Daniel A. Tessougué à l’ouverture de la Cour d’assises de Bamako : « Ce pays a une soif inextinguible de justice sociale, de justice fiscale, de justice politique… »
Avant hier lundi 07 juillet 2014, se sont ouverts dans les locaux de la Cour d’Appel de Bamako les travaux de la première session des assises de l’année 2014 de la Cour d’assises de Bamako. Plus d’un mois durant, la justice fera la lumière sur les 150 affaires inscrites au rôle et qui concernent 285 accusés.
Les faits déférés à l’examen de la Cour s’articulent autour des infractions classiques tels que : atteintes aux biens publics, infanticide, viol, pédophilie, assassinat, coups mortels, trafic international de stupéfiant, vols qualifiés… A celles-ci s’ajoutent des infractions moins fréquentes comme l’espionnage, la destruction d’édifice, de violation de tombeaux…
C’est devenu une tradition pour M. Daniel Amagoin Tessougué, depuis qu’il occupe la fonction de Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, de livrer au cours des cérémonies d’ouverture des travaux de la Cour d’assises des messages clairs et limpides en faveur d’une justice digne de ce nom au Mali tout en montrant tout son rejet de l’injustice. La cérémonie d’ouverture de cette Cour d’assises entamée avent-hier n’a pas fait exception. L’auditoire a eu à écouter avec satisfaction, admiration et soulagement les propos du Procureur général près la Cour d’appel de Bamako. Celui-là même qui est connu par les maliens pour son franc-parler et pour son intégrité morale.
QUE LA JUSTICE DISE LE DROIT!
Face au constat que des milliers de maliennes et de maliens, riches de leur dignité et victimes de personnes sans foi et sans loi, Daniel Tessougué a insisté à dire que la justice doit dire le droit. Pour cela, il déclare que l’État a l’obligation de mettre la justice en situation d’être indépendante, compétente, afin de lui permettre de dire le bon droit. Pour le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, la vie, la liberté, le bonheur, la justice et la dignité sont des balises qu’une nation, qui veut se sortir de la médiocrité, de la misère et du désordre, se doit de graver dans tous ses actes.
TESSOUGUÉ JETTE LE CAILLOU DANS LA MARE DES FRAUDEURS
Le procureur général a déploré que cette année encore, malgré les promesses d’examens propres, le diplôme de fin d’études fondamentales et le baccalauréat ont été frelatés par la fraude. “Je mesure mes propos en disant que c’est un crime contre l’avenir du Mali et c’est pour cela que j’ai instruit l’ouverture d’une enquête pour que toutes les responsabilités au plan pénal soient situées. Déjà, les premiers résultats montrent l’implication d’agents publics et de parents sans scrupules, généralement des gens instruits, ce qui laisse encore à désespérer. Mais le plus scandaleux, c’est la cohorte de maliens respectables, capables de réclamer voire exiger la clémence de la justice. C’est de l’inédit. Le parquet a requis que les parents complices soient traités avec la même rigueur que les agents publics, à défaut de ne pouvoir exiger plus”, a affirmé Daniel Amagoin Tessougué.
Le procureur général près la Cour d’Appel de Bamako estime que le Mali a une soif inextinguible de justice. “Quand je dis justice, je l’évoque au sens le plus large. Justice sociale, justice fiscale, justice politique…”, a-t-il précisé.
RÉTABLIR LA JUSTICE PARTOUT
M. Tessougué prône le rétablissement de la justice partout et à tous les niveaux. Il estime qu’il faut une exigence de justice dans chaque palais, dans chaque chaumière, dans chaque bureau, sur chaque chantier, dans les champs, sur l’eau, dans les paturages… Mais M. Tessougué reconnait que la justice à elle seule n’y parviendra jamais. Et que chacun dans sa sphère de compétence fasse que seul triomphe le règne de la loi. M. Tessougué a illustré ses dires en paraphrasant le commissaire du Gouvernement Gazier qui disait : “Lorsque dans un Etat, l’autorité constituante est volontairement équivoque, l’autorité législative systématiquement défaillante, l’autorité gouvernementale perpétuellement hésitante, ce n’est plus le juge seul qui peut redresser la situation”.
Le procureur général a vivement appelé les maliens à se donner la main pour former une formidable chaîne d’hommes et de femmes regardant dans la même direction, avec une ambition commune pour faire de la nation malienne un pays débout et prêt à occuper sa place au soleil, sans complexe.
“Une chose est sûre, rien de durable ne se construit dans la violation des droits élémentaires. Celui qui fraude le fisc doit se convaincre qu’il n’a rien d’honorable en lui. Il est une espèce encanaillée de citoyen. Il est inacceptable que ce pays soit celui où le citoyen qui refuse d’accomplir les actes que lui impose la Constitution en soit fier, au point de s’en glorifier. C’est aussi de l’injustice. Le mérite seul doit être magnifié et non la fortune, la situation sociale, le statut politique”, a déclaré le Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako.
Constatant que de partout fusent des cris d’orfraie de la bouche de nombreux maliens, médusés devant tant d’injustice et sur tous les plans, M. Tessougué exige l’avènement d’une justice du citoyen au Mali. Il plaide afin que la justice soit en condition d’accomplir sa mission, dans les conditions qui assurent son indépendance. Pour cela, dit-il, les réformes de la justice ne doivent pas être des camisoles de force, mais des projets mûris, réfléchis, qui au bout du compte lui assureront aux termes de la constitution l’indépendance véritable.
Modibo KONÉ