Le 29 juillet, Dioncounda Traoré annonçait dans son message à la nation qu’il solliciterait l’assistance de la Cedeao pour la libération du Nord malien mais pour la sécurité de la transition il entendait faire confiance dans les forces de sécurité de son pays. Plus qu’une leçon de hauteur, le miraculé rescapé de l’agression du 21 mai rendue possible par les défaillances sécuritaires donnait alors l’image du capitaine convalescent jetant ses béquilles pour aller dompter le bateau ivre que devenait son pays. La requête d’assistance formelle ne sera cependant adressée à la Cedeao qu’un mois plus tard. Depuis, il s’est passé des choses. Le même 29 juillet, un couple était lapidé à mort à Aguel Hoc. Le 8 août un présumé voleur se voyait amputé de la main à Ansongo.
En mi août à Tombouctou les Islamistes achevaient leur mainmise sur la cité sainte dont ils avaient détruit tous les lieux saints. Kidal et Gao étaient également mis sous coupe réglée. Et le dernier haut fait des occupants que rien ne contre c’était juste à Douentza en ce début septembre où ils ont mis fin à leur partenariat avec Ganda Iso, le groupe d’autodéfense salué en libérateur deux mois plus tôt. Quand il rentrait début avril pour être investi comme président intérimaire, Dioncounda Traoré avait insisté sur l’urgence d’agir pour éviter l’incrustation -le mot est de lui- de la bête. D’avril à septembre, cinq mois se seront écoulés. Dans la souffrance pour le Nord. Dans l’humiliation pour le Mali.
Et dans l’angoisse générale sur ce que l’avenir réserve d’encore plus fâcheux pour un pays contre lequel les Dieux se sont acharnés. Sous le règne finissant d’Att, le temps était la denrée la plus précieuse et la plus rare. Il l’est encore plus sous cette transition qui est à sept mois de la fin de la durée fixée par Abuja. Or, le contexte dans lequel est arrivée la lettre du Président n’est pas celui de l’émotion conquérante de son retour au pays. Celle-ci a été dissipée depuis par les longues tractations pour la formation du gouvernement, les jeux et enjeux de pouvoir, la recomposition de certains camps et l’implosion d’autres. L’union sacrée sera peut-être pour plus tard. Pour l’instant, ce sont les monstres de la division qui tiennent le pavé. D’où le rejet de la lettre présidentielle par Bakary Mariko, le porte-parole du Cnrdre.
Ce n’est pas rien, car si Mariko n’a pas de statut auprès de la Communauté internationale, il reste que Kati ne s’en est pas démarqué par un démenti. N’empêche que même si la primeur aurait dû être malienne en lieu et place d’une fuite officielle française -différence d’angle sur la place des médias-, la requête d’assistance est désormais sur la table des chefs d’Etat de la Cedeao, Mais la Cedeao ne lancera pas ses paras sur Aqmi dès cette aube. Il est vrai que le Mali est perçu, à juste raison, comme une très sérieuse menace contre la sécurité globale. Nulle part au monde en effet, les jihadistes n’ont un tel boulevard. Ils ont reconstitué au Mali le sanctuaire qu’ils avaient au moment de l’Etat Taliban en Afghanistan et qui leur avait permis de mûrir en toute tranquillité les attaques du 11 septembre 2001 contre la plus grande puissance militaire au monde.
Toutes choses égales par ailleurs et surtout dans un pays où une boîte de lait Lahda est un inestimable cadeau, l’urgence est donc requise, de mains et de ponts tendus vers le Mali. Mais, nos partenaires pourraient rétorquer que c’était une raison pour le Mali d’agir bien plus tôt, Ouattara n’est pas Obama et Abuja n’est pas le Pentagone. L’Ecomog qui avait fait la réputation de l’organisation sous-régionale est le fruit d’un autre temps, d’un autre leadership et d’un consensus international qui n’existe pas sur le Sahel. En Sierra Leone, il s’agissait de rétablir dans son fauteuil un président chassé par la mafia et au Liberia de la déraciner simplement. L’unanimité autour de la solution malienne n’est pas la chose la plus partagée ni entre les présidents de la sous-région ni entre les autres parties prenantes à la crise malienne.
D’ailleurs, on ne peut pas ne pas s’intriguer du « Confidentiel de Jeune Afrique » de cette semaine faisant état d’un rapport sécuritaire français sur le transit d’importantes quantités d’armes pour le Mujao par le Burkina Faso, pays médiateur de la crise malienne. Voilà autant d’obstacles à la constitution de moyens que la Cedeao n’a pas et qu’elle doit chercher auprès de la communauté internationale. Et si Abuja arrive à trouver ses moyens, son agenda ne saurait être de livrer clés en main le Mali libéré aux Maliens. Le boulot, ce sera l’armée malienne qui le fera, les autres ne pouvant lui venir qu’en appoint. Il existerait, sur ce point, une parfaite identité de vue entre le Mali et la Cedeao. Mais la solidité des contrats de guerre ne se vérifie qu’avec le premier coup de feu. Même avec une armée comme la nôtre qui doit se réconcilier avec sa nation.