L’imprévisible Mouvement national de libération de l’Azawd (Mnla) et ses soutiens diplomatiques semblent avoir doublé encore le gouvernement malien. Ils ont finalement réussi à isoler la délégation gouvernementale dans la seconde phase des négociations d’Alger, qui s’ouvrent en principe ce matin. L’on se demande par quel tour de magie.
D’un côté, il y a le gouvernement malien qui doit désormais défendre seul l’intégrité territoriale du pays dans la capitale algérienne. Bamako qui avait jusqu’ici bénéficié du soutien des groupes armés rejetant le projet d’autonomie des milices touarègues et arabes aura besoin de se battre pour ne pas signer un document le compromettant auprès de l’opinion nationale.
Face au gouvernement se trouve une délégation homogène des groupes armés, même ceux qui se disent loyalistes. Comme annoncée à Ouagadougou la semaine dernière, les divergences de vue de ces groupes armés ont été gommées ou presque en si peu de temps, malgré la situation tendue sur le terrain.
Le paradoxe est que tous ces groupes armés se sont engagés à défendre le projet d’un statut juridique et politique de l’Azawad lors de cette phase des négociations. Pour l’instant, ce projet facilitera sûrement le bon déroulement des négociations pour les diplomates occidentaux et onusiens qui souhaitent en finir avec les blocages du dialogue inter malien.
Cette isolation du gouvernement malien risque de rendre un mauvais service aux populations du nord, en libérant davantage les germes du conflit intercommunautaire qui est en veille. En effet, le projet d’Azawad ne séduit que quelques aventuriers touaregs et arabes qui sont loin de défendre la cause des opprimés.
L’autre aspect du danger qui guette le nord du Mali est le spectre d’une «soudanisation » si le gouvernement devrait accepter la réorganisation de son territoire, comme le suggèrent certains soutiens français du Mnla dont d’éminents universitaires. Parler de machiavélisme serait osé, mais la méconnaissance des réalités du septentrion malien a conduit ces derniers à véhiculer l’idée d’une nécessaire révision de la carte politique du Mali. La ligne rouge est franchie
Les partisans de la cause touarègue ont tellement biaisé le débat sur le nord du Mali en France et en Europe que même l’ancien président français, Valéry Giscard d’Estaing suggère cette révision de l’organisation administrative du territoire malien. L’affaiblissement de l’Etat central dans cette région cosmopolite pourrait mettre en compétition les communautés. Et les enjeux politiques et économiques ne feront que développer l’esprit d’appartenance ethnique.
L’ethnocentrisme est d’ailleurs en passe de devenir le nouveau cancer du Mali. A la faveur de la présidentielle de 2013, il a quitté les conversations de rue pour se glisser dans la campagne électorale. Soumaila Cissé dont la femme est du Bélédougou, donc du pays Bambara, a été combattu par des ‘électeurs téléguidés par des politiciens de Bamako avec le simplement argument qu’il est Sonrhaï.
Une ligne rouge a été franchie lors de ces élections-là. Et l’introduction de l’ethnocentrisme dans la campagne présidentielle est en mesure de rendre service au Mnla aujourd’hui. Pourtant, la solution ne réside pas dans une mise en cause de l’autorité de l’Etat central dans les réions nord du pays où existe un antagonisme sournois entre les ethnies.
Si la majorité sonrhaï devrait être mise en compétition avec les Touareg autour d’un poste électif, on peut deviner ce que cela impliquerait en termes de tension. Les groupes armés présents à Alger n’évaluent pas la résolution de la crise sous cet angle, mais il est évident que le statut politique que réclament le Mnla est capable de conduire droit dans le mur toutes les communautés.
A charge des autorités maliennes, on peut aussi évoquer l’abandon des communautés asservies au nord du Mali. Plusieurs fois interpellé par des législateurs américains sur l’existence de l’esclavage, les autorités maliennes ont toujours nié. Une fois de plus, l’esclavage n’est révoltant et considéré comme crime par les africains que lorsque les Blancs sont mis en cause. Pourtant, il ne manque que des armes aux Bella pour déclencher une lutte sanglante contre l’esclavage par ascendance qui a pris des proportions humiliantes dans certaines tribus touarègues.
L’esclavage qui est un crime grave existe même dans certaines localités du sud malien, mais dans la communauté touarègue est un problème que personne ne veut affronter. Le malaise de cette communauté noire est telle que certains intellectuels de la communauté brise le silence pour demander une reforme agraire, en brandissant la bombe sociale qu’est le servage des leurs.
Soumaïla T. Diarra