La rupture, c’est le seul mot qui lui a donné en ces derniers temps autant d’aura et même lui propulsé au poste de chef de l’Etat. Mais le rêve ou la promesse sera loin du concret. En tout cas, pas durant les cinq premières années. Car ses prédécesseurs et leurs hommes n’ont rien pu. Lui aussi, à ses débuts, la plus part des hommes à qui il a fait confiance sont connus par les maliens en maîtres ou spécialistes des échecs. Les maux du sud n’y seront pas résolus en plus forte raison que ceux du nord. Les autres ont eu la main tordue, il n’en fera pas exception.
Fatigués par les poids des politiques ‘’menteurs’’ qui ont trainé pendant des décennies leur rêve dans la boue de diverses façons, les citoyens maliens ont pris leur destin en main. La raison, ‘’le peuple choisi son ou ses gouvernants’’, ils l’ont concrétisé. Par le choix en grande pompe d’Ibrahim Boubacar Keïta comme président de la République. Un homme politique bien trempé des réalités des vingt dernières années, mais qui a su bien tirer son épingle du jeu. Il a toujours claqué la porte au bon moment. Dire non, quand le vent souffle à l’encontre des intérêts du peuple malien ; depuis les années 1990 avec ses postes de ministres, Ambassadeur, premier ministre, président de l’Assemblée Nationale.
Cette ruse au compte des jeux politiques, il en bénéficie pleinement aujourd’hui. Les maux qui ont rongé le pays, il a toujours bravé ceux-ci.
Le Non pour l’honneur du Mali, à l’époque, lui donne aujourd’hui des responsabilités de chef de l’Etat. Une lourde responsabilité avec à la clé les évènements qui ont secoué le Mali en ces derniers temps. Il a beaucoup promis, le peuple malien lui a placé sa confiance.
La rupture, et toujours la rupture. C’était son arme de combat. Mais c’est difficile et très difficile dans le contexte malien de faire une table rase. IBK ne tardera pas à voir ses propres promesses non tenues lui rattrapées. Le changement ? Même cela ne s’est pas encore fait sentir dans ses actions pour le moment.
Entrée en fonction, le 4 septembre, par la prestation de serment devant la Cour Suprême, Ibrahim Boubacar Keïta a formé quelques jours plus tard un Gouvernement. Lequel n’a pas du tout satisfait les attentes. Certains pro-IBK sont déçus et l’opposition aussi n’en fait pas moins. Des anciennes têtes qui ont échoué sur toutes les lignes dans leurs fonctions respectives à l’époque. Avec ces hommes et femmes, connus de tous, pas de rupture mais une continuité. Des régimes différents (1992 à maintenant) par les mêmes hommes. Une stratégie ?
Au-delà de cette remarque, le nombre trop élevé de postes ministériels ou encore des conseillers nommés avec rang de ministres. Dans un Etat qui est en convalescence et qui se promène avec la gamelle de porte en porte, pour avoir un peu d’argent et relancer les activités économiques, après plus d’une année de crise qui a déstabilisé tous les secteurs. Ces hommes, les entretenir demandera de sommes colossales.
Donc un président budgétivore. Est-il étonnant, pour celui qui se rappelle de ses années à la tête de l’Assemblée Nationale ? Et ensuite le coût de l’organisation de la cérémonie de prestation, avec un cocktail inimaginable et aussi le jeudi dernier le coût de son investiture au stade du 26 mars en présence de plus d’une vingtaine de chefs d’Etat et du Roi du Maroc ? Les préparatifs de cette cérémonie, étaient visibles dans la ville de Bamako et leur coût ? N’en cherchez pas à connaître, ça énerve. Et pour cette cérémonie proprement dite n’en parlons pas.
En marge de ces réalités de tous les jours que la nouvelle force nous montre au sud, le nord est le plus à craindre. Ça chauffe et l’espoir s’assombrit du jour au jour quant à une solution définitive. La gestion de la rébellion dans les années 1990, L’accord d’Alger, il s’en est déchargé de la responsabilité. Et ses propos donnent à croire qu’il est l’homme de la situation ; que dès qu’il entre en fonction, le problème du nord ne serait qu’une question de seconde. Pas d’indépendance ou encore moins l’autonomie, mais laisser les armes sans condition ou se faire neutraliser.
Et pourtant, il semblait ne pas mesurer l’ampleur de la situation, la rébellion au nord du Mali. Le dimanche 15 septembre dernier, trois de ses ministres ont été victimes des scènes de honte dans la ville de Kidal. Chassés à coup de cailloux par des pro-MNLA qui ne les reconnaissent pas et réclament l’autonomie de l’AZAWAD. Qu’a-t-il fait ? Aucune réaction concrète suite à une situation aussi dramatique. Cette situation prouve que la situation à Kidal est loin de trouver une solution idoine.
Tous les jours, ces hommes du Mouvement National de Libération de l’Azawad, durcissent le ton, font des déclarations et manifestations pour réclamer leur autonomie. Ils ne réservent aucune chance au dialogue et aux négociations. Alors comment IBK va gérer cette situation ? S’il accepte la table des négociations, c’est pour encore signer des accords qui seront loin, comme les premiers, à aller dans le sens de l’unité nationale. Il sera contraint aussi d’accepter, comme ses prédécesseurs, cela ? Il n’aura pas le choix, car des mains invisibles très puissantes sont dans cette affaire et il serait difficile de dévier leur volonté. Opter aussi pour la guerre est sans conséquence très lourde. Le dilemme est là et IBK est obligé de faire un choix. Les citoyens lambda maliens l’observent de près et ne tarderont pas à prendre la rue pour dénoncer la haute trahison.
Le général triomphe, la démocratie enterrée
Aujourd’hui, la seule rupture patente est celle qui est en rapport avec les relations interpersonnelles entre IBK-Alpha-ATT et le général Moussa Traoré. Le dernier refait honorablement surface. Lui qui a été destitué de ses fonctions pour la cause de la démocratie au Mali.Le général Moussa Traoré, dont la gestion autocratique du pouvoir a été qualifiée de sanguinaire avait été renversée par le prix d’un bain de sang. L’image continue à marquer la scène politique, mais aussi la vie sociale malienne.
Aujourd’hui, il bénéficie de tous les honneurs de la part du nouveau chef de l’Etat. Lors de son investiture, le 4 septembre, IBK commence son discours par le nom du Général Moussa Traoré qu’il remercie et traite même de ‘’Grand Républicain’’. Ses prédécesseurs et anciens amis ? Il n’en fait pas cas dans son discours. Ils sont les plus ignorés. Un coup dur à l’ère démocratique des vingt dernières années dont il est un des acteurs imminents.
Certains qualifient ce geste d’insultes à l’endroit des martyrs de 1991. Malgré ces reproches, le Général était présent lors de la seconde investiture d’IBK, le jeudi 19 septembre au stade du 26 mars. Il était dans la rangée installée après celle des présidents invités à l’occasion.
Son discours (IBK) ne fait pas cas encore des biens faits de la démocratie. Alpha, ATT n’ont reçu aucun honneur, mais ce jour, Dioncounda Traoré président de la transition en a reçu et de la part d’IBK et de François Hollande.
Ces actes pour quel enseignement ?
Cet article, nous l’avons publié dans notre parution N° 07 du Lundi 24 Septembre 2013. C’était juste après la prise officielle de fonction de président de la République par Ibrahim Boubacar Keïta. Les inquiétudes et raisons invoquées en ce jour sont patentes. Jugez-en !
Boubacar Yalkoué