Plusieurs hauts gradés de l’armée malienne ont été arrêtés ces derniers jours suite à des attaques menées au début de la semaine dernière contre les ex-putschistes par des forces fidèles au régime déchu.
Dans les rangs de la « Grande muette » malienne, ce n’est pas la grande sérénité, non pas parce qu’elle se reprocherait des choses, mais parce que depuis le lendemain du contrecoup d’Etat raté, elle est l’objet d’une «traque silencieuse» avec des arrestations en cascades dont le rythme a subitement accéléré depuis le mercredi dernier. Les causes de cette «purge» au sein des éléments des forces de défense et de sécurité sont entre autres : «tentative de déstabilisation », «complot contre l’Etat», «tentative de coup d’Etat»…La junte militaire du Capitaine Sanogo vit au rythme de tentatives de coups de force. A l’origine de ce vaste mouvement d’arrestations dans les rangs des militaires : un trouble extrême. « Pour les besoins de l’enquête sur cette tentative de déstabilisation, je peux vous dire que le Général Hamidou Sissoko a été interpellé », déclare une source proche de la junte qui avait renversé le Président ATT le 22 mars et pris le pouvoir avant de le rendre aux civils.
Et un membre de la famille du Général, ancien Chef d’Etat-major particulier du Président ATT réfugié à Dakar, de confirmer : « Des militaires sont venus arrêter le Général Sissoko. Depuis, nous n’avons plus de ses nouvelles »,
Selon des sources concordantes, le Colonel Abdoulaye Cissé, Commandant de la région militaire de Sikasso (Sud) et le Commandant Malamine Konaré (fils de l’ancien Président Alpha Oumar Konaré), pilote dans l’Armée de l’Air, ont également été arrêtés. Auparavant, une trentaine de civils et de militaires avaient déjà été arrêtés en milieu de semaine. Ancien fonctionnaire international dans un Centre africain de lutte contre le terrorisme à Alger, le Colonel Cissé a été l’Aide de camp de l’ancien Président Alpha Oumar Konaré (1992-2002). Quant au fils de l’ancien Président, le Commandant Konaré, il était apparu aux côtés des ex-putschistes dès les premières heures du coup d’Etat du 22 mars. Il était un haut cadre de la Sécurité d’Etat et des services de renseignements maliens. Lors des combats du lundi et mardi à Bamako, des parachutistes fidèles au Chef de l’Etat déchu (ATT) ont tenté de reprendre des positions tenues par les ex-putschistes, mais en vain. Les affrontements ont fait au moins 22 morts et des dizaines de blessés, principalement des militaires des deux camps. Par la suite, le ministère de la Défense a annoncé, le vendredi soir, que les militaires du 33è Régiment de commandos parachutistes (les auteurs présumés des attaques) seraient considérés comme « déserteurs » jusqu’au 10 mai s’ils ne se faisaient pas recenser à la Gendarmerie avant cette date.
Dans l’Armée, c’est le sauve-qui-peut général
Tous les militaires arrêtés le sont pour avoir été soupçonnés de participer à un projet de déstabilisation du pays. Selon les informations en notre possession, c’est au bas mot près d’une trentaine (peut-être plus) de corps habillés issus des rangs de l’armée malienne qui croupissent dans les geôles officielles et surtout officieuses de la junte du Capitaine Sanogo. Si le lieu de détention des militaires le plus connu reste le Camp I de la Gendarmerie de Bamako où sont détenus environ une quinzaine de militaires, tous corps confondus, il reste que le gros lot des détenus est éparpillé dans des cachots officieux ; donc non officiels. La garnison de Kati (quartier général de la junte par excellence) serait le premier lieu officiel à recevoir des militaires. Selon des informations de dernière minute, malgré que les porteurs d’uniforme soient incarcérés au Camp I, des militaires soupçonnés de «comploter contre la République» continuent d’être conduits à la garnison militaire de Kati. Le mardi dernier, un «lot» de mercenaires aurait été envoyé au camp de Kati, explique des sources. Selon elles, environ une vingtaine de militaires et de mercenaires, accusés de fomenter un coup ou d’avoir pris une grande part à la crise malienne, sont détenus à la garnison de Kati. En dehors de ce lieu de détention «régulier», d’autres camps de la ville de Bamako seraient devenus des prisons. C’est le cas du Groupement mobile de sécurité (GMS, de la Garde nationale, du Génie militaire et surtout, des Camps I et II.
Les membres de la famille des victimes se disent déçues par ces séries d’arrestations sur fonds de soupçons. Déjà, ils ont saisi le Capitaine Sanogo, mais n’arrivent pas à comprendre comment on arrête des citoyens chez eux 48 heures après que le coup qu’ils ont fomenté se soit
transformé en échec. Selon eux, cette vague d’arrestations souvent problématiques au plan légal est loin de prendre fin. « Chaque jour, des personnes sont interpellées, accusées de fomenter des coups de force. Dans un tel contexte, il est difficile de pouvoir avancer vers une véritable sortie de crise au Mali, en dépit des effets d’annonce destinés à donner bonne conscience à la communauté internationale », souligne l’un d’entre eux. En attendant, ce sont près de 30 personnes (militaires et mercenaires) qui seraient détenus dans ces camps de fortune.