Les concertations se multiplient pour assurer la réussite d’une expérimentation qui présente nombre d’avantages et va se heurter à pas mal d’écueils
Le port de la tenue scolaire est exigé par l’article 25 de l’arrêté n° 100688 du 12 mars 2010 fixant le règlement intérieur des établissements de l’enseignement fondamental. Ce texte stipule que le « port de la tenue est obligatoire. Les élèves doivent se présenter à l’école dans des habits propres dont la décence ne heurte pas la culture du milieu ».
Outre les prescriptions du texte réglementaire, il est admis que l’uniforme rend corrects les élèves tant au niveau scolaire que social, marque la différence entre un scolaire et un non scolaire, évite les frustrations entre élèves « nantis » et « pauvres » et sécurise l’espace scolaire. La tenue scolaire peut aussi restaurer l’harmonie et l’identité des élèves du même établissement ou groupe scolaire et de l’école auxquels ils appartiennent. Surtout quand elle est uniformisée, c’est-à-dire affiche la même valeur, couture, devise, le même logo, modèle et motif. Elle consolide la cohésion, l’entraide, l’esprit de solidarité, d’équipe et de travail. Ce sont sans doute ces vertus qui ont convaincu le Premier ministre, Moussa Mara, de décider du port effectif de l’uniforme dans toutes les écoles fondamentales du pays.
CINQ COMMISSIONS. La phase test débutera cette rentrée scolaire dans la totalité des 71 écoles fondamentales, dont 31 privées, de la Commune IV. Les autorités communales, scolaires, coutumières et traditionnelles de cette commune ont salué la décision du chef du gouvernement.
Elles se sont déjà mises au travail pour la concrétiser pour la rentrée scolaire prochaine. Plusieurs rencontres ont eu lieu dans la salle de conférences de la mairie de la Commune IV pour réfléchir à la question. Elles ont réuni des conseillers techniques de la Primature et du ministère de l’Education nationale, les directeurs des Centres d’animation pédagogique (CAP) de Lafiabougou et Sébénikoro et leurs conseillers pédagogiques.
Le représentant du Comité de gestion scolaire (CGS), le secrétaire général de la mairie de la Commune IV et les représentants de l’Association des promoteurs des écoles privées, des jardins d’enfants et des medersas de la Commune IV (APEJM) ont également participé aux différentes réunions. Cinq commissions ont été mises en place à l’issue de ces rencontres pour préparer l’opération. Il s’agit des commissions : communication, sensibilisation et information, finances, gestion des stocks, éthique, suivi et contrôle. La première commission va diffuser l’information, vulgariser l’idée et mobiliser les populations sur l’importance du port de la tenue scolaire.
La deuxième est chargée de lancer la commande, collecter les fonds pour l’achat des tenues scolaires. La troisième commission s’occupe du mode d’acquisition des tenues scolaires dans les points de vente. Quant à la quatrième, elle est chargée de choisir le tissu, le logo, la coupe, la couleur, l’identification des écoles, le modèle de tenues scolaires que devront porter les élèves selon le jour. Et la cinquième commission veille à l’exécution de la décision de mise en place de la tenue scolaire.
L’initiative n’est naturellement pas approuvée par tous. « Nous souhaiterions que le gouvernement s’occupe plus de l’application de la tenue dans les écoles publiques et de respecter l’identité des écoles privées, car les parents d’élèves ont fait le choix d’amener leurs enfants à l’école privée en fonction de leur identité. Donc l’uniformisation de la tenue scolaire serait de leur imposer un choix et de renoncer à la culture de l’uniforme qui existait déjà dans les écoles privées », relèvent certains parents d’élèves.
BAISSE DU COUT. Mais des élèves appuient la décision. L’uniformisation de la tenue scolaire est une initiative salutaire, car elle permet de mettre tous les élèves sur un même pied d’égalité, relèvent N’Deye Traoré et Aboubacar Traoré, respectivement élève de 6ème et de 5ème années à l’école privée « Moribougou » de Doumanzana.
Leur avis est partagé par l’enseignant de l’école communautaire de « Fadjiguila » (ECOM-Fadjiguila), Hamady Bâ, qui juge avantageux le port de la tenue scolaire. « L’uniforme scolaire diminue les défenses familiales, met tous les élèves sur un même pied d’égalité, restaure l’harmonie, améliore, renforce la performance de l’enfant en classe et rend facile l’enseignement », argumente-t-il.
L’enseignant souhaite cependant que les autorités compétentes veillent au prix des tenues scolaires afin qu’elles soient accessibles à tout le monde. « Il faut que toutes les tenues scolaires aient une couleur unique et restent dans un cadre social. C’est cela qui permettra aux autorités nationales d’atteindre leurs objectifs », estime Hamady Bâ.
Le comptable du Musée national, Ahmed Yaméogo, perçoit, lui, l’uniforme comme un moyen de faire porter des tenues décentes aux jeunes filles scolarisées et à leur éviter le port d’habits affriolants. Quant au directeur de l’école privée « Safa Simpara » de Doumanzana, Etienne Dakouo, il souligne que la tenue scolaire permet d’identifier l’élève et, à la société, de participer à son éducation. « L’uniforme scolaire, poursuit-il, inculque des comportements exemplaires aux élèves, les prépare à la bonne gestion de leurs futures responsabilités et permet de surveiller et contrôler leur encadrement et éducation. »
Souhaitant lui aussi un prix modique pour l’uniforme, Etienne Dakouo juge que cela facilitera l’éducation des élèves à tous les niveaux. « La tenue scolaire est un élément d’identité et de défense d’un élève, d’un établissement scolaire. Pour l’uniformiser, le ministère de l’Education nationale doit au préalable sensibiliser, informer, susciter l’adhésion et mettre à la disposition des communautés, des élèves et des partenaires scolaires des stratégies pour sa pérennisation. Le ministère doit également faire des efforts financiers, montrer qu’il a des ambitions pour l’école et faire en sorte que la tenue scolaire soit disponible en qualité, en quantité et à un prix abordable sur le marché, soutient de son côté, le directeur du Centre d’animation de Kita, Kinane Ag Gadeda.
Dans le cadre de la mise en œuvre de son contrat de performance (plan de travail, d’activités), a rappelé le directeur national de l’enseignement fondamental, Morifing Cissé, le ministère de l’Education nationale a institué une rencontre mensuelle autour de la mise à essai de l’uniforme scolaire en Commune IV. Le document couvre la période de juin à octobre 2014. Cela conduira à rendre la tenue conforme à la culture du milieu. « Pour aller vers cette mesure, il faut une décision consensuelle et acceptée de tous les acteurs de l’école», confirme Morifing Cissé.
S. Y. WAGUE