Moussa Ag Acharatoumane est l’un des fondateurs du Mouvement national de l’Azawad (MNA), devenu depuis Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Il se trouve présentement à Alger où se déroulent les pourparlers sur les futures négociations de paix entre le gouvernement malien et les groupes armés. Depuis la capitale algérienne, il a bien voulu répondre à certaines de nos questions (dans la nuit du lundi au mardi). Il nous décrit dans l’entretien qui suit l’atmosphère des pourparlers, les rapports de son mouvement avec les autres groupes présents à Alger, ses attentes par rapport à la réunion. Sans oublier les concessions que peut faire la coalition dont fait partie le MNLA…
Nouvelle Libération : Comment s’est présenté le début des travaux ?
Moussa Ag Acharatoumane : Les travaux pour le moment se passent dans un climat assez tendu, car nous ne sommes pas tous sur la même longueur d’onde et les propos et visions par rapport à la résolution de la crise ne sont pas forcement convergents. Nous discutons depuis quelques jours, pour le moment ça se passe difficilement. Mais on arrive malgré tout à enregistrer quelques avancées qui laissent espérer qu’on puisse arriver à des résultats positifs.
N. L : On dit que vous avez rejeté la feuille de route du Mali. Si oui, pourquoi ?
M. A : Non pas du tout, car le gouvernement Malien est venu à Alger sans feuille de route. Nous avons reçu une proposition d’une feuille de route de la communauté internationale que nous avons étudiée avec une attention particulière, en essayant notamment de dégager les points convergeant avec le nôtre. Nous avons présenté par la suite les résultats de nos commentaires et suggestion aux experts de la communauté pour une feuille de route consensuelle entre les parties.
N. L : N’avez-vous pas l’impression que l’Algérie vous roule dans la farine et qu’elle soutient plutôt le HCUA ?
M. A : Non pas du tout. Loin de là. L’Algérie joue son rôle de facilitateur pour le moment avec les différentes parties et cela sans considération particulière pour qui que se soit. Pour le HCUA, ils sont en coordination avec nous et le MAA. Tout se passe bien pour le moment entre nous, dans le cadre de la défense de nos intérêts communs pour le bien-être de nos populations.
N. L : Comment se présentent ces pourparlers à votre avis ?
M. A : Pour le moment, les discussions se passent relativement bien. On avance lentement. Ce qui est tout à fait normal, vu tout le temps passé et le contexte sécuritaire actuellement sur le terrain. Le plus important c’est que nous nous soyions retrouvés. En discutant, on dégage toujours des propositions qui peuvent être acceptés ou souvent discutés. Nous sommes sur le bon chemin pour le moment, mais je préfère ne pas trop m’exprimer avant les résultats finaux de nos travaux.
N. L : Quels sont vos rapports avec les autres groupes armés et non armés ?
M. A : S’il s’agit du HCUA et du MAA, ils sont plutôt bons, car les trois mouvements fonctionnent sous forme de coordination politique, notamment dans le cadre des discussions avec la communauté internationale. Tout se passe pour le mieux et nous gardons cette cohésion pour mieux avancer, ensemble, sur nos revendications.
Quant aux auxiliaires du pouvoir malien et de l’armée malienne (CPA, MAA-Bko, Ganda koy, Ganda iso, etc..), nous avons une position claire vis-à-vis d’eux. Il y a deux parties dans ce conflit au Mali. Il faut qu’ils se décident à choisir leur camp. Car, on ne peut pas être ou prétendre défendre l’Azawad lors des négociations et sur le terrain combattre les azawadiens au profit de l’armée malienne. Tout comme on ne peut pas prétendre défendre l’Azawad et être un fonctionnaire de l’Etat malien. Nous demandons à ces derniers de clarifier leur position, donc de se joindre soit à la partie malienne dont ils sont déjà très proches ou accepter les conditions des Azawadiens et prendre leurs distances avec le Mali pour nous rejoindre.
Nous sommes une coordination des mouvements qui luttent pour le bien être de toutes nos populations, sans distinction de couleur, ni d’appartenance ethnique. On lutte pour un peuple et une cause.
N. L : On dit que Djéry n’est plus chef de la délégation des mouvements armés, qu’en est-il réellement ?
M. A : Effectivement, car la présidence est assurée par l’un des trois secrétaires généraux des trois mouvements. Au cas où l’un d’eux est présent pendant nos missions. Alghabasse Ag Intalla est arrivé un peu en retard et a repris la tête de la délégation. Ce qui est tout à fait normal et d’ailleurs nous ne comprenons pas la polémique qui est faite dessus. En leur absence, c’est Djéry (Mahamadou Djéry Maïga, vice-président du MNLA) qui préside la délégation, comme c’était le cas les deux premiers jours.
N. L : Pour parler des pourparlers, qu’attendez-vous de ces discussions précisément ? Quelles concessions pouvez-vous faire ? Et qu’est ce que vous ne pouvez pas faire ?
M. A : Notre attente est grande. Car, à ces discussions, nous avons perdu trop de temps depuis la signature de l’accord d’Ouagadougou. Nous nous réjouissons déjà de cette nouvelle phase, de ces échanges qui se passent à Alger et espérons que cela va aboutir à des perspectives de solution. Nous sommes-là pour discuter et sommes prêts a parler de tous les sujets, sans distinction ni réserve sur quoi que se soit, en toute franchise. Nous sommes-là pour aussi écouter et entendre l’autre partie et c’est en fonction de cela aussi que nous réagissons, notamment sur des sujets de fond…
Je pense que nous sommes comme le gouvernement ; nous avons des choses ou des principes sur lesquels nous ne comptons bien évidemment ne pas revenir. Le plus important pour nous, c’est que les conditions soient réunies dans cette feuille de route, pour avoir un dialogue sincère et franc lors des négociations à venir, afin d’examiner, comme il se doit, cette question dans sa profondeur en analysant tous ses contours.
N. L : Vous n’êtes apparemment pas sur la même longueur d’onde avec le Mali sur la durée des négociations. Vous parlez de 9 mois et le Mali estime que c’est long. S’il n’y a pas d’accord, que va-t-il se passer ?
M. A : Oui, dans notre proposition de feuille de route, nous allongeons la durée sur 9 mois, pour justement nous donner le temps de parler de tous les sujets en prenant le temps qu’il faut pour traiter chaque question. Cette période est indicative et justifiable, car la plupart des accords précédents se sont fait dans la précipitation et au final le résultat est connu de tous. Une raison pour prendre le temps de bâtir une paix. Nous sommes flexibles sur cette proposition et discuterons avec le gouvernement et si la nécessité s’impose de le réduire nous ne ferons pas de blocage dessus et avancerons avec le Gouvernement et la communauté internationale.
N. L : Le Burkina a beaucoup travaillé dans la crise et on a l’impression que tout le monde l’a lâché, même le MNLA. Qu’en dites-vous ? Est-il possible que des négociations se tiennent encore à Ouagadougou ?
M. A : Effectivement, le Burkina s’est beaucoup investi dans le cadre de la résolution de cette crise et nous lui témoignons toute notre reconnaissance pour ses efforts. On pense qu’il a continué et continuera de jouer un rôle dans le processus, car ils ont un représentant ici à Alger, pour justement participer aux différents travaux sur place. Pour le moment, rien n’est exclu. On peut repartir à Ouaga tout comme on peut rester ici à Alger ou aller ailleurs. Tout va dépendre de comment les choses vont évoluer.
Propos recueillis par Makan Koné