Pendant que certains de ses collègues se pavanent à l’extérieur du pays avec les avantages dus à leur rang de député, l’honorable Bourama Tidiane Traoré, député élu dans la circonscription électorale de Kati a décidé de consacrer les siens dans des œuvres d’utilité publique pour les populations. Dans un entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il nous révèle l’objectif de son entrée en politique, pourquoi il a opté pour le RPM. Mais aussi, il revient en long et en large sur le problème foncier qui oppose les populations de Marakodougou au président de l’APCAM Bakary Togola dont il a été saisi.
Le Tjikan : Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?
Honorable Bourama Tidiane Traoré : Je m’appelle Bourama Tidiane Traoré, député à l’Assemblée nationale du Mali, élu dans la circonscription électorale de Kati. Je suis originaire de la commune rurale de Wéléssébougou plus précisément du village de Bananzolé.
Au niveau de l’Assemblée nationale, je suis le vice-président de la commission des affaires étrangères. En dehors de tout cela, avant d’être à l’Assemblée nationale, je suis d’abord un homme d’affaires, un commerçant basé entre les deux Congo (Congo Kinshasa et Congo Brazzaville) depuis bientôt 24 ans.
Comment êtes-vous arrivé en politique ?
Je pense que l’homme suit toujours son destin. C’est vrai que ma vie a toujours été consacrée au service de mon pays car le pays a aussi beaucoup fait pour moi. Car, c’est grâce à ce pays que j’ai été à l’école, j’ai bénéficié des infrastructures de mon pays, des impôts payés par le contribuable malien. Pour tout cela, je me suis dit qu’il faut que je rende la monnaie à mon pays pour tout ce qu’il a fait pour moi.
Quand on sert bien son pays et surtout le milieu qui nous a vu naitre et grandir, les populations sont reconnaissantes. C’est cela qui justifie mon entrée en politique.
Aussi, les hommes politiques, les élus de la localité qui se sont succédé n’ont pratiquement pas rendu un grand service à la population qu’ils ont plutôt déçue. C’est fort de tout cela que j’ai été sollicité par toutes les treize (13) communes de Kati III qui ont envoyé une délégation voir ma famille pour solliciter ma candidature aux élections législatives.
J’ai accepté volontiers cette sollicitation et c’est ce qui m’a emmené à l’Assemblée nationale en tant en tant que député.
Vous étiez dans une autre formation politique avant le RPM, pourquoi avez-vous quitté ce parti ?
C’est vrai que j’étais dans une autre formation politique avant le RPM. Il s’agit du Parti pour l’Action Civique et Patriotique (PACP) qui est une formation politique dont le président est originaire de la même localité. Ce n’est pas allé loin car la rupture a eu lieu très vite.
Lorsque les partis politiques ont appris cela, certains ont envoyé des émissaires pour venir me solliciter. Mais, c’est le secrétaire général du RPM qui, lors de notre rencontre, a su me convaincre. C’est ce qui a marqué le départ avec le RPM.
J’ai choisi le RPM car c’est d’ abord un parti encadré par Ibrahim Boubacar Keita qui est un homme intègre, de grande valeur et dont les Maliens apprécient l’honnêteté, sa combativité, son amour pour le pays.
Votre début de mandat correspond à un problème foncier entre les populations qui vous ont élu et le président de l’APCAM, Bakary Togola, comment comptez-vous régler ce problème car leur espoir repose sur vous?
Je pense que le combat continue, c’est un grand challenge la confiance en moi placée par la population. Je ne dois pas du tout les décevoir.
Elles m’ont saisi par rapport à ce problème qui les dépasse. Imaginez plus de trois cent hectares de leurs terres qu’un seul homme qui est aussi le président de tous les agriculteurs du Mali vient accaparer. Cela fait très mal. Mais l’homme ne s’est pas arrêté là car il a barré des routes, des pistes traditionnelles. Il y a aussi des tombeaux sous formes de mausolées de ces familles sur ces terres, des rivières qui sont entièrement bouchées.
