La mal gouvernance se généralise, la colère gronde, la suspicion s’installe, les blocages financiers se multiplient, etc. Tel est le tableau que 9 partis de l’opposition parlementaire et extraparlementaire ont dressé de la gestion du pouvoir, un an après la prise de fonction d’Ibrahim Boubacar Keïta, président de la République. Tout en réaffirmant leur attachement aux valeurs républicaines et aux principes démocratiques, ces partis ont, à travers une déclaration commune, invité le pouvoir en place a privilégié l’intérêt supérieur de la nation au détriment du profit personnel.
Ce dimanche 7 septembre 2014, la salle Bazoumana Sissoko du Palais de la Culture Amadou Hampaté Ba a refusé du monde à l’occasion du meeting que des partis de l’opposition ont organisé à l’occasion du premier anniversaire de l’investiture du président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. En effet, devant une foule de militants, on pouvait noter la présence de Soumaïla Cissé de l’URD, Djiguiba Keïta dit PPR et Amidou Diabaté du Parena, Ahmadou Abdoulaye Diallo du Pdes, Daba Diawara du Pids, Amadou Koïta du PS-Yelen Kura, Djibril Tangara de la FCD, Hamey Traoré de l’AFP-Bèjèfanga, Mamadou Ousmane Sidibé du Prvm-Fasoko et Seydou Diawara du PLA. A cette rencontre qui se voulait être une occasion d’évaluer l’an I de la présidence d’IBK, ont également pris part Ibrahima N’Diaye de l’Adema, Fatoumata Siré Diakité de l’Amppf, ainsi que plusieurs élus et cadres des partis initiateurs du meeting.
A l’entame, ce monde a eu droit à un film documentaire sur ce que les initiateurs appellent les errements du régime d’IBK. Dans ce document, ils font allusion notamment à l’achat de l’avion présidentiel, l’affaire Tomy, l’immixtion de la famille présidentielle dans la gestion des affaires publiques, aux évènements de Kidal du 17 mai et ainsi qu’à de nombreux dysfonctionnements et insuffisances constatés au sommet de l’Etat.
Si les femmes savaient
Au nom des femmes de l’opposition, Dandara Touré du Pdes a, après avoir souligné le rôle qui est le leur dans le renforcement de la démocratie, a exprimé tout leur regret d’avoir contribuer à l’avènement de ce régime. Et pour cause. «Si nous savions que le panier de la ménagère allait subitement maigrir suite à l’augmentation générale et incontrôlée des prix des produits de première nécessité. Oui, si nous savions que la gratuité des soins subséquents à la césarienne et au paludisme allait être abandonnée dans ce pays. Oui, si nous savions que les violences faites aux femmes et à nos enfants, en lien avec la crise du Nord seraient en passe d’être impunies, les femmes du Nord n’auraient pas contribué à l’avènement de ce régime», a dénoncé l’ancien ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Elle a ainsi exhorté ses sœurs, de quel que bord où elles se trouvent, à se mobiliser contre cet état de fait qui n’est, ni plus ni moins, que l’expression du non respect des engagements pris lors de la campagne électorale.
L’espoir déçu de la jeunesse
A la suite de Mme Touré, le président de la jeunesse Parena, Seydou Cissé, a, au nom des jeunes de l’opposition, laissé entendre que l’immense espoir suscité chez la jeunesse malienne après l’élection d’IBK s’expliquait la conviction de cette dernière que le chef de l’Etat disposait de tous les atouts nécessaires pour relever les nombreux défis qui se posent à notre pays. Helas ! En un an de règne, IBK a réussi à galvauder cet espoir. «Le mensonge et l’immixtion de la famille dans les affaires du pays sont devenus de nouveaux modes opératoires des autorités actuelles du Mali. Durant un an, elles ne se sont pas occupées des attentes et aspirations profondes du peuple», a-t-il estimé. Et M. Cissé de dénoncer, pèle mêle, la fuite des sujets du DEF et du Bac, l’avancée des mouvements rebelles sur le terrain, la suspension des aides budgétaires. Au regard de ce qu’il appelle des dérives, Seydou Cissé a espéré, à l’entame de l’an II d’IBK, la signature d’un accord qui puisse refléter les préoccupations de toutes les couches de la société malienne, la rationalisation des voyages extérieurs des dirigeants, l’augmentation des salaires des travailleurs ainsi que la fin du pilotage à vue dans la gestion des affaires publiques.
Soumaïla Cissé : IBK n’en peut plus
Considéré jusque-là comme le chef de file naturel de l’opposition, le patron de l’URD était très attendu à ce meeting. En effet, depuis l’investiture d’IBK, Soumaïla Cissé a rarement dénoncé, dans un cadre de ce genre, la gestion de celui qui fut son challenger lors de la présidentielle de 2013. Ainsi, après avoir eu une pensée émue pour les soldats maliens et étrangers qui ont payé de leur vie pour que le Mali recouvre son intégrité, l’honorable Cissé a exprimé son regret face aux événements de Kidal des 17 et 21 mai, où plus d’une centaine de nos compatriotes ont trouvé la mort. Ce, par la faute «d’un homme qui refuse d’assumer sa responsabilité». Et M. Cissé de souligner qu’Ibrahim Boubacar Keïta disposait pourtant de beaucoup de cartes pour réussir la gestion du pouvoir.
Malheureusement, un an après son investiture, le constat est là : le Mali n’arrive toujours pas à débloquer les milliers de milliards à lui promis lors de la conférence des donateurs, en mai 2013, à Bruxelles. Pour dissimuler son incapacité, le régime, dit-il, prétexte avoir hérité d’un Etat dans l’abîme. «Où est donc l’honneur du Mali et le bonheur des Maliens quand la famille présidentielle est privilégiée au détriment de l’intérêt public», interroge l’honorable Cissé. Au sujet de la suspension des aides budgétaires des institutions de Bretton Woods, il a fait remarquer que jamais, dans l’histoire du monde, le FMI n’a soupçonné un gouvernement d’avoir détourné ses fonds. Soumaïla Cissé a également souligné que depuis son investiture, le chef de l’Etat ne s’est rendu que de façon occasionnelle dans quelques localités du pays (Kayes, Ségou, Mopti et Gao). Et d’ironiser que s’il y a un village au Mali qu’IBK a suffisamment visité,,c’est bien Sénou, pour avoir effectué environ 42 voyages à l’extérieur. Toujours est-il que l’honorable dit avoir l’impression que le «Vieux» [Ndlr : IBK] n’en peut plus.
Avant lui, d’autres responsables politiques, tels que Djiguiba Keïta, Daba Diawara, Ahmadou Abdoulaye Diallo, Seydou Diawara, Amadou Koïta, Hamey Traoré, Djibril Tangara avaient porté des gangs de fer contre le régime. Il convient de préciser que si le PSP est signataire de la déclaration, sa présence n’avait toutefois pas été signalée lors du meeting.
Par ailleurs, selon nos sources, les Fare de Modibo Sidibé expliquent leur absence à ce meeting par le contexte difficile du pays. Mais, cette absence n’est guère surprenante dans la mesure où le président de ce parti a réaffirmé à plusieurs occasions que chaque parti de l’opposition avait sa propre ligne de conduite vis-à-vis du régime. Aussi, nous revient-il de sources proches des Fare que Modibo Sidibé mène une lutte de leadership contre Soumaïla dans la perspective de l’après IBK.
Bakary SOGODOGO