Le problème des dépôts d’ordures est un casse-tête à la fois pour les populations et les autorités du district de Bamako. La situation dégénère aujourd’hui en Commune II où les habitants du quartier populaire de Missira ont commencé à déverser, depuis lundi, des ordures et des déchets de toutes sortes sur la chaussée jusqu’à barrer, hier matin, les très passantes et très utiles Rues 14 et 18.
Lundi, en début d’après-midi, un amoncellement d’ordures long d’une quinzaine de mètres et composé du contenu des poubelles des familles avoisinantes, coupait la rue 14. Ceux que cela intéressait pouvaient repérer toutes sortes de détritus : des fruits et légumes avariés, des restes de nourriture, de vieilles bouteilles vides en plastiques et autres… Et ceux qui se pressaient pour s’éloigner en empruntant les « carrés » ne pouvaient échapper à la puanteur ambiante.
La manifestation n’est pas inédite. Il y a deux ans les habitants de Dravéla Bolibana s’y étaient essayés avec un certain succès puisque leurs ordures avaient été enlevées assez vite. Comment Missira a-t-il songé à adopter cette forme de protestation ? Un habitant du quartier explique : « Tout a commencé ce matin (lundi) vers 9h quand un camion benne chargé d’évacuer les ordures, au lieu d’effectuer son service normal, a été sollicité par un habitant qui lui a donné 2000 Fcfa pour décharger ses ordures. A partir de là, les habitants qui ont passé plus d’une semaine à attendre en vain que leurs ordures soient évacuées, ont commencé à déverser le contenu de leurs poubelles dans la rue bloquant quasiment la voie ».
Lamine Kouyaté, lui, désapprouve ce mouvement.
« Déverser les ordures sur la voie publique n’est pas la solution. Il faut une implication, un changement de comportement et une sensibilisation de tous les acteurs intervenant dans le secteur de l’assainissement au niveau des 12 quartiers de la Commune II », propose-t-il. Pour lui, la mairie et l’Etat ne doivent pas être les seuls à trouver une solution durable au problème d’assainissement posé à Missira, un problème qui s’accentue pendant la saison des pluies. Montrant un caniveau bouché, un autre jeune du quartier s’insurge : « Vous voyez, ce sont des déchets des usagers du marché Dossolo Traoré de Médine, communément appelé « Soukounicoura » qui nous envahissent après chaque pluie. Ça ne peut pas continuer ».
Une dame frisant la quarantaine jaillit de son domicile, visiblement sur les nerfs, et renchérit : « Ils nous ont fatigués. La mairie ne fait rien. Nos élus font des promesses lors des campagnes, mais une fois élu ils oublient tout et ne pensent qu’à leur poche. Nous avons déboursé 5000 Fcfa samedi dernier pour évacuer nos ordures. La manifestation du jour est tout simplement une alerte », avertit-elle en menaçant d’autres actions « si la solution n’est pas effective dans les deux jours ». « Nous allons transformer la mairie en dépotoir si les autorités communales ne réagissent pas », prévient-elle.
Qu’en disent les autorités communales ? Le 3ème adjoint au maire de la Commune II, chargé de l’assainissement, Abdoulaye Bassolé, assure comprendre le mécontentement des habitants. « Ces ordures proviennent du marché de Médine dont l’assainissement relève de la marie du District. Nous avons haut et fort réclamés la gestion du marché de Médine, sans suite favorable. Donc nous n’y pouvons rien », constate l’élu.
Abdoulaye Bassolé explique que la mairie de la Commune II dispose de 3 camions-bennes destinés à l’assainissement dont 2 sont actuellement en « service citoyen » à Bagadadji. L’élu avait promis lundi que toutes les dispositions seraient prises pour libérer la chaussée des ordures le plus rapidement possible.
Pourtant hier, mardi, la circulation était de nouveau bloquée sur encore plus de voies que la veille au point de renvoyer toute la circulation sur une avenue Al Qods au bord de l’étouffement.
Des agents municipaux avaient bien entrepris de dégager les rues mais ils allaient nettement moins vite que les mécontents qui continuaient à déverser des ordures devant la police et la mairie. Les embarras étaient à leur comble à Missira et les automobilistes tentaient dans la plus grande nervosité d’échapper à la nasse. « Trop c’est trop. Si la mairie ne trouve pas un moyen d’enlever les ordures, même demain nous allons bloquer la circulation », lançait un jeune du quartier de Missira. Affaire à suivre, donc.
S. TANGARA
Youssouf KONATE