L’Assemblée nationale, une fois saisie, a mis en place une commission qui a été sur place. Nous sommes en train de nous battre. Je vais user de tous mes moyens et de mes contacts pour que Bakary Togola comprenne que quand on est dans le faux, il faut savoir le reconnaitre. Car ces terres ont été achetées avec le chef de village de Massako qui n’est, ni de près ni de loin, le propriétaire. Aussi, un tribunal a tranché cette affaire en faveur des populations de Marakodougou. En homme responsable, il doit s’incliner devant cette décision de justice.
La population de Marakodougou est très mobilisée pour mener cette lutte. Lors des missions que nous y avons effectuées, plusieurs villages étaient représentés.
Le mercredi 13 août dernier, plus de 200 villages étaient représentés en plus des quatorze sous-sections RPM de Kati III dont les militants avaient convergé vers Bananzolé pour l’assemblée générale d’information et de soutien à la population de Marakodougou.
Toutes ces populations ont été frustrées d’apprendre que Bakary Togola lui-même se dit militant du RPM.
C’est quelqu’un qui est très rusé. Il appartenait à l’ancien régime en tant de 4ème vice-président du Parti pour le Développement Economique et la Solidarité (PDES).
Il cherche maintenant à se faire couvrir par l’actuel régime. C’est pourquoi, il fait un virage à 90% ainsi pour tenter de se cacher derrière le RPM.
Les militants ont avoué lors de l’assemblée générale du mercredi 13 août dernier que cela est inadmissible et nuit sérieusement à l’image du parti RPM. Surtout pour les communales à venir dans cette localité.
La lutte va continuer car la population est mobilisée pour cette cause. Tôt ou tard, Bakary Togola va capituler et laisser aux populations leurs terres.
Quels sont les actes que vous avez posés depuis le début de ce bras de fer entre les populations de Marakodougou et Bakary Togola ?
Déjà plusieurs actes ont été posés depuis que j’ai été saisi par la population de ce conflit foncier.
D’abord, j’en ai informé les députés du RPM lors de notre réunion hebdomadaire. Tous les députés du groupe parlementaire RPM étaient frustrés ce jour là. C’est ce qui a amené la composition d’une commission de cinq députés sur la question dont j’étais membre.
Nous avons effectué deux missions sur place avant de rendre compte à l’Assemblée nationale.
Au delà de cette mission, le règlement de ce problème a été confié à la commission chargée de la décentralisation qui doit faire d’autres visites sur le terrain.
Mais entre temps, moi qui suis le député de la zone, je suis en train de faire d’autres démarches pour informer l’opinion nationale, l’opinion paysanne pour que tout le monde soit au même point de compréhension. Avant, Bakary Togola se comportait comme un quelqu’un qui est au dessus de la loi. Qu’il comprenne que tel n’est plus le cas car personne n’est au dessus de la loi pour ce nouveau régime.
Est-ce que tous les députés qui ont pris part aux missions sur le terrain sont aujourd’hui dans la même logique que vous sur le dossier ?
C’est difficile de le dire. Mais en réalité, la confiance personnelle n’est plus à cent pour cent. Je ne peux pas dire qu’ils ont été touchés par Bakary Togola car je n’ai pas de preuves. Mais certains ont fait une volteface. Il ya quand même des soupçons parce que lors de la première mission, nous avons été à cinq, moi Bourama Tidiane Traoré, Salia Togola, Boubacar Sissoko, Moussa Diarra et Makan Oulé. Ce jour là, le discours était clair. Pour avoir 300 hectares, il faut un arrêté ministériel. Lorsque nous avons rencontré Bakary Togola, ceux qui avaient eu le courage de dire cela devant les pauvres populations ont changé de langage.
Cela m’a indigné lors de notre déplacement sur le terrain le 3 août où la population était restée sur sa faim. Elles ont même boudé le discours de certains de ces députés.
Nous sommes des députés, nous devons nous montrer correctes, impartiales et surtout aller du coté de la vérité. Car nous devons tout faire pour ne pas décevoir les populations quant à la confiance placée en nous.
Avant d’être député, vous avez fait de nombreuses réalisations pour les populations, pouvez-vous nous en citer ?
