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La France s’enlise dans ses guerres africaines
Publié le jeudi 31 juillet 2014  |  Next-Afrique
Serval
© Autre presse par DR
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Mali, Centrafrique : dans ces deux interventions militaires décidées par François Hollande, rien ne se passe comme prévu. Des études d'ONG, des rapports de parlementaires et des Nations unies en détaillent les difficultés : immobilisme au Mali, tueries en Centrafrique. L'armée française est enlisée alors que le ministre de la défense annonce un nouveau dispositif dans la région et que le chef de l'État se rend cette semaine en Côte-d'Ivoire, au Niger et au Tchad.

Ce devait être une question de semaines, de mois tout au plus, faisait-on valoir à l'Élysée et au ministère de la défense. Il faut maintenant compter en années. Mali, Centrafrique : dans ces deux interventions militaires décidées par François Hollande – la première en janvier 2013, la seconde en décembre 2013 –, rien ne se passe comme prévu. Près de quatre mille hommes sont aujourd'hui engagés. Des effectifs supplémentaires vont l'être dans une opération plus large sur l'ensemble du Sahel. Et l'armée française se trouve durablement enlisée sur des terrains particulièrement dangereux, sans que l'Europe ni des forces africaines ou des Nations unies ne soient en mesure de prendre efficacement le relais.

Les deux interventions militaires sont très différentes. La première, au Mali, a été présentée comme une opération « antiterroriste », visant à éliminer les groupes djihadistes déstabilisant le Sahel, menaçant un temps de prendre Bamako et de provoquer l'effondrement de l'État malien. La seconde, en Centrafrique, est présentée selon les besoins comme une opération humanitaire ou de maintien de la paix : son déclenchement visait à empêcher, selon les mots de Laurent Fabius, « un engrenage pré-génocidaire » dans un pays en plein chaos.

Un an et demi plus tard au Mali, sept mois plus tard en Centrafrique, le bilan de ces deux interventions n'est pas seulement maigre. La situation au Mali apparaît hautement instable, et le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian s'impatiente face aux blocages d'un processus politique au point mort depuis l'automne dernier. De plus, s'il déclare que l'opération Serval (1 600 soldats) va s'achever dans les mois qui viennent, le ministre précise qu'un « millier d'hommes resteront au Mali ». Surtout, il vient d'annoncer une nouvelle opération à l'échelle de la zone sahélienne : « Nous allons aboutir très prochainement à une opération militaire régionale qui comptera environ 3 000 hommes.

L'objectif unique, désormais, c'est le contre-terrorisme », a-t-il confirmé au journal Le Monde, après l'avoir annoncé à la commission de défense de l'Assemblée. Le 15 juillet, l'Elysée a annoncé la mort d'un soldat français lors d'une opération de reconnaissance dans le nord du pays.

En Centrafrique, la présence de 2 000 soldats français n'a en rien enrayé un processus de violences terribles qui frappent les civils et livrent le pays à des bandes armées mêlant factions politiques, pillards et bandits.

Dans les deux cas, l'armée française apparaît dans la pire des situations : ses opérations sont menées sans alliés (à l'exception du Tchad d'Idriss Déby) ; sans progression de processus politiques de stabilisation de ces pays ; sans soutien important des autres pays européens ; sans mobilisation réelle de forces africaines ou internationales, qui se font toujours attendre. Le résultat n'est pas seulement une capacité d'action des plus limitées, comme en Centrafrique. Il est aussi un isolement du commandement français qui, par contrecoup, paraît renouer avec les règles d'intervention de la bonne vieille Françafrique.

Plusieurs rapports de grandes ONG (Amnesty International, Human Rights Watch, Survie), mais également les travaux de groupes d'experts pour le secrétariat général des Nations unies font état de la catastrophe en cours en Centrafrique, que la présence française ne suffit nullement à enrayer. Onze soldats français ont été blessés depuis le début du mois de juillet dans des affrontements avec des bandes armées.

Ces dernières n'ont cessé, ces derniers mois, de se renforcer, en hommes, en armements et en ressources financières liées aux divers pillages, mais aussi à l'exploitation sauvage de mines comme aux trafics de diamants. Le 15 juillet, Human Rights Watch a publié un nouveau rapport faisant état de «l'aggravation d'un cycle infernal de violence sectaire» (lire le communiqué ici).

Depuis la défaite des forces de la Séléka, ces milices musulmanes venues du nord-est du pays qui avaient pris Bangui en mars 2013, et l'installation d'un gouvernement provisoire en janvier, le conflit mêle plusieurs dimensions : affrontements entre musulmans et chrétiens, qui se sont traduits par des pogroms et l'expulsion de la quasi-totalité des musulmans de Bangui ; milices instrumentalisées par les pays voisins ; bandes armées de pillards ; milices anti-balaka, initialement créées par des chrétiens pour se défendre contre les exactions de la Séléka et qui regroupent aujourd'hui bandits comme partisans de l'ancien président renversé en mars 2013, François Bozizé…

Le résultat est un chaos sécuritaire où prospèrent pillages et tueries. Dans un rapport du 3 mars, des experts des Nations unies décrivaient ainsi la situation : « On fait chaque jour état de meurtres dans Bangui. La violence dans la capitale a atteint un degré de sauvagerie inqualifiable, des cadavres étant mutilés en public et démembrés ou décapités en toute impunité. On déplore ainsi des meurtres, assassinats ciblés, violences sexuelles, lynchages, pillages et destruction de biens, les actes de violence collective atteignant des niveaux sans précédent.

Des individus se réclamant des antibalaka parlent publiquement d’“opérations de nettoyage”. (…) À l’heure actuelle, la grande majorité des musulmans de Bangui ont fui et ceux qui sont restés vivent sous protection internationale. (…) Beaucoup de villes, précédemment à physionomie multiconfessionnelle, comme Yaloke, Bossemptele, Bozoum et Mbaiki, ont été vidées de leur population musulmane. » (Le rapport complet peut être lu ici.)
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