Le Tribunal de Première Instance de la Commune IV du District de Bamako s’est réuni en audience le mardi 2 septembre 2014 pour le jugement des sieurs Moussa Keita, clerc d’Huissier, Sidiki Djiré, Secrétaire général du Comité syndical du Centre National d’Appui à la Lutte contre la Maladie (CNAM), Youssouf Bengaly, géomètre, Ichaka Coulibaly et Yaya Diarra.
Ils étaient jugés pour avoir été auteurs et complices de dommages causés volontairement à la propriété immobilière d’autrui, lors de la démolition de 309 logements à Kalabambougou les 18 et 26 juin 2014. L’audience était présidée par le juge Sékou Ahmed Guardjougo.
Le clerc d’Huissier de justice Moussa Kéita n’a pas reconnu les faits qui lui étaient reprochés, arguant que la décision qu’il détenait ordonnait la démolition de ces 309 logements, situés sur les 24 ha attribués au CNAM, aucun des occupants ne pouvant présenter un titre lui permettant d’occuper ces lieux.
Il a ajoutera que bien avant la démolition lui et d’autres s’étaient transportés sur le site pour demander aux occupants d’abandonner les lieux avant le délai. La grosse qu’il a exécutée a été délivrée par l’Union Malienne Raoul Follereau, représentée par le CNAM et était une décision revêtue de la formule exécutoire.
Mais, pour le Président du Tribunal, la démolition ne concernait que les constructions édifiées par Chakaba et Lassine Camara. Quant au Secrétaire Général Sidiki Djiré, auquel sa direction avait confié la gestion de ces terres, il affirmé que sa structure détenait un permis d’occuper délivré par la Mairie de la Commune IV.
Le Procureur a tout d’abord produit une lettre du ministre de la Santé adressée au Directeur général du CNAM, qui lui instruisait la création d’un Comité de gestion de la réserve foncière de Kalabambougou, présidée par lui et dont il devait rendre compte au Département.
Youssouf Bengali, le géomètre, n’a lui non plus pas reconnu les faits, affirmant avoir été induit en erreur et avoir seulement accompagné M. Djiré lors la démolition. Chakaba et Yaya Diarra ont également nié toute complicité.
Pour les témoignages, le Président du tribunal avait demandé la comparution d’un ancien et du nouveau Maire de la Commune IV, à savoir Issa Guindo et Siriman Bathily. Issa Guindo affirmera qu’il n’était pas au courant de la démolition, étant hors du Mali à l’époque.
Il expliquera ensuite qu’entre 1998 et 2004, il était Adjoint au Maire et que 100 ha avaient été attribués à la Commune IV par l’Etat, dont 24 furent déduits et remis au CNAM, avec un tableau de répartition bien précis.
Siriman Bathily, qui dira savoir que le CNAM détenait 24 ha sans connaitre leur situation exacte, témoignera également que le jour où il s’était transporté sur les lieux il avait vu Moussa Keita et le conducteur du Caterpillar en train de détruire les constructions. Il avait recommandé à Keita de surseoir à la démolition, le moment n’étant pas propice pour agir de la sorte. Ce dernier lui dira que le coup était déjà parti, à moins qu’il ne lui rembourse 5 millions.
Le Procureur Général dans son réquisitoire introductif, a tout de suite mis en exergue les problèmes juridiques, car il s’agissait de savoir si le clerc d’Huissier disposait d’une décision de justice lui permettant de procéder à la démolition.
Cela n’étant pas fondé, sa culpabilité était selon lui engagée au même titre que celle de Sidiki Djiré. Le Procureur poursuivra en affirmant que Youssouf Bengaly, agent de l’Etat qui se déclarait géomètre de la Mairie de la Commune IV, avait un cabinet, «Topo Mandé», incapable de faire le bornage.
Concernant Ichaka Coulibaly et Yaya Diarra, il demandera la relaxe et sollicitera de la Cour d’infliger 3 ans de prison au clerc d’Huissier Moussa Keita et à Youssouf Bengaly, en se référant aux dispositions de l’article 313,318 et 24 du CP.
Me Ousmane Bocoum, Avocat de la partie civile, estimera que le CNAM ne disposant pas de titre foncier, les victimes devaient etre indemnisées. Quant à l’autre avocat de la partie civile, Me Waly Diawara, il plaidera que Sidiki Djiré et autres n’avaient aucune vraie décision de démolition. «Ils ont mis des centaines de familles dans la souffrance, ils méritent la sanction la plus sévère».
Me Ladji Diakité, Avocat de la défense, a posé la question de savoir quelle était la partie civile qui avait présenté un titre immobilier et Me Drissa Doumbia, l’autre Avocat, a affirmé que les accusés avaient agi sous le commandement de l’autorité légitime.
Le Tribunal, dans sa décision a infligé 3 ans de prison ferme au clerc d’Huissier Moussa Keita et à Youssouf Bengaly, les principaux auteurs, 18 mois à Sidiki Djiré comme complice et a relaxé les deux autres prévenus. Les intérêts civils des victimes sont réservés et un expert a été désigné pour évaluer les dommages causés. Il est déjà au travail.
Quant à l’Huissier titulaire, Me Aliou Keita, il est sous le coup d’une suspension de la part de l’Ordre des Huissiers du Mali.
Adama Bamba