Le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta a partagé avec les institutions de la République, les partis politiques et les organisations de la société civile, les informations sur les pourparlers en cours à Alger.
Le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta a bouclé hier la série de consultations qu’il a initiées avec les différentes composantes du corps social : forces de défense et de sécurité, institutions de la République et autorités administratives indépendantes, partis politiques, organisations de la société civile. Hier, en début de journée, le chef de l’Etat a reçu les institutions de la République. Il s’agit du bureau de l’Assemblée nationale, des membres de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle, des responsables du Haut conseil des collectivités territoriales, des membres du bureau Conseil économique, social et culturel, du Médiateur de la République et du Vérificateur général. A la mi-journée, ce fut le tour des présidents des partis politiques d’être reçus. Près d’une soixantaine de leaders politiques ont répondu à l’invitation de Koulouba.
Avec ses interlocuteurs, Ibrahim Boubacar Keïta a fait le tour d’horizon des pourparlers engagés à Alger dont le premier rond s’est achevé hier. Avant d’expliquer en détail les tenants et les aboutissants de ces négociations, le président de la République a jugé utile de rappeler que l’Etat a besoin de tous ses fils pour sortir de la crise. Il a indiqué que pour sa part, sa volonté d’aller à la paix par la vertu du dialogue n’est plus à démontrer. C’est pourquoi, avant toute chose, il fallait dès le départ créer « les conditions favorables à l’apaisement ». Rien n’est de trop pour arriver « à une paix durable entre des frères qui ont en partage le Mali ».
« Je ne connais aucune grande famille au Nord qui n’a pas de correspondante sur les bords du Niger au Sud », a-t-il argumenté, avant d’ajouter que « les enjeux sur le Nord sont énormes. Notre pays n’est pas pauvre mais inexploité, un pays en veille attendant ses jours fastes ».
Le chef de l’Etat a fait remarquer à ses invités que notre système de gouvernance recèle des lacunes qu’il convient de corriger. Gérer, c’est prévoir, a-t-il dit ajoutant qu’il faut nécessairement faire en sorte que les gouvernants soient plus proches des gouvernés. De son point de vue, l’abandon des casernes dans notre Septentrion sur la base des précédents accords d’Alger, nous a malheureusement conduit à cette situation dramatique que connaît le pays. Tirant les leçons de tous les errements du passé, Ibrahim Boubacar Keïta préconise de créer « un model malien » de gouvernance qui corresponde à nos valeurs propres.
C’est justement dans cet esprit que le forum sur la décentralisation a été initié. Le chef de l’Etat pense que suffisamment outillées, toutes les régions du pays pourront en ce moment être mieux gérées et mieux développées.
Il n’a pas manqué d’évoquer la récente tournée du Premier ministre dans les trois régions du Nord. « Qu’aurait-on dit si Moussa Mara n’était allé à Kidal ? », s’est interrogé le chef de l’Etat. « Sous les balles, il a tenu la conférence des cadres au gouvernorat pour rappeler et contrôler les missions. Il n’y a rien d’anormal à ce qu’il a fait » a-t-il insisté.
Rencontre IBK- institutionsEvoquant les affrontements du 23 mai dernier à Kidal entre les forces armées et les groupes armés, le chef suprême des armées a indiqué que les responsabilités ont été situées. « En Conseil des ministres ce jour-là, tous ont été témoins. On m’a glissé une note pour m’informer que l’Armée a pris le contrôle du gouvernorat. J’ai aussitôt tapé sur la table pour dire qu’il ne sert à rien d’aller en guerre », a-t-il révélé, expliquant qu’il était conscient des limites de nos forces face à impressionnante armada venue de la Libye après la chute du régime Kaddafi.
L’échec de nos hommes sur le terrain est aussi dû à un disfonctionnement interne que le chef de l’Etat a déjà dénoncé. Selon lui, il est évident que les instructions, n’étaient pas transmises car l’armée a obéi à des instructions qui n’étaient pas les siennes. « Nous avons dû reculer, c’est vrai mais nous avons tiré toutes les leçons de ce qui s’est passé», a-t-il poursuivi.
Quid du choix stratégique de l’Algérie comme facilitateur ? A ce propos, le chef de l’Etat a avancé deux arguments. Le premier est que l’Algérie s’est clairement prononcée sur l’impératif d’intégrité territoriale de notre pays et le caractère laïc de la République. Le deuxième argument est la détermination, maintes fois exprimée des plus hautes autorités algériennes à contribuer à la pacification de notre Septentrion pour l’intérêt des deux pays. Il a prévenu que les accords définitifs seront signés au Mali. « Si après s’être parlé pendant des semaines et nous ne puissions pas convenir d’un lieu pour signer les accords, c’est que nous nous sommes raconté des histoires. Or, le Mali n’a pas de temps à perdre. Tout est à refaire ».
A l’unanimité, les représentants de partis politiques ont appelé à s’unir pour sortir notre pays de cette situation difficile. Le Parena a même remis au chef de l’Etat un mémorandum contenant des propositions.
Après les institutions et les partis politiques, le chef de l’Etat a reçu les dignitaires religieux, la société civile et les responsables de presse. Parlant des pourparlers en cours à Alger, il a annoncé que les mouvements armés ont « accepté le caractère laïc de la République » sur la base de laquelle, un « accord sur la feuille de route sera signé ».
« Nous venons d’avoir l’information officielle avec le président de la République qu’un compromis a été trouvé entre la délégation malienne et les groupes armés. Nous croyons que c’est le début des négociations qui est amorcé maintenant », s’est réjoui Mamoutou Diabaté, le président du Forum des organisations de la société civile (OSC) à sa sortie d’audience.
Ibrahim Boubacar Keita a également a partagé avec ses hôtes les informations qu’il détenait sur le crash de l’avion d’Air Algérie survenu hier dans le nord de notre pays. « Je viens d’être informé que l’épave de l’avion a été aperçue entre Aguelhok et Kidal », révélé le chef de l’Etat qui a annoncé aussi qu’un de nos compatriotes figure parmi les victimes de la catastrophe.
L’avion qui s’est crashé était un appareil de type MD-83 et assurait le vol AH 5017 entre Ouagadougou et Alger avec 110 passagers et 6 membres d’équipage.
Selon les autorités du Burkina Faso, l’avion transportait 51 Français, 27 Burkinabè, 8 Libanais, 6 Espagnols (les membres de l’équipage), 6 Algériens, 2 Luxembourgeois, 5 Canadiens, 1 Camerounais, 1 Belge, 1 Egyptien, 1 Suisse, 1 Nigérian et 1 Malien.
L’avion avait décollé de Ouagadougou à 01h17 locale (01h17 GMT) et était censé atterrir à Alger à 05h10 (04h10 GMT). Le dernier contact avec l’appareil a eu lieu à 01h55 GMT, alors qu’il survolait Gao, a déclaré un responsable algérien. Mais les autorités du Burkina Faso disent que le vol a été pris en charge par la tour de contrôle de Niamey à 01h38 (01h38 GMT) et que le dernier contact avec l’appareil a eu lieu juste après 03h30 GMT. A Niamey, on affirme n’avoir eu aucun contact avec l’avion.
Dès la matinée d’hier, la compagnie charter espagnole Swiftair avait annoncé dans la matinée avoir perdu le contact avec l’un de ses MD-83 affrété par Air Algérie. Dans une note postée sur son site, Swiftair révèle que l’appareil avait 18 ans.
A.M. CISSE et A. DIARRA