C’était une erreur de croire sitôt, qu’on avait définitivement tourné le dos à des pratiques obscures, mafieuses dans le processus de passation des marchés publics au Mali. Chasser le naturel, il revient au galop, dit l’adage. Après les sulfureux dossiers de l’acquisition du second avion présidentiel qui a coûté 20 milliards de Fcfa et le marché gré à gré de fourniture des matériels roulants aux Forces armées maliennes (FAMa), qui ont valu à notre pays une mise en quarantaine par les Institutions de Brettons Wood (le Fonds monétaire international et la Banque mondiale) précipitant notre économie dans une récession inutile, nous voilà devant une autre ténébreuse affaire de ‘’gré à gré’’ de 9 milliards à la Mairie du District.
Le fait nouveau que nous évoquons ici est nouveau comme un bébé dans le berceau. Les Conseillers du District ont été obligés d’avaliser une convention relative à la gestion des services de propreté de la ville de Bamako. Le projet était certes en gestation, depuis le mois de juin passé entre les services techniques du Ministère de l’environnement et de l’eau et la Mairie du District, mais jamais avec l’association du conseil, organe délibérant. Mais curieusement, sans y être associé ni de près ou de loin à son montage technique, on vient de l’obliger à approuver la convention, sans que le projet ne soit mûr. Toute chose qui cacherait mal des dessins inavoués pas trop catholiques de certains. Le projet surgit ainsi comme un cheveu dans la soupe, rapportent nos sources, qui ajoutent que les membres du conseil de district ont été soumis à d’intense pression politique et financière pour obtenir d’eux, leur signature pour sa mise en oeuvre en violation de tous les textes régissant la gestion des ordures dans le District de Bamako et les autres capitales régionales.
A coup de chantage politique et financier, le puissant lobby, chargé de la démarche, a fini par obtenir la réédition des conseillers. Ils ont été informés que c’est un projet que tient particulièrement à coeur le président IBK. Celui qui s’y oppose serait contre lui et sa politique d’assainissement de la ville de Bamako. Avec un tel discours, les élus avaient une marge de manœuvre réduite, sinon que de dissoudre le Conseil. Car, l’enjeu consistait d’anticiper sur la révolte de la population comme ce fut récemment le cas en Commune II. Lors de son interview à la télévision nationale, IBK lui-même, a évoqué le sujet. Il a dit à cet effet que le Conseil des ministres a adopté une convention avec deux entreprises : une marocaine et l’autre française qui vont s’occuper de la propreté de la Capitale. Car, les Maires ont montré toute leurs limites sur la question. Bamako devant abriter le prochain sommet Afrique-France. En prélude à ce grand événement, notre capitale doit faire peau neuve. Comme nos dirigeants qui doivent rester dans les limites de la loi. Conformément à ce que lui-même dit : force doit rester à la loi.
Mais, sa prise de position, qui a eu lieu au lendemain de la révolte de la population de la Commune II, suscite beaucoup d’interrogations sur le dessein des manipulateurs qui étaient à la manoeuvre dans l’ombre ce jour là. Si l’on sait le zèle de certains militants de la 25ème heure du RPM, comme Youssouf Coulibaly, l’édile de la commune II, qui durant dix ans de carrière politique, a changé trois fois de parti. Maintenant qu’il a senti le vent tourner dans un autre sens, qu’il a rejoint le RPM pour rempiler ou se mettre à l’abri d’éventuels soucis judiciaires. Car, sa gestion à la Mairie pendant les 5 dernières années n’a pas été que rose. Il y a beaucoup à dire. Pour donc convaincre ses nouveaux camarades de son engagement indéfectible, il lui faut poser des actes concrets défendant les intérêts des tisserands et du président de la République.
Ainsi, le 26 juin 2014, le ministre de l’Environnement, de l’eau et de l’Assainissement a signé une feuille de route avec une entreprise marocaine : le groupe ‘’Ozone environnement & service’’, dans laquelle il est indiqué que celle-ci doit présenter une offre de service globale en matière de gestion des déchets solides dans le District de Bamako à l’effet de le hisser à un niveau standard. Un objectif noble pour qui connaît l’incurie dans laquelle gît notre capitale, jadis appelée Bamako, la coquette. C’est durant l’ère démocratique que cette verdoyante image de notre capitale a disparu, laissant la place à des collines d’ordures et des rues désertes entraînant une chaleur torride qui devient le quotidien de ses 2 millions d’habitants.
