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CNRDRE / CEDEAO : « Revue de rôle »
Publié le mardi 8 mai 2012   |  Les Echos


CEDEAO:
© Getty Images par DR
CEDEAO: Les leaders politiques et les militaires Maliens se retrouvent chez Compaoré.
14 avril 2012. Ouagadougou,Burkina Faso.Le Président Blaise Compaoré ,médiateur dans la crise Malienne a rencontré les militaires et les politiciens Malien pour réfléchir sur la sortie de crise.


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Les missions de médiation ont ceci de particulier que ce qui est annoncé n’est jamais ce qui est convenu entre les parties. En général, on ne le sait que lorsqu’il y a une crise de confiance, une partie dénonçant la trahison de l’autre. On pensait avoir des confidences de la rencontre avec le président burkinabé à Ouagadougou et le sommet des chefs d’Etat de
Dakar. Jusque-là, pas encore de secret dévoilé, mais des explications sur les raisons qui ont conduit la Cédéao à décider à « une revue de rôle ».

L’expression n’a pas manqué d’attirer l’attention des observateurs. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, à l’issue du sommet extraordinaire tenu jeudi 3 avril à Dakar, a demandé à Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne, de « procéder à la revue du rôle des militaires dans la transition en cours » au Mali.
Pour mieux comprendre, voici un petit récapitulatif de la situation. Dans la nuit du 21 au 22 mars des militaires prennent le pouvoir à Bamako. Le 6 avril, la Cédéao signe avec les putschistes un accord-cadre pour le retour à l’ordre constitutionnel. Le 8 avril, le président déchu démissionne. Quatre jours après, Dioncounda Traoré, précédemment président de l’Assemblée nationale, est investi président intérimaire.
Le 14 avril, un dialogue inter-malien est ouvert à Ouaga sous l’égide du médiateur de la Cédéao. Trois jours plus tard, le 17 avril, Cheick Modibo Diarra est nommé Premier ministre. Le même jour, la junte procède à l’interpellation et à l’arrestation de plusieurs personnalités. Le 20 avril, l’ancien chef de l’Etat s’exile nuitamment vers Dakar. Le 25 avril, Cheick Modibo forme son gouvernement sans les formations politiques. Le lendemain, les chefs d’Etat de la Cédéao réunis à Abidjan fixent « unilatéralement » la durée de la transition à 12 mois.
Le 30 avril, des éléments de l’ancienne garde prétorienne d’ATT tentent de prendre le contrôle de la radio télévision nationale et de l’aéroport et lancent un assaut contre le QG du CNRDRE à Kati. Le 2 mai, une délégation du CNRDRE est reçue à Ouaga pour exprimer sa colère. Le 3 mai, la Cédéao de nouveau se réunit à Dakar. Le 4 mai, un communiqué conjoint Cédéao/CNRDRE est publié à Ouagadougou appelant à « la détermination des acteurs de la transition et la définition de leurs champs de compétence ».

Déjà, la très mauvaise résolution de la Cédéao, lors de son sommet d’Abidjan tenu le 26 avril 2012, de fixer la durée de la transition sans en référer au CNRDRE, signataire de l’accord conclu avec le médiateur, avait rendu érubescent le capitaine Amadou Haya Sanogo. En d’autres temps, on aurait pu soupçonner les effets « planeurs » de ces herbes qu’on remplace par le tabac noir de cigarettes de Marlboro rouge.

Les amis du Prytanée militaire du capitaine Sanogo à Kati disent que ces rouleaux sont toujours classés à droite dans le paquet pour éviter de servir les personnes qui ne font pas partie du groupe des initiés. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que Djibrill Bassolé, tout ancien officier de gendarmerie qu’il est, médiateur au nom de son pays, ne pouvait pas, même par erreur fumer un joint qui l’aurait rendu aussi joyeux pour aller rapporter à son président à Ouaga que ses interlocuteurs de Kati sont de dociles soldats à qui l’on peut tout faire admettre par fermeté. Leur colère après la résolution d’Abidjan est sans commentaire.
La dizaine de chefs d’Etat de la Cédéao réunis à Abidjan le 26 avril dernier, auraient-ils voulu mettre le feu au Mali qu’ils ne s’en seraient pas pris autrement en décidant, contre toute attente, de fixer de façon unilatérale la durée de la transition et surtout la désignation de la personne qui la conduirait. Le CNRDRE, signataire de l’accord-cadre, n’y a vu qu’une trahison et ce d’autant plus qu’il n’était pas présent sur les bords de la lagune Ebrié, n’a pas attendu une seconde pour faire savoir son opposition à la conclusion la concernant.
Une délégation mixte militaires et civils est envoyée auprès de Blaise « protester avec véhémence », apprendra-t-on dans les jardins du palais de Kosyam à Ouagadougou. Le capitaine Sanogo avait crié fort à Bamako pour dénoncer la décision de la Cédéao prise à Abidjan qui ne lui donne aucun rôle dans la transition, fixée au passage sans concertation avec son Comité alors même que le même CNRDRE avait signé une vingtaine de jours à peine avec des représentants de la même Communauté, un accord qui lui était très largement favorable.

Le calumet de la paix ?

Les deux textes, vraisemblablement, n’ont pas été écrits par les mêmes personnes. A Kati, au QG du CNRDRE, « on se dit que Blaise est un aîné qui ne peut se dédire. C’est peut-être Abidjan qui agirait pour des raisons que nous ignorons totalement », s’exclame un conseiller civil du capitaine Amadou Haya Sanogo.

En tout cas, le cri de colère a fait venir dare-dare à Kati les deux représentants de la médiation ouest-africaine pour un huis clos avec la junte qui aura duré trois longues heures. Il le fallait pour apaiser la fronde anti-Cédéao naissante dans le camp militaire de Kati, mais aussi dans l’opinion nationale malienne dressée comme un seul homme pour dénoncer le déploiement de militaires étrangers sur le territoire national dans le but de « sécuriser les autorités de la transition » alors que le Nord du pays, raison de la crise multidimensionnelle actuelle semble être passée au second rang.

La friction avec des anciens éléments de la garde présidentielle d’ATT et surtout l’arrestation d’hommes que l’on n’a pas hésité à présenter comme des mercenaires de la Cédéao a fini par donner à l’organisation sous-régionale une vilaine image de pyromane qui se prétend pompier. La crédibilité de l’instance dirigée par Alassane Ouattara était en jeu surtout qu’elle doit également gérer la crise bissau-guinéenne, une autre crise en bien des points, similaire à ce qui se passe au Mali.

Dernier élément majeur qui aurait contraint la Cédéao à plus de retenue concernant la gestion de la crise malienne, le scrutin présidentiel français dont les résultats étaient presque connus en donnant Nicolas Sarkozy battu. La perspective d’un nouveau gouvernement à Paris de surcroît socialiste, a refroidi les ardeurs des plus durs vis-à-vis de la junte à Bamako.

Mais la critique la plus dure à l’égard de la Cédéao était crainte de la part de la société civile africaine dont certains échos faisaient comprendre une « opposition farouche quant à ses méthodes et ses stratégies pas toujours initiées localement ». En effet, on apprenait juste après le sommet de Dakar que des chercheurs et acteurs de la société civile africaine ont appelé la Cédéao à revoir sa copie dans la gestion des conflits qui affectent la sous-région. L’organisation est accusée d’être « souvent en retard dans le déclenchement de ses mécanismes » si ce n’est un « manque criard de leadership » pour porter les idéaux de paix et d’intégration.

Voilà, peut-être pourquoi dