A l’abri de l’Opération Serval et, à un moindre degré de la MINUSMA, le MNLA qui, jusque-là, n’était qu’une organisation lilliputienne sans réel danger, a pris de l’épaisseur et est devenu boulimique.
Bien que signataire de l’accord préliminaire de paix de Ouagadougou du 18 juin 2013, qui fait du respect de l’unité, de l’intégrité et de la souveraineté du Mali un préalable à toute négociation, le mouvement rebelle, aidé en sous-main par des « experts » européens acquis à sa cause et partageant ses méthodes qui s’apparentent au terrorisme à l’état pur, a apposé son seing sur deux documents récents.
Le statut particulier pour » l’Azawad « qu’ils préconisent comme solution de sortie de crise au nord du Mali traduit, en fait, la volonté d’aller vers un Etat indépendant du Mali actuel. En effet, il y est question notamment de doter la future entité d’institutions spécifiques à elle; de l’aptitude d’exploiter les ressources naturelles de la zone; de signer des accords régionaux et internationaux; d’être représentée au sein des instances de l’Union africaine. Tout cela sans que Bamako soit consultée et qu’elle ait son mot à dire.
Une telle vision montre que le MNLA a les yeux plus gros que son ventre et que ceux qui l’encouragent dans son projet séparatiste ignorent tout des réalités du Nord Mali. Il convient de leur en faire savoir quelques-unes pour qu’ils gardent les pieds sur terre et sachent raison garder.
Groupuscule formé d’anciens mercenaires à la solde de feu le dictateur libyen, Mouamar Kadhafi et de déserteurs de l’armée malienne qui trouvent mieux leur compte dans le grand banditisme (trafics de drogue et d’armes à feu, enlèvements des personnes ensuite revendues à AQMI, pillages des convois de forains, braquages des banques et des ONG, etc.) le MNLA, avec ses 3 000 actifs, est loin de représenter la population touareg de Kidal, son berceau naturel. Celle-ci est estimée à 50 000 âmes.
Il est encore moins représentatif de l’ensemble des Touaregs du septentrion malien (entre 200 et 300 000 selon les meilleures statistiques). Ne parlons donc pas de la population totale de cette partie du pays largement dominée par les Sonraïs et évaluée à quelque 1 300 000 personnes toutes ethnies confondues avant la crise sécuritaire de 2012.
C’est dire que le MNLA, en lequel les Touaregs de Kidal eux-mêmes ne se reconnaissent pas, n’a aucune légitimité à revendiquer un » statut particulier » pour l’ensemble du nord du Mali, c’est-à-dire les régions de Gao, Tombouctou et Kidal.
Le mouvement séparatiste n’ignore pas l’absurdité de sa prétention. Toutefois, il sait parfaitement que la seule région de Kidal, dont il est susceptible de revendiquer la gouvernance compte tenu de sa prédominance Kel Tamasheq, ne serait pas viable, détachée du reste du Mali. Elle ne possède ni les ressources humaines suffisantes et de qualité (les Kidalois ayant longtemps rejeté l’école des Blancs) ni les ressources économiques pour prétendre à l’indépendance. Voilà pourquoi il réclame cette indépendance ou large autonomie (peu importe le vocable utilisé) pour l’ensemble du nord du Mali, c’est-à-dire y compris les régions de Gao et Tombouctou qui ont l’avantage d’avoir des populations plus nombreuses (plus de 544 000 habitants pour la première et plus de 680 000 pour la seconde) d’être irriguées par le fleuve Niger, de posséder des terres de culture et d’élevage, un potentiel minier ou minéral exploitable dans un avenir rapproché.
Mais il faut souffrir assurément d’une pathologie mentale aigüe pour penser un seul instant que le Mali, en dépit de sa faiblesse actuelle au double plan politique et militaire, accepterait de se laisser dépouiller des deux tiers de son territoire national (850 000 km2 soit la France et la Belgique réunies) au profit de 300 000 personnes, le reste de sa population (14 millions d’habitants) devant se contenter du reliquat, soit 354 000 km2.
Composante majoritaire du nord du Mali, les Sonraï, qui se décrivent comme «les maîtres de la terre» (Ganda Koy) n’accepteront jamais d’être séparés du reste du Mali, auquel ils sont imbriqués depuis des siècles, pour former une nouvelle entité placée sous le joug du MNLA, un ramassis d’aventuriers sans foi ni loi, qui n’aspirent qu’à une chose : débarrasser le sahara malien de toute présence étatique pour en faire un vaste territoire livré à toutes sortes de trafics illicites, prohibés et condamnés par la loi internationale.
Les Peuls aussi, qui occupent une place importante dans l’économie du nord du Mali en ce qu’ils sont propriétaires des cheptels bovin et caprin qui constituent l’essentiel de l’apport en protéine animale et des recettes d’exportation, ne voudront jamais être soumis à un diktat d’une poignée de Kel Tamasheq de l’Adrar des Ifoghas, encore perçus par les populations sédentaires comme des » étrangers « venus de l’Algérie voisine et qui cherchent à accaparer les terres de leurs ancêtres.
Les affrontements sanglants entre Touaregs et Peuls, dont la presse se fait régulièrement l’écho, sont là pour rappeler combien est difficile la cohabitation entre les deux communautés. Imaginez qu’elles se retrouvent au sein d’une entité étatique managée par le MNLA au seul motif qu’il a gagné une » guerre de libération « qui n’a jamais existé. Les Peuls devront vider » l’Azawad « ou périr.
Entre le MNLA et le MAA, la pâte est loin d’avoir pris autour de la question de l’entité «azawadienne» à en juger par le gigantesque bain de sang de vendredi dernier à Tabankorf et Anefis: une quarantaine de tués et des dizaines de blessés rien que dans le camp des sécessionnistes de l’Adrar des Ifoghas. C’est dire que si par extraordinaire l’entité de «l’Azawad» venait à voir le jour, elle transformerait le septentrion malien en une immense zone d’instabilité permanente sur fond de guerres ethniques et de règlements de comptes sanglants. Sans compter les risques d’occupation par les bandes terroristes qui restent aux aguets.
Autant de raisons pour que le projet de «l’Azawad» tel que conçu et rêvé par les séparatistes kidalois et leurs conseillers européens, ne puisse jamais se matérialiser. Le président IBK et le gouvernement Mara doivent veiller à ce que le Mali millénaire reste un, indivis et indivisible. L’uranium de Kidal et le pétrole de Taoudénnit, qui font s’agiter les apatrides du MNLA et les » experts » qui rédigent leurs documents en s’inspirant des modèles belge ou helvétique totalement inadaptés sous nos cieux, ne seront jamais exploités au seul bénéfice des Touaregs de Kidal ou des populations du fantasmagorique » Azawad « . Durant les 54 années d’indépendance du Mali, les habitants de Kidal, en proie à une sécheresse endémique et aux famines dévastatrices qui en découlaient, ont survécu grâce à la générosité et à la solidarité légendaires du peuple malien dans toutes ses composantes régionales et ethniques. L’or de Kayes, le riz de Ségou, le poisson de Mopti, le coton de Sikasso, les impôts de Bamako ont servi à sauver de la mort les bébés malades et déshydratés de Ten Essako. Kidal ne pourra pas se dérober à son devoir de solidarité nationale en soustrayantl’uranium de son sol du patrimoine commun.
Les séparatistes et leurs souteneurs voire commanditaires ne doivent se faire aucune illusion : le Mali ne les laissera pas faire et se tient prêt à tous les sacrifices pour cela. Il a trébuché le 21 mai 2014. Il n’est pas tombé. Loin s’en faut.
Les autorités maliennes sont donc averties en se rendant pour des négociations de paix à Alger (qui n’est pas forcément la meilleure adresse pour cet objet eu égard aux nombreux gestes d’inimitié qu’il a posés à l’endroit du Mali avant et pendant cette crise sécuritaire). Aucune concession ne devra être faite qui compromette l’unité, l’intégrité, la souveraineté du Mali. En tout état de cause, ce n’est autour d’une table dans une capitale étrangère qu’une question d’une si haute importance nationale doit être discutée et tranchée. Surtout si l’interlocuteur d’en face ne détient aucun mandat pour le faire. Et que sa place se trouve davantage devant la CPI à La Haye pour répondre de ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité que dans un luxueux palace au bord de la Méditerranée.
C’est aux populations maliennes et non un intermédiaire auto-proclamé, fût-il en possession de toutes les armes de la terre, de décider par référendum si elles veulent céder une partie de leur territoire pour quelque motif que ce soit. Pour l’heure, de Kayes à Kidal, aucune voix ne s’est élevée pour une telle demande.
Sauf celle du MNLA, un groupuscule tout à la fois illégal, illégitime et dont la marque principale est l’imposture.