Il n’est pas facile de parler de soi. Mais par le passé, ce que je peux dire en gros, c’est que j’ai à mon actif, trente trois (33) salles de classes équipées construites dans onze (11) villages différents d’une valeur de plus de 240.000.000 FCFA sur fonds propre. En dehors de cela, j’ai à ma charge treize (13) enseignants des écoles communautaires que je paye sur fonds propres (près de 900.000 F par mois), il ya aussi le sponsoring des élèves qui passent au DEF et qui doivent continuer les études au lycée. Je sponsorise les meilleurs élèves qui sont issus des familles défavorisées en raison de 200.000 FCFA par élève par an. J’ai à ma charge quatorze (14) élèves issus de villages différents que je sponsorise actuellement.
C’est une lourde responsabilité, mais par la grâce de Dieu, je parviens à les aider.
Aussi, dans la protection des faunes et des flores, dans le village où Bakary Togola a spolié 300 hectares, j’ai 200 hectares avec l’accord de la population de Marakodougou qui est sous forme de réserve naturelle où on ne pratique pas la chasse, où on ne met pas de feu de brousse, et où on ne coupe pas de bois. Cette réserve est là pour la population locale.
Je paye deux gardiens par mois en raison de 75.000 F chacun pour la surveillance de cette réserve forestière et cela depuis 2001.
Une personne qui a des moyens ne doit pas les utiliser en brute contre les autres, il doit plutôt être généreux, aider les autres et faire en sorte que ces moyens profitent à sa communauté.
Je suis très allergique à cela. Quand je vois Bakary Togola, la notoriété, la place qu’il a, et se retrouver dans des histoires aussi salles. Cela mérite d’être combattu jusqu’à la dernière rigueur.
Les populations ont indiqué que vous leur avez promis de leur consacrer votre salaire et vos avantages durant les cinq ans de votre mandat ? Qu’en est-il exactement ?
Bien avant d’être élu député, Dieu m’a confié quelques moyens qui me permettent de survenir à mes besoins et d’aider les autres. Je crois que l’Assemblée nationale ne doit pas être pour moi un lieu pour m’enrichir.
Ma promesse de campagne était que tout ce que gagnerais comme député (indemnités, frais de déplacements, avantages…), sera consacré dans des œuvres d’utilité publique dans ma circonscription électorale pour les populations.
Tout ce que j’ai gagné durant les six premiers mois, à commencer par mes frais d’installation, frais d’essence (300.000), cartes téléphoniques (100.000 F)…le tout calculé fait plus de 10.800.000 FCFA., a servi pour réaliser trois forages dans trois villages différents (commune de Safé-Bougoula, Tièlè, Sanankoro-Djitoumou). Trois communes ont déjà eu leurs forages et dans les six prochains mois, trois autres communes auront aussi leurs forages.
Ainsi, durant les cinq ans, toutes les quatorze sous-sections auront leurs forages.
J’ai décidé de faire cela pour montrer l’exemple car ceux qui sont déjà suffisants ne doivent pas chercher à s’enrichir davantage. Tout ce que je gagnerais durant ces cinq ans sera pour la population. Cela veut dire que mes frais de déplacement au nom de l’assemblée nationale, je le fais à mes propres frais, tout ce que je gagne, je vais l’investir dans des projets d’utilité publique pour la population.
Je n’utiliserai pas un centime du contribuable malien pour mes besoins personnels, c’est une promesse de campagne que je vais tenir.
Ceux qui ont un peu de moyens ne doivent pas chercher à s’enrichir davantage sur le dos de la, population. C’est pourquoi, ce que Bakary Togola est en train de faire à la population de Marakodougou me révolte beaucoup.
Quels sont vos projets ?
C’est vrai que j’ai mis les affaires à coté puisqu’il y a une administration qui s’en occupe au Congo et me rend compte régulièrement. En plus de mes petits déplacements sur place tous les quatre ou cinq mois pour voir ce qui se passe.
Mon projet, c’est de m’investir davantage dans la politique parce que je suis investi d’un mandat et je dois me battre pour être à la hauteur. Je vais me battre pour que ce changement tant rêvé par les Maliens en général et les populations de ma circonscription électorale se réalise. Que la fracture qu’il y a entre pauvres et riches soit réduite, que le Malien faible se sente dans un pays de droit. Mon plus grand projet, c’est de me battre pour que cela arrive au bonheur de la population.
Les communales approchent. Mon vœu est que le RPM rafle partout dans ma circonscription électorale.
Entretien réalisé par Georges Diarra