalition pour le Mali, nous sommes en train de mettre en route pratiquement tout une panoplie d’activités à déployer au cours des mois à venir pour aider l’état central à libérer les régions nord occupées.
Vous restez optimiste pour vos démarches et que bientôt le Mali sera un indivisible ?
Le pessimisme n’a pas de place dans nos cœurs, nous sommes en droit d’être optimiste parce que, quelle que soit la sortie d’une situation de guerre donc nous sommes toujours prompt à aller dans ce sens. Maintenant l’option d’Etat fédéral ou des options de charia et consorts, il y a tellement d’entité sur le tableau que nous à notre niveau qu’on ne s’aurait faire des choix. Nous faisons des propositions à l’Etat, on soumet vraiment nos constats, nos recommandations. Des recommandations pertinentes en rapport avec la libération ou en rapport avec la condition des populations ont été formulées. Par rapport aux options, moi je pense que c’est le Mali pluriel avec en avant un gouvernement qui saurait faire ses choix. Je pense que pour juguler un peu ces crises et puis éviter la répétitivité, il faut quand même qu’on pense à renforcer notre décentralisation. C’est mon option personnelle, ça n’engage que moi, je suis une spécialiste de la décentralisation. J’estime qu’il faut une décentralisation bien structurée vraiment en n’ignorant pas la souveraineté et la laïcité de l’état et puis pratiquement tout les principes qui sous-tendent un Etat. Donc, j’estime qu’il fallait revoir notre décentralisation de manière à donner beaucoup plus de poids à une décentralisation participative.
Mohamed Mohmoud El-Oumrany, ancien Ambassadeur du Mali
Monsieur l’ambassadeur, en tenant compte de votre expérience, pensez vous que les possibilités de paix sont réelles ?
Le gouvernement a choisi la négociation c’est ce que nous nous sommes allé faire. Nous sommes allés pour diminuer la souffrance des populations : fourniture d’électricité, fonctionnement des différentes structures de l’Etat. Pour le reste, je pense que la négociation peut nous amener à trouver une solution. Nous avons fait des propositions et je pense que les structures de l’Etat vont commencer à travailler.
Mme Sidibé Aminata Diallo, ancienne ministre
La question du nord est présente depuis l’indépendance, c’est une bataille que les gouvernements successifs ont menée pour garder l’intégrité du territoire, les frontières telles qu’elles ont été définies après la colonisation.
La démarche dans laquelle nous sommes, aujourd’hui, est innovatrice, dans le sens où elle prône le dialogue. Même avec l’ennemi on peut instaurer le dialogue, même avec celui qui est l’occupant illégal, le dialogue est possible. On n’est pas d’accord avec la partition, la division du Mali : nous nous battrons pour que cette division n’arrive jamais. Tombouctou c’est la plus grande région du Mali et si vous ajoutez Gao et Kidal vous avez les deux tiers du territoire. Nous travaillons aujourd’hui sur le Mali qui est peut être le tiers.
Pour le combat que nous menons, nous n’avons pas envie que ça soit un combat par les armes mais un combat par la négociation, l’entente. Ceux qui occupent le Nord sont aussi Maliens tout comme ceux qui subissent l’occupation. Nous nous battrons contre la charia, pour la laïcité. J’envoie un message pour la paix, et surtout le respect de chaque être humain. Il est important de laisser les hommes et les femmes qui sont dans cette partie du pays de jouir de leur liberté, leur liberté d’expression…
Propos recueillis par : Fakara Fainké, Kadidiatou Sanogo et Ousmane Baba Dramé