La signature de cette feuille de route fait suite à une mission d’étude que le ministre a conduite dans le Royaume chérifien pour s’enquérir de l’expérience marocaine en matière de gestion d’ordures ménagères. C’était en marge du Forum sur la gestion intégrée et durable des déchets, que le Maroc a abrité. Le ministre Idrissa Maïga, était accompagné à cet effet, par le Maire intérimaire du District, les techniciens de son département et de la Mairie, dont le directeur de la Voirie. La délégation avait alors visité les installations du groupe à Rabat, Salé et Fès. Ce qu’elle a vu était certes enrichissant mais, un temps maximum de réflexion était nécessaire pour murir un projet équitable et bancable. La signature d’une feuille de route avant l’élaboration d’un cahier de charges. C’est ce qu’on appelle mettre la charrue avant les bœufs.
La société marocaine ‘’Ozone environnement et service’’ privilégiée !
En effet, le principe du marché public recommande une procédure à suivre, qui commence par l’étude diagnostic soumise à concurrence par appel d’offres public. L’adjudicataire devra proposer des esquisses de solutions consignées dans un cahier de charges, soumis lui aussi à concurrence suite à un appel à proposition national et international ouvert et transparent à d’autres prestataires en plus de ‘’Ozone environnement & service’’. Sinon, ce serait un autre marché de gré à gré portant sur 9 milliards de Fcfa qui fera couler beaucoup d’encre et de salive dans les jours à venir. Le mode d’attribution auquel, il nous a été donné de constater est fortement suspect et entache la crédibilité du partenariat qui s’installe entre cette entreprise privée et la Collectivité de Bamako qui est gérée par des textes non adaptés à la situation. Donc, opposables à l’esprit de la Convention qui lui a été imposée par la volonté du seul Chef de l’Etat.
L’urgence de la propreté de la capitale n’exclut pas le montage d’un dossier plus consistant et transparent prenant en compte les intérêts de toutes les parties. Mais à la surprise générale, le lobby politico-financier, tapis dans l’ombre, a accéléré le projet et obligé le conseil à donner son aval à la faveur d’un conseil extraordinaire, auquel 15 conseillers sur 27 ont répondu présent. La veille, (le jeudi passé), ils étaient réunis pour en discuter. Après toute une matinée de discussions houleuses, ils ne s’étaient pas entendus sur la conduite à tenir. La majorité des conseillers s’étaient offusqués de la démarche surtout le forcing, auquel le lobby se livrait et la motivation à aller plus vite que normal faisant fi des principes orthodoxes de gestions des affaires publiques. Il est à préciser que le projet n’est pas suffisamment passé à la loupe en vue d’anticiper sur d’éventuels désagréments.
Ils s’étaient donné rendez-vous pour le lendemain vendredi 05 septembre pour définitivement trancher. Selon de sources dignes de foi, il était question de renvoyer simplement le projet à une autre session, histoire de se donner le temps d’examen. Mais, c’était sans compter avec l’intelligence du lobby qui était à la manoeuvre. Il a profité la nuit pour démarcher individuellement les conseillers, les plus récalcitrants pour les soudoyer.
A la réunion du vendredi, 14 sur 15 conseillers ont finalement adopté le projet. Seul un élu de la commune V est resté sur sa de marbre. Il a non seulement refusé de signer le document, mais a fait savoir son point de vue et ses réserves sur le sujet. Selon lui, il est vrai que la capitale est sale non pas par la faute des seuls élus, mais la solution n’est pas non plus de capituler devant n’importe quelle solution. Car, il s’agit de l’avenir des milliers de travailleurs de la Voirie du District et de Groupement d’intérêt économique (GIE).
Une violation des textes de la voirie du District !
Faut-il le signaler, la gestion des déchets dans le District est prise en charge par un décret, qui attribue aux différents acteurs de la filière un rôle. Ainsi, la mission de pré collecte auprès des ménages est confiée aux GIE sous la responsabilité des Communes. Ceux-ci ramassent les ordures et les transportent vers les dépôts de transit. Pour cela, ils perçoivent une redevance que les ménages paient. Le transport des dépôts de transit vers la décharge finale est assuré par la Mairie du District. C’est à ce niveau, que les choses ne marchent pas. La Voirie qui doit assurer le transport n’est pas suffisamment équipée pour s’acquitter correctement de sa mission. Il n’est pas juste de mettre les GIE dans la même moule que la Voirie et les obliger à fermer boutique pour une faute dont ils ne sont pas responsables.
Si une entreprise devra s’installer, il est plus judicieux de prendre en compte les intérêts des GIE en réfléchissant à la meilleure stratégie d’intervention des différents acteurs sans que l’un ne marche sur les intérêts de l’autre. Il faut donc réfléchir à un mécanisme de fonctionnement du système dans lequel les intérêts de toutes les parties seront préservés. Mais, hélas pressés de se faire pleine les poches, les « mafieux « ne veulent rien entendre. Une autre zone d’ombre reste à élucider. Il s’agit de la situation de la Voirie, qui est un service public. Comment concilier la mission de celle-ci avec la nouvelle donne ?
Affaire à suivre donc.
Mohamed A. Diakité