Les coûts de production très compétitifs de la production d’or dans notre pays ont attiré nombre d’expatriés de Johannesburg et de Pretoria, lesquels ont « dynamité » le secteur avec plus de 350 %. Hélas, cette embellie n’a rien changé dans les désastreuses conditions de vie de nos populations locales vivant sur les sites où brillent l’or du Mali.
Dans nos précédentes livraisons, nous écrivons que l’or du Mali ne brillait pas de la même manière pour toutes les Maliennes et pour tous les Maliens.
Dans un rapport d’enquête publié en septembre 2007, mais toujours d’actualité, la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) va plus loin en disant que l’or au Mali, « n’est pas l’or du Mali », encore moins l’or des Maliens.
Dans ledit rapport, elle affirme que les associations de défense des Droits de l’homme semblent déchanter avec les populations locales qui s’échinent (en vain) dans l’attente des fameuses retombées partout promises contre l’ouverture des économies en développement au capital étranger.
Annoncées en grande pompe comme un coupe-faim à la pauvreté dans notre pays, les mines d’or (au nombre de 9 actuellement), ouvertes tous azimuts sur des sages conseils des Institutions de Bretton Woods (la Banque mondiale, et le Fonds monétaire internationale), constituent de nos jours des vrais cauchemars pour nos compatriotes. Elles ne sont en réalité que de simple mirage pour ces pauvres riverains. Ecrasés sous le poids de la misère, parfois nos gouvernants ne s’embrassent même à s’enquérir de leur avis sur l’ouverture oui ou non d’une mine industrielle sur la terre de leurs ancêtres servant lieu de cultures pour leur pitance, au moment de l’octroi des permis d’exploration et/ou d’exploitation. Ainsi, « le Mali, troisième producteur d’or africain, dans une bonne conjecture du métal jaune, n’en pointe pas moins aux dernières places du développement économique mesuré à l’aune de l’Indice de Développement Humain du Pnud… », selon le rapport. Pourtant le métal jaune a supplanté le coton dans le Produit intérieur brut (PIB) de notre pays depuis quelques années. Il se positionne comme principal produit d’exportation du pays avec 90% de la production nationale.
Le rapport de la FIDH lève donc le voile sur les conditions exagérément avantageuses faites aux multinationales de l’or, la difficulté de l’Etat à recouvrer l’impôt qui les frappe, et la faiblesse de l’Etat à contrôler la production, l’exportation, ainsi que les effets de pollution environnementale de cette industrie. L’aveu renseigné émane de la Direction nationale de la Géologie et des Mines. Donc à l’instar du Niger, grand producteur mondial d’uranium et parallèlement pays de grande misère matérielle, notre pays souffre de sa richesse. Il est donc évident que l’exploitation des matières premières stratégiques à des niveaux très élevés ne rime forcément pas avec le développement économique d’un pays, c’est-à-dire aucun bénéfice pour les populations locales. C’est le cas du Cercle de Kéniéba, comme nous l’avons évoqué dans notre dernière parution.
Fraudes et évasions fiscales
Fraudes et évasions fiscales, corruptions des administrations, sous capacités des administrations en matière de contrôles, concourent à faire durer la tragédie géologique au Mali.
Tout se passe comme si une concurrence et un rush s’étaient engagés entre les exploitants sud-africains et nos autorités pour savoir qui des deux braderaient le plus et le mieux les dotations naturelles de notre pays. La compétition est surtout bénie par les institutions internationales de Bretton Woods. Celles-ci veillent, à coups d’interventionnismes, sur le système d’exploitation à travers des programmes économiques et cadres juridiques biaisés au format des multinationales. C’est une forme de système de prédation qui sème horreur et terreur économique partout sur son passage.
Selon la FIDH, toutes ces sociétés minières ont un siège dans un paradis juridique : le Canada. Pour la circulation des flux financiers, ces compagnies ont des sièges dans les paradis fiscaux. Le contrat minier imposé au Mali est calqué sur le code minier canadien. En outre, le système plonge ses racines dans les méandres de la corruption. « Quand il y a 890 grammes d’or qui disparaissent sur 900, on voit bien la marge que les grosses compagnies minières ont pour corrompre autour d’elles… » Précise le rapport. Il faut également rappeler que le système est bâti sur le principe de la dérégulation générale où l’État ne peut jouer aucun rôle de contrôle, ni en amont, ni en aval. Tout le contrôle se retrouve dans les mains des multinationales. Tandis que ce modèle ultralibéral est aujourd’hui dénoncé par les grandes puissances européennes et américaines. Il n’y a pas encore longtemps, le gouvernement américain a exigé aux banques suisses de lui fournir la liste des contribuables américains qui y ont place leur fortune pour échapper au fisc de leur pays. À ce qu’on sache, le contentieux n’était pas encore vidé à ce jour.
Cela dit, les 690 milliards CFA, versés au Trésor public par les multinationales et après neuf ans d’exploitation des quatre mines industrielles du Mali, ne représentent que 30 % seulement de la valeur des exportations d’or. Il faut signaler qu’au moment de la publication du rapport en 2007, il n’y avait que 4 mines contre actuellement 9 avec l’inauguration de celle de Gounokoto le mois passé.
Selon le rapport d’enquête de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), les 690 milliards CFA constituent d’une part l’équivalent des dépenses du gouvernement dans les domaines de la Santé et de l’Education pour deux ans, ainsi que la valeur de l’or de la seule mine de Sadiola, commercialisé entre 1997 et 2002, soit 614,8 milliards CFA.
Or, à en croire le rapport d’enquête de la FIDH, les coûts de production de l’or au Mali sont parmi les plus bas d’Afrique. Selon le rapport, pour extraire une tonne de minerais les multinationales dépensent 1,27 dollars, environ 635 FCFA. Pour la traiter, elles dépensent 7,28 dollars, environ 3640 Cfa, auxquels s’ajoutent les coûts administratifs : 3,75 dollars, environ 1 875 FCFA par tonne et les taxes et redevances estimées à 23,8 dollars, environ 11 900 FCFA par once d’or. Au total, le coût opérationnel d’une tonne d’or au Mali au moment de la publication du rapport était de 95 dollars, environ 47 500 FCFA l’once.
Avec un cours de l’or, toujours en hausse par rapport aux coûts de production à faible niveau, il est évident que les bénéfices réalisés par les multinationales, sur l’or malien sont incommensurables : 108 dollars sur l’once d’or en 2003 ; 230 dollars sur l’once en 2004 et 245 dollars sur l’once en 2005. Le vendredi dernier, sur le London bullion market, l’once d’or a terminé la journée à 1 644,5 dollars, environ 822 250 FCFA. À l’ouverture du marché à New York, il était échangé contre 1 682,6 dollars, environ 841 300 FCFA. L’immense superbénéfice saute à l’œil, permettez le pléonasme. Mais, franchement pouvait-il en être autrement avec des contribuables peu scrupuleux ?
Selon un audit publié en décembre 2003, les mines de Sadiola et de Yatela devraient, à l’Etat malien, environ 15,6 millions de dollars, environ 7,8 milliards de FCFA au titre des taxes sur les bénéfices impayées et les pénalités afférentes entre 2000 et 2002. Mais les directions de ces mines ont discuté avec des conseils fiscaux et ont conclu que toutes les taxes avaient été payées. Curieusement. Et, pire, que le rapport d’audit était sans fondement. En fin de compte, l’Etat malien n’obtient qu’un tiers des sommes dues par ces compagnies minières : 5,2 millions de dollars, alors qu’elles devaient au trésor public la bagatelle de 15,6 millions de dollars. Ce conflit qui opposa donc notre administration fiscale aux compagnies minières, témoigne des difficultés du gouvernement à défendre ses intérêts, face à la machine corruptrice des multinationales.
Pour que l’or du Mali brille pour tous les Maliennes et Maliens, la FIDH propose donc une renégociation des contrats miniers avec les multinationales, après un nouvel audit de toutes les mines industrielles.
Malheureusement, cet audit tant attendu depuis près d’une décennie tarde à se réaliser.