Indûment perçus par d’autres et refusés à d’autres, les salaires et primes des militaires en détention, y compris Sanogo et Co., seraient en passe d’être suspendus pour respecter tout simplement les dispositions de l’article 31 du statut général des militaires.
La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (Fidh) était en mission au Mali, il y a une semaine. Au cours de laquelle, sa délégation a rencontré le président de la République, le Premier ministre, le ministre de la Justice et celui de la Réconciliation nationale, les juges en charge de différents dossiers et d’autres personnalités maliennes.
La mission comportait deux volets dont le premier est judiciaire et le second, politique. Il s’agissait en somme de l’affaire dite des bérets rouges, la mutinerie du 30 septembre 2013 à Kati et les dossiers du nord du Mali, où il y a eu de graves violations des droits de l’homme. Le but de cette mission était donc de faire le tour de ces différents dossiers.
La délégation de la Fidh était conduite par Me Patrick Baudouin, l’un ses présidents d’honneur et avocat du Groupe d’action judiciaire de la Fidh, qui accompagne et assiste des victimes dans les procès et les juridictions. La délégation, qui ne devrait passer qu’une demi-heure avec le président de la République, a entretenu ce dernier durant 1 heure 30 minutes. Toute chose qui lui a permis d’aborder tous les dossiers et les difficultés liées au traitement de certains, comme ceux des régions du nord qui sont entravés par des difficultés de déplacement, en plus du fait que les juridictions peinent à s’installer dans ces localités.
La Fidh a déploré à l’occasion la violation du statut général des militaires dans l’affaire dite des bérets rouges. En effet, l’article 31 du statut général des militaires stipule : «sans préjudice des sanctions pénales qu’elles peuvent entraîner, les fautes commises par les militaires les exposent : 1) à des punitions disciplinaires qui sont fixées par le règlement de discipline générale dans les armées ; 2) à des sanctions professionnelles prévues par décret prises en conseil des ministres et qui peuvent comporter le retrait partiel ou total, temporaire ou définitif d’une qualification professionnelle ; 3) à des sanctions statutaires énumérées aux articles 53 à 96 du présent statut».
Ces dispositions, selon nos sources, avaient déjà été détaillées par les juges en charge des dossiers. Ils viennent d’être réconfortés dans leur position par la Fidh. D’autant que, selon Me Bréhima Koné, ils ont longuement expliqué aux autorités surtout au président de la République que si Sanogo et compagnons continuent de bénéficier des salaires et primes liés, ce n’est pas le cas pour les parents de certaines victimes dont les salaires ont été suspendus par la hiérarchie militaire. À ce propos, a-t-on appris, le président de la République aurait promis que toutes les dispositions seront prises pour que nul ne soit au-dessus de la loi. IBK aurait cependant promis à ses interlocuteurs que les choses se passeront de façon progressive : la suspension des salaires et primes, puis la radiation des militaires si tant est que la loi l’autorise.
La délégation de la Fidh a en outre souhaité ne voir prospérer aucune impunité relativement à la mise en place de la Commission Vérité, justice et réconciliation. Car, d’après Patrick Baudouin, il faut la justice pour tout le monde : les victimes tout comme les présumés auteurs de crimes. Ils se disent contre tout arrangement politique qui ne fera pas avancer les choses. Par ailleurs, la Fidh n’est pas contre les négociations entre autorités maliennes et groupes armés à Alger, mais demande aux autorités maliennes de ne pas priver la justice de son travail. Là encore, IBK leur a promis d’adopter la liste des membres de la Commission Vérité, justice et réconciliation, dont la composition devrait être connue ce mercredi.
À noter que la Fidh a aussi demandé la mise en place d’une Commission internationale d’enquête sur les exactions commises au nord du Mali. Elle s’est par ailleurs constituée partie civile dans l’affaire dite des bérets rouges, dont le procès aura lieu très bientôt. «Nous avons eu, il faut le reconnaître, je ne tire pas de conclusions définitives à ce niveau là, mais nous avons eu une bonne écoute des autorités, nous avons été entendus. Nous avons pu dialoguer, ce n’est pas le cas partout. On a même été approuvé dans l’essentiel dans les demandes que nous formulons. Il reste maintenant à concrétiser dans les actes les propositions que nous avons formulées, nous n’en dissimulons pas la difficulté. Mais nous pensons qu’il faut que la volonté politique forte, au plus haut niveau et en particulier celle du président de la République, puisse s’affirmer et s’imposer». C’est qu’a dit Patrick Baudouin au terme de cette mission de la Fidh au Mali.