rois jours après avoir claqué la porte, l’administrateur du parti SADI, Sidi Ongoïba, se refuse à tout commentaire sur les vraies motivations de sa décision. Mais objectivement, cet énième départ d’un cadre non moins important du parti, relance une fois de plus le débat sur le comportement du secrétaire général, Oumar Mariko, son management des ressources humaines et sa caporalisation du parti devenu difficile à supporter pour certains camarades. Explications.
Oumar Mariko
La nouvelle n’est plus qu’un secret de polichinelle, et est tombée en ce début de semaine comme une trainée de poudre. L’administrateur du parti Sadi, non moins membre du Comité central (l’instance dirigeante) a démissionné de toutes ses fonctions. Officiellement, dans sa lettre de motivation, il évoque une « collaboration difficile avec certains camarades ».
Comme raisons, le démissionnaire n’en dit pas plus. Joint par nos soins, Sidi Ongoïba n’a pas souhaité faire plus de commentaires. « Ma décision est prise et elle est irrévocable. Je préfère ne pas trop parler de ce sujet », nous a sèchement répondu. Au sein de la formation politique, la démission a choqué plus d’un. Cependant, précisent-ils, nous respectons la décision du camarade.
Pour le secrétaire administratif, Nouhoum Kéita, il s’agit d’une grosse perte. En revanche, pense-t-il, on ne démissionne pas d’un parti pour des raisons personnelles. « Une lutte politique se mène autour des valeurs et des principes démocratiques. Dans un parti, on ne s’identifie pas à une personne, mais à des convictions. Malheureusement, je doute que cette démission soit prise en tenant compte de cette dimension. Encore faudrait-il préciser que je respecte la décision du camarade », nous a expliqué le Nouhoum Kéita.
Pour d’autres militants du parti Sadi, la décision n’est pas surprenante au regard de l’atmosphère de travail devenue assez tendue. C’est du moins ce qui ressort de l’avis de Dr. Etienne Oumar Sissoko. Pour ce responsable de la jeunesse Sadi, la démission de Sidi Ongoïba constitue une grosse perte, et intervient à un moment difficile de la vie de notre parti. « Nous prenons acte de la décision du camarade, et notre défi est de travailler dur pour combler le vide qu’il va désormais laisser », a analysé Etienne Oumar Sissoko.
Le grand gâchis !
Les militants et les observateurs sont donc unanimes : le départ de Sidi Ongoïba porte un coup dur au parti. Nul n’est indispensable certes, mais M. Ongoïba constituait un maillon essentiel du parti Sadi. Reconnu « bosseur » par les militants du parti, l’ex-administrateur reste un des artisans de la forte implantation du parti dans les localités Niono (en zone Office du Niger) et dans plusieurs cercles de Mopti.
En 2007, alors qu’Oumar Mariko était à cours de signatures pour parrainer sa candidature à l’élection présidentielle d’avril, il organisa une série de missions dans les coins les plus reculés de Kidal, en pleine rébellion après les attaques du 23 mai 2006 par Ibrahim Ag Bahanga pour mobiliser les élus du Nord à la cause de son candidat. Aujourd’hui, sans démagogie, le parti Sadi lui doit cette reconnaissance. S’il le faisait sans doute pour lui-même par devoir de militant, il croyait aux idéaux du parti et à la responsabilité des hommes qui les incarnent.
Si personne, parmi nos interlocuteurs, ne semble faire le lien de cette démission avec le comportement de certains responsables du parti, tout porte à croire que les relations entre le démissionnaire et le secrétaire général du parti, Oumar Mariko, étaient devenues tendues depuis plusieurs années. Depuis quelques temps, les deux hommes se livraient à une guerre froide.
Au parti Sadi aujourd’hui, plusieurs cadres et militants du parti reprochent à Oumar Mariko certaines de ses prises sur des questions d’actualité avant même de consulter ses camarades. « Souvent nous apprenons la position du parti sur les médias suite aux déclarations du camarade Oumar Mariko. Après, on nous réunit pour prendre une décision commune. Sans doute, c’est pour entériner la position déjà prise par le secrétaire général dans les médias. Ce n’est pas une attitude démocratique », nous confié un responsable du comité central du parti, pourtant réputé très proche du député Mariko. Ce qui l’agace, comme beaucoup d’autres camarades, c’est qu’on a souvent l’impression que c’est le secrétaire général qui dicte la ligne et les orientations du parti.
Mariko doit revoir ses rapports avec ses camarades !
La démission de Sidi Ongoïba constitue l’énième départ de cadres et militants du parti au cours de ses dernières années. Pendant la législature 2002-2007, on se rappelle de la démission spectaculaire des six députés de Koutiala. Il y a un an, un autre député (Mamadou Guindo de Niono) démissionnait avec une quinzaine d’élus (dont le vice-président du Conseil de cercle). S’ils justifient leur décision par des motifs personnels, tout portait à croire dans leur cas, que les relations difficiles avec le député Oumar Mariko les ont poussées à péter les plombs.
Et le scénario à craindre c’est surtout le départ d’autres députés dans les jours à venir. Ils pourraient se révolter contre la décision du député Mariko de « quitter l’Assemblée nationale à la fin du délai constitutionnel du mandat des députés ». Plusieurs cadres, qui confient que cette décision a été annoncée par M. Mariko sans concertations du comité central, pense qu’elle pourrait entrainer d’autres divisions.
D’ailleurs, interrogé récemment sur la question au cours d’une conférence de presse, le secrétaire général du part Sadi s’est dérobé et n’a pas voulu nous répondre. Cette fuite en avant cache-t-elle un vrai malaise ? Rien n’est pour le moins sûr.
Il n’y a donc pas de doute, Oumar Mariko contribue à affaiblir le parti qu’il a créé avec des camarades de la même conviction politique. L’ancien leader estudiantin doit sans doute revoir sa copie. Son management des hommes souffre d’énormes lacunes, son comportement « despotique » et ses décisions caporalistes agacent ses camarades. Toutes choses qui handicapent fortement sa formation politique. A croire que dans ce contexte, il garde des chances de gagner la prochaine élection présidentielle, il y de quoi rêver véritablement.