A l'issue du sommet des chefs d’État de l'organisation sous-régionale, élargi aux pays du champ du Sahel, comme l’Algérie et la Mauritanie, et aux partenaires extra-régionaux, comme la France et les USA, jeudi dernier, à Dakar, au Sénégal, il a été décidé de renoncer à envoyer à Bamako des forces armées étrangères,
comme précédemment annoncé à Abidjan le 26 avril dernier, pour sécuriser la transition et ses dirigeants. En revanche, la CEDEAO entend engager «directement» les négociations avec les groupes armés au Nord, aujourd’hui en «position de force» sur le terrain, par-dessus la tête du Mali. Est-ce pour leur accorder l'indépendance, comme le réclame et le proclame le MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad, ndlr), ou une large autonomie, sans consulter la majorité de la population qui vit dans ces régions (Tombouctou, Gao et Kidal), ou encore une décentralisation plus poussée, avec un statut particulier pour ces régions, telle que préconisée dans le Pacte national qui a été signé en 1992 pour mettre fin à la première rébellion des années 1990 ?
Il n'est plus question pour la CEDEAO de faire débarquer ses troupes à Bamako pour sécuriser les organes de transition et leurs animateurs, en laissant à «plus tard» la question brûlante et urgente du Nord, comme cela avait été décidé à Abidjan, le 26 avril dernier, face à la double crise que connaît le Mali au Nord et au Sud du pays avec l'occupation des 2/3 du territoire national, depuis fin mars 2012, par les groupes rebelles (MNLA) alliés aux islamistes radicaux (AQMI, Ançardine, MUJAO, BOKO HARAM). En effet, lors d'un précédent sommet, le 26 avril à Abidjan, consacré à cette crise au Mali et à celle de la Guinée Bissau, il avait été décidé de demander à la commission de la CEDEAO de "commencer avec effet immédiat le déploiement de la force d'attente de la CEDEAO" au Mali, pour «sécuriser en priorité la transition» avec le président intérimaire (Dioncounda TRAORE) et le chef de gouvernement (Cheikh Modibo DIARRA).
"La conférence instruit la commission de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) de préparer la force en attente de la CEDEAO en vue de son déploiement immédiat dès que le Mali en fera la demande", indique le communiqué qui a sanctionné cette rencontre, le 3 mai dernier, à Dakar, au Sénégal.
Cependant, ce déploiement reste conditionné au concours des bailleurs de fonds de la CEDEAO comme les USA et la France.
La commission de la CEDEAO doit d'abord "consulter les partenaires au développement en vue du financement du déploiement" de cette force, tempère ledit communiqué.
Un général américain, selon un internaute malien, a soutenu que la crise au Sahel n'était pas «une menace directe» pour les USA, préférant parler de trafics de drogues et autres criminalités qu'il convient cependant de circonscrire avant qu'elles ne s'amplifient.
Quant à la France, elle a réitéré, à plusieurs reprise, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Alain JUPPE, que la solution à la crise malienne n'était pas «militaire», privilégiant à son tour la voie du dialogue pour «un règlement global de la question touarègue».
Autant dire que l'intervention de la CEDEAO sur le terrain du Nord n'est pas pour demain.
C'est pourquoi, d'ailleurs, selon les nombreux analystes, elle préconise, comme alternative, la négociation avec les rebelles armés.
S’exprimant à la clôture du sommet extraordinaire de la CEDEAO, consacré aux crises au Mali et en Guinée Bissau, Alassane Dramane OUATARA alias ADO, président en exercice de cette organisation, a indiqué que la CEDEAO allait initier des «négociations directes» avec la rébellion touarègue qui sévit dans le Nord du Mali, pour un «retour définitif de la paix» dans ce pays.
M. ADO a par ailleurs révélé que la CEDEAO allait s’efforcer de «mettre en cohérence ses actions» en vue du rétablissement de la paix au Nord Mali avec celles des pays du champ (Algérie, Mauritanie), également impliqués dans la recherche de solutions à la rébellion touarègue.
Car, selon la CEDEAO, la crise au Sahel affecte directement non seulement les pays du champ, mais aussi indirectement les autres pays dudit espace, menaçant à terme la sécurité de l'Europe et même des USA via l'enlèvement de touristes et les attentats terroristes.
Or, le Mali, par la voix de son Premier ministre Cheikh Modibo DIARRA, avait écarté l'option de «négocier le couteau sous la gorge», même s'il affirme n'être pas opposé «aux principes du dialogue» pour recouvrer la paix et la concorde entre tous les fils du pays.
Aussi, si négociations il y a dans ces conditions, celles-ci ne peuvent que refléter les rapports de force sur le terrain, aujourd’hui favorables aux rebelles et à leurs alliés islamistes, s'inquiètent les observateurs avertis des questions du Nord.
«Soit, c'est l'indépendance de fait, soit c'est un fédéralisme de mauvais goût, soit c'est une large autonomie. Dans tous les cas de figure, c'est sans l'avis de l'écrasante majorité des populations qui ont été embarquées de force dans cette folle aventure armée, avec les conséquences néfastes que l'on sait: des réfugiés par milliers, des vols et des viols, des violations des droits de l'homme, des privations de toutes sortes, etc.», s'indigne un cadre du Nord.
En réalité, croit savoir un autre cadre malien, il n'a jamais été dans l'intention de la CEDEAO d'intervenir militairement au Nord du pays, c'était juste pour servir de «force tampon» devant empêcher Ançardine de progresser vers le Sud puisque ce groupe islamiste a affiché sa volonté «d'étendre la charia à l'ensemble du pays».
À y regarder de plus près, analyse un internaute malien, intervention militaire de la CEDEAO à Bamako plutôt qu'au Nord était une simple manœuvre de diversion, un prétexte, pour ne pas aller se battre dans le sable.
«Puisque vous ne voulez pas de nous chez vous, alors débrouillez-vous avec votre rébellion. Nous CEDEAO, nous nous en lavons les mains», tel est le massage décodé de la CEDEAO à Dakar.
De son côté, l'armée malienne soutient mordicus qu'elle peut libérer elle-même le pays et que, pour ce faire, elle a seulement besoin d'armes et de formations, mais pas de troupes étrangères.
En tout état de cause, le Mali fait fasse à une équation difficile: sans le concours de la communauté internationale, en termes d'appui logistique et matériel, il est quasi impossible de reconquérir militairement le Nord, le pays ne fabriquant pas d'armes; or, la même communauté internationale est aveuglement braquée contre le CNRDRE qu'elle ne veut voir jouer aucun rôle politique dans la transition.
Comment concilier ces différents points de vue contradictoires, sans que personne ne perdre la face.
Voilà la mère à boire pour le peuple malien qui doit pouvoir transcender ses clivages pour faire face à l'essentiel: la libération du Nord du Mali.
Une piste est déjà dégagée à Ouaga, vendredi dernier, avec la rencontre entre les émissaires du président du CNRDRE, le capitaine Amadou Aya SANOGO, et le président du Faso, le capitaine Blaise COMPAORE. En effet, même si toutes les divergences n'ont pas été aplanies, les deux parties sont convenues d'approfondir la réflexion sur le rôle et la place de tous les acteurs, civils comme militaires, dans la nouvelle transition à mettre en place après les 40 jours du président intérimaire en application des dispositions contenues dans la Constitution en vigueur depuis 1992.