Modibo Sangaré, président de l’Unpr : ‘’ Si nous déplorons la méthode, nous apprécions le fait que Dioncounda Traoré n’ait demandé aucun envoi de troupes ‘’
Le président de l’Union nationale pour la renaissance (Unpr), Modibo Sangaré, nous a accordé une interview, dimanche dernier, à son bureau, sis à Titibougou. A l’occasion, il a traité des sujets relatifs au gouvernement de transition, l’épineux problème du Nord de notre pays et la lettre de Dioncounda Traoré à la Cedeao. Sur ce point, il a précisé que, selon ses informations, Dioncounda Traoré n’a pas demandé d’envoi de troupes, car, cela ne figure nulle part dans sa lettre.
Le Journal : Il y a eu le gouvernement d’Union nationale composé de 24 membres, puis, après des critiques, celui de 32 membres. Que pensez-vous de l’élargissement ?
Modibo Sangaré : Pour ce qui concerne le premier gouvernement, je l’avais trouvé contraire aux dispositions de l’Accord cadre. Il est dit dans l’Accord cadre qu’un gouvernement d’union nationale devait être mis en place. Une période transitoire est une période hautement politique. Les défis sont politiques. Seul un gouvernement composé par l’ensemble des forces politiques peut relever les défis d’une période de transition. Par rapport au second gouvernement, il y a eu toujours des difficultés parce que je crois qu’on a réservé la portion congrue aux partis politiques. Pratiquement, ça a été un remaniement plutôt qu’un nouveau gouvernement. Ceci dit, nous avons au sein de ce gouvernement des hommes valables qui peuvent faire face aux défis du moment. Je pense qu’il est temps de taire les divisions pour que le pays puisse sortir de l’impasse.
La lettre du président par intérim, Dioncounda Traoré, envoyée à la Cedeao, a suscité beaucoup de débats. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que c’est une faute. Il aurait dû attendre la tenue de la convention pour qu’on définisse de manière claire la feuille de route du nouveau gouvernement. La lettre a été envoyée en catimini, à l’insu de la classe politique et de la presse nationale. Si nous déplorons la méthode, nous apprécions le fait qu’il n’ait demandé aucun envoi de troupes, mais que nous apprenions une information d’une telle importance qui nous concerne, à partir de l’extérieur, est une faute. Dioncounda Traoré a agi en fonction des desiderata de sa seule famille politique. C’est contraire à l’esprit de dialogue et d’ouverture que nous prônons aujourd’hui. La convention devrait pouvoir régler ce problème : oui ou non une intervention de la Cedeao ? Une convention aurait pu clarifier les positions pour que le Mali puisse vraiment sortir de cet imbroglio. Ensuite, on essaye de justifier l’intervention de la Cedeao par le fait que le Mali est membre fondateur de la Cedeao. Le Mali est intervenu dans les différents conflits à travers le monde. Je regrette de constater que le Chef du gouvernement confond – en le disant – force d’intervention et force de maintien de la paix. Le Mali a participé à des missions de maintien de la paix. Le Mali n’a participé à aucune mission d’intervention à travers le monde. On demande au Mali d’accepter des forces d’intervention. Je pense que ce serait une très grosse erreur d’envoyer des troupes étrangères, même si elles sont africaines, pour venir se battre à la place de notre armée nationale. On dit que l’armée nationale occupera la position centrale, mais je pense que notre armée n’a pas besoin de forces extérieures pour faire face au problème du Nord. Aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de solution militaire momentanément, d’autant plus que les mouvements islamistes présents au Nord sont disposés au dialogue. Face à leur volonté d’appliquer coûte que coûte la charia, le gouvernement peut leur opposer, premièrement : la transformation de leur mouvement en partis politiques islamiques, prévoir à cet effet, une modification de la loi électorale l’autorisant, deuxièmement : encourager et soutenir le dialogue engagé par le Haut conseil islamique qui dispose en son sein d’oulémas de haute valeur intellectuelle qui connaissent la loi islamique pour les amener à accepter une méthodologie conforme aux réalités nationales.
En tant que parti d’obédience islamique, quels sont vos rapports avec le Haut conseil islamique ?
Au jour d’aujourd’hui, il n’y a aucun nuage entre notre parti et le Haut conseil islamique. Singulièrement, entre son président El Hadj Mahmoud Dicko et moi-même.
Avez-vous des remarques par rapport à la création du ministère des affaires religieuses et du culte ?
Nous devons essayer de nous libérer des influences étrangères. Aujourd’hui, le problème qui se pose au Mali est un problème identitaire : le problème du Nord. C’est ce qui secoue tout le pays. Les difficultés politiques que nous avons sont consécutives à la crise du Nord. Je pense que le problème du Nord peut être résolu dans le cadre de la décentralisation. La laïcité ne doit pas nous empêcher de travailler par rapport à la question de l’islam. J’ai lu la constitution des Etats unis. Le mot laïc ne figure pas une seule fois dans la constitution des Etats unis. Mieux, le premier amendement de la constitution américaine indique que le congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de presse. Nous ne devons pas nous cacher derrière le concept de laïcité pour refuser un aspect important de notre culture. A l’époque coloniale, bien que la France laïque soit venue coloniser notre pays, elle a accepté deux systèmes juridiques. Il y avait le droit positif et le droit musulman qui était pratiqué à Tombouctou. Jusqu’à l’indépendance, à Tombouctou, il y avait le Cadi. Le Cadi siégeait et jugeait les citoyens. Ceux qui voulaient que leurs différents soient jugés par le droit français avaient la latitude de se faire juger par les juges du tribunal d’Etat. Le colon a accepté le droit coutumier, le droit français et le droit islamique.