Le Républicain : Avez-vous eu l’impression qu’ils sont ouverts au dialogue ?
Honorable Abdoul Malick Diallo : Je faisais partie de la délégation qui a visité Gao et Ansongo. A Gao et à Ansongo, il n’y a pas d’Ançardine. Il n’y a que le MUJAO. Je pense qu’ils sont ouverts au dialogue. Mais pas à un dialogue avec l’Etat. Ils sont ouverts à un dialogue avec les populations. C’est ce qui m’a inquiété d’ailleurs. Donc, ils veulent parler avec les populations, mais pas avec l’Etat en tant que tel.
Quelle est, selon vous, leur mentalité ? Qu’est ce qu’ils veulent ?
Je ne peux pas comprendre leur mentalité. Pour eux, ils sont venus pour répandre la religion sur la terre de Dieu. Je leur ai dit ceci : si vous êtes venus pour rependre la religion de Dieu, commencez par sensibiliser les populations d’abord, avant d’aller à des tragédies comme vous êtes en train de le faire. Lapider, couper les mains, donner des coups de fouets, tout ça, ce sont des atrocités. Le Prophète lui-même, n’est pas allé très vite à ça. Vous vous êtes venus, en quelque temps, vous avez fait toutes ces exactions.
Sont-ils prêts à dialoguer directement avec l’Etat ?
A Gao et à Ansongo, ils ont dit qu’ils sont prêts à parler avec moi en tant que citoyen, même avec quelqu’un d’autre. Mais, peut être, pas avec l’Etat directement. Pas avec un représentant de l’Etat.
Est-ce que vous gardez espoir, après ces différentes rencontres que vous avez eues avec les occupants ?
Je garde espoir, mais j’ai des inquiétudes. En réalité, si je regarde parmi ces occupants qui sont dans la région de Gao, je constate que ceux qui ne sont pas de nationalité malienne ne sont pas très nombreux. Mais, mon n’inquiétude est qu’ils ne contaminent pas la population locale. S’ils contaminent la population locale, même si demain, on décide d’employer la force, ça serai contre des Maliens. Et c’est regrettable.
Quelle a été la réaction des populations locales face à votre mission ?
Disons que les populations étaient très contentes de notre arrivée. Elles ont pensé, au départ qu’on les avait abandonnées. Donc, quand elles nous ont vus, elles n’ont pas manqué de nous dire toute leur joie.
Vous avez souhaité que les cours reprennent dans les zones occupées en acceptant des compromis avec les occupants. Est-ce que vous pensez que c’est à l’Etat de prendre cette initiative ?
L’Etat doit prendre le relais pour trouver la solution de faire partir le MUJAO de la zone. Mais, je pense que le redéploiement de l’Etat central n’est pas chose facile. Certaines actions pourraient être mises en œuvre par une organisation comme la Coalition pour le Mali. Nous pouvons aujourd’hui aller négocier la faisabilité de certaines actions avec eux, puisqu’ils nous acceptent. Nous pouvons, par exemple, aller négocier la rentrée scolaire au nom du ministère de l’éducation. Leur dire par exemple que la religion n’interdit pas l’éducation, permettez que les élèves soient en classe. La religion n’interdit pas que la santé marche. Aujourd’hui, il y a le choléra à Gao, il y a le choléra à Ansongo, permettez que l’Etat arrive pour soigner les gens, pour éduquer les enfants.
Donc, en un mot, vous souhaitez le retour de l’Etat dans certains domaines ?
Oui, le retour de l’administration dans certains domaines. Notamment les services essentiels. Mais, si vous amenez un préfet, un gendarme ou un juge, ils ne vont pas accepter. D’ailleurs, ils ont une information insidieuse. Ils soutiennent que le pays a été foutu en l’air, parce qu’on a des douaniers corrompus, des agents des impôts corrompus, des juges corrompus etc. Selon eux, avec l’argent on peut tout acheter au Mali. Donc, ils sont en train de faire une campagne d’information insidieuse très grave au sein d’une population analphabète, incapable de faire la différence entre le bien et le mal. Et on leur dit que c’est Dieu qui a dit.
Au regard de tout ça, qu’est ce que vous préconisez ?
Je préconise que la coalition entre rapidement en rapport avec le ministère de l’éducation et qu’on aille négocier avec le MUJAO en place à Ansongo et à Gao pour permettre l’ouverture des classes. Et que les enseignants retournent sur place pour donner des cours. Quitte à ce qu’ils disent aux filles de se voiler, quitte à ce qu’ils disent aux filles de ne pas s’asseoir à côté des garçons. De se mettre sur une rangée, ou de se mettre derrière les garçons vice-versa. Mais, en tout cas, ce sont des solutions provisoires en attendant que l’Etat central se mette en marche pour les chasser.
Qu’est ce qui vous fait croire que les occupants vont accepter vos propositions ?
Je pense qu’ils sont prêts à accepter aujourd’hui les services essentiels de l’Etat. J’ai discuté pendant deux heures avec eux à Gao et encore une heure avec eux à Ansongo. Ils nous ont dit vouloir le bien de la population. C’est quand même ça le bien de la population. Le bien de la population, c’est l’éducation, la santé. Ils vont accepter. On peut entrer en contact avec eux sur ces questions.