Vendredi dernier une délégation de la Cour pénale internationale bouclait une première mission dans notre pays, suite à la saisine de cette haute juridiction par le gouvernement malien. La mission a porté sur les présumés crimes commis dans le Nord, depuis cinq mois, par des groupes terroristes islamistes, désormais maîtres des lieux où ils appliquent déjà la Charia au grand dam de la population locale.
Au même moment Valérie Amos, sous-secrétaire des Nations unies, Coordinatrice des opérations d’urgence de l’organisation internationale, en visite à Bamako et Mopti dans des camps de réfugiés, a reconnu que notre pays est confronté à une situation d’urgence de plus en plus complexe et multiforme. Ainsi, elle a fait le constat que le Mali est en proie à la sécheresse, à la pénurie ayant comme corollaire la cherté des denrées de première nécessité ; mais aussi et surtout à un conflit armé qui a fait plus de 500 000 déplacés internes et externes. Aussi, en appelle-t-elle à plus de solidarité internationale du fait de la faible mobilisation des fonds (moins de la moitié escomptée).
A des milliers de km de là, mais quasiment au même moment. Le Président français François Hollande, affirmant son intérêt pour la région du Sahel lors de sa Déclaration de politique diplomatique, n’a pas manqué d’évoquer la crise dans notre septentrion où il a reconnu explicitement que «des erreurs ont été commises lors de la fin de la guerre en Libye, avec des armes qui sont devenues sans contrôle». N’est-ce pas une sorte de mea culpa qui établit clairement la responsabilité des puissances occidentales de l’époque ? Dont celle de la France sous la houlette d’un certain Sarkozy qui a planifié et exécuté la guerre d’invasion en Libye, conséquence logique de ce qui se passe au Nord du Mali,
Tout en reconnaissant que son pays est directement concerné par notre crise, il a cependant tenu à préciser que celui-ci n’interviendrait pas directement au conflit. Selon lui, le rôle de la France va simplement consister à appuyer les partenaires africains qui devront prendre l’initiative, la décision, la responsabilité de faire la guerre. L’appui de la France se fera dans le cadre des Nations unies et de ce que décidera le Conseil de sécurité. En d’autre terme, conclut-il, son pays serait prêt à appuyer sur le plan logistique toute intervention si elle a été organisée et mise en œuvre dans le cadre de la légalité internationale.
Suprême paradoxe cependant. Le 30 Août au Conseil de Sécurité des nations unies, la France assure la présidence. Laurent Fabius, son ministre des Affaires étrangères, a organisé, à l’issue d’un périple très médiatisé dans les camps de réfugiés syriens des pays limitrophes, une réunion ministérielle de haut niveau pour traiter de la situation en Syrie et exhorter la Communauté internationale d’intervenir militairement dans ce pays. Sinon selon lui, si celle-ci ne la fait pas maintenant pour protéger la population civile de la «répression», elle ne pourrait pas dire un jour qu’elle ne savait pas. D’ailleurs il va jusqu’à sermonner même cette communauté internationale en ces termes : «… Devant cette situation qui heurte la conscience humaine, la conviction de la France est qu’il faut tout faire, tout tenter pour mettre fin aux violences et, sur le plan humanitaire, soulager les populations civiles… ».
Il ressort évidemment de ce constat que le traitement des crises malienne et syrienne n’a pas la même considération pour la France et la Communauté internationale. La preuve :
D’un côté, elles reconnaissent un péril islamiste et humanitaire dans le Sahel, notamment au Nord du Mali, mais réduisent la situation de notre pays à un simple problème «d’auto-détermination » donc de guerre civile, et nous incitent en conséquence à privilégier la négociation avec des terroristes qui exigent l’indépendance ou l’instauration de la loi islamique sur un territoire où ils sont largement minoritaires ou étrangers.
De l’autre, elles prônent au contraire d’aller en guerre contre le régime syrien, et tout de suite, n’eût été le refus de la Chine et de la Russie (deux pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies). Elles refusent tout dialogue avec ce dernier et ne reconnaissent même pas la caractéristique confessionnelle indéniable de cette crise (que des pays occidentaux ont d’ailleurs aidé à faire resurgir et entretiennent) qui n’est rien d’autre qu’une guerre civile, où l’on devrait avoir recours à la négociation pour que les communautés confessionnelles puissent s’entendre.
D’ailleurs depuis peu, la guerre en Syrie s’est exportée au Liban voisin qui présente toutes les similitudes ethniques et confessionnelles avec ce pays. Faut-il rappeler que naguère, le Liban, après des décennies de guerre civile, avait été pacifié par son grand voisin, dont l’armée a dû cependant se retirer sous la contrainte des pays occidentaux. Résultat : le pays est retombé dans l’instabilité et le conflit syrien qui commence à s’enliser ne ferait que l’amplifier.