La création du nouveau Ministère en charge des cultes et des affaires religieuses, soulève des questions et inquiétudes dans le marigot politique malien. Nos politiques se sont-ils fait piéger ?
Où ont-ils été dépassés par les événements ? Nos hommes politiques ne devraient-ils pas se regarder dans le miroir avant de porter le débat sur la place publique ?
Je ne marcherai pas sur des œufs pour dire que ce sont nos hommes politiques qui courtisent le Haut Conseil Islamique, le HCI, et ce sont eux qui ont poussé, encouragé le HCI à organiser le meeting de soutien au maintien de CMD à la primature et de Dioncounda à la Presidence.
Aussi, dirai-je qu’on ne peut pas prétendre au beurre et à l’argent du beurre.
D’un coté, les politiciens utilisent et pensent instrumentaliser le HCI, de l’autre coté, ils veulent les tenir à l’ écart de la gestion des affaires publiques. Cela ressemble tout simplement à un marché de dupes.
N’oublions pas que le HCI est composé de cadres intellectuels comme nous tous, qui réfléchissent aussi bien sinon plus que les politiciens du Mali.
Ils, les responsables du HCI, ont compris leur place prépondérante depuis le désormais fameux meeting contre le code de la famille, et n’ont pas hésité une seconde à prendre la perche tendue. C’est cela aussi la politique dans tous les pays du monde ou le vote peut compter. Si aux USA, un candidat ne peut pas gagner sans le puissant lobby juif, en France sans le mouvement des homosexuels, au Mali, un dirigeant devrait désormais compter avec le HCI. Cela, notre premier ministre martien, redevenu terrien, l’a vite et très bien compris.
Faisons un flash back sur le meeting d’avant-veille du nouveau gouvernement. On a vu l’armada de politiciens, même ceux qui n’ont rien à voir avec l’islam, qui se sont déplacés a ce meeting du HCI, qui était en fait un meeting de soutien au maintien de CMD. La pression était telle que même un novice en politique, ne pouvait pas ne pas prendre en compte les recommandations du meeting. Ils étaient tous la nos braves hommes politiques au meeting, satisfaits d’y être et d’être applaudis. Enfin on nous voit au bon moment et au bon endroit, pourraient t-ils se murmurer dans cette cacophonie de discours politiques entrecoupés de psalmodies : « Allahou akbar ».
Quelque part dans l’Adrar, notre compatriote égaré, Iyad Aghaly, aussi jubilait en entendant les louanges à Dieu depuis le sud mécréant. Tout le monde y a presque trouvé son compte dans ce meeting mémorable sauf quelques « brebis galeuses » du FDR qui n’étaient pas les bienvenues quoique ce fût le mois béni de ramadan où le pardon devrait être de mise. Bon passons, ce jour là, dans l’antre du stade du 26 Mars, les esprits n’étaient pas à la glorification de Dieu, mais bien à celle de la politique.
Effectivement quelques heures plus tard, et, avant même que le meeting eut pris fin, un communiqué de la Présidence nous informait de la reconduction de CMD et de la chasse aux trésors : le dépôt de CVs des ministrables. Ils seront plus de huit cent honnêtes citoyens a se mettre a rêver durant une semaine, a la vache laitière : le gouvernement.
Que pensaient les politiciens ? Voudraient-ils que le HCI jouera pour eux une sorte de caisse de résonnance, comme l’a toujours merveilleusement fait l’Assemblée des honorables députés ? Oh que non, le HCI joue son jeu et le joue bien. L’évidence saute aux yeux; le HCI a demandé et a eu un Ministère, au moment même où, ironie du sort, les islamistes au nord exigent la charia. La création de ce ministère pourrait être interprétée comme une réponse positive à la demande des islamistes.
Maintenant que le HCI s’est joué de nos hommes politiques et de la manière la plus intelligente, leur réveil va être brutal. Le Maitre du jeu c’est désormais le HCI. Une donne qui sonne comme le glas d’une mort programmée de la scène de nos hommes politiques à moins que ca ne soit une hibernation longue et pénible.
Le vin étant tiré et bu, ceux là qui ont gagné leur strapontin dans le gouvernement CMD2 se cacheront derrière la sagesse : « ni vu, ni su, ni entendu ».
Qu’on ne s’y trompe guère, le combat du HCI rejoint celui des politiques. C’est un combat de positionnement pour l’après transition, un combat de prise de pouvoir.
Une petite analyse de la composition du Gouvernement nous révèle en effet, que la bataille de positionnement sera rude entre un Premier Ministre à l’agenda politique ambitieux et un Président intérimaire qui a déjà son avenir politique derrière lui. Qu’on soit méchant ou pas, pro CMD ou pas, on se rend compte qu’il a su verrouiller tous les postes stratégiques qui pourraient compter au finish dans les élections à venir : Un de ses hommes occupe le terrain rural, qui lui tient a cœur dans son projet de société pour les élections ratées. L’avenir nous le dira si CMD mettra toutes ses énergies, et une partie importante du budget pour l’agriculture. Les paysans seront contents, et cela est une bonne chose, et ce sera comptabilisé dans la campagne électorale à venir au profit de son parti le RPDM. Pour ce faire il peut compter sur le soutien de son ami Bruno Maiga qui mettra à contribution les medias d’état. L’argent étant le nerf de la guerre électorale, le Ministre des finances proche des proches de la famille GMT accompagnera CMD et son Ministre de l’agriculture dans leur aide auprès des paysans qui glorifieront et à juste titre le messie CMD qui est venu sauver l’agriculture malienne. C’est cela à mon humble avis, le véritable enjeu au sortir de la transition pour CMD et cela pèserait lourdement dans le decompte des bulletins de vote.
Quant au Président de transition, il l’est de facto après la composition du Gouvernement, Dioncounda Traoré, essayera de son coté de faire émerger ses fervents défenseurs qui ne sont pas forcement ses camarades politiques de l’ADEMA. C’est la lecture que j’en fais avec l’arrivée d’un novice dans la gestion des affaires de l’état au département des affaires étrangères. Dioncounda n’a pas oublié certainement les affres que ses amis de l’Adema l’ont fait subir pendant la primaire de l’Adema. Il a, avec ce pain béni de dieu, la présidence intérimaire, l’occasion de se défaire de ses « méchants amis ». Tienan Coulibaly, le promu aux affaires étrangères, pourrait dans un proche avenir chercher à fusionner son parti UDD à l’Adema pour commencer le travail de sape et de reprise en main de l’appareil de l’Adema. Il aura fort à faire dans le marigot Adema plein de caïmans aux dents longues et tranchantes.
Comme on le voit, les trois grandes forces politiques en place, à savoir le HCI, CMD et son parti le RPDM et Dioncounda vont se livrer une bataille féroce sans management. Et il a fallu au préalable que ces trois forces se mettent ensemble pour éliminer les autres. C’est ce qu’ils ont su faire avec la formation du gouvernement CMD 2, ou les véritables gagnants ne sont autres que les trois forces précitées, mais d’ores et déjà, il faut compter avec le HCI, le veritable maitre du jeu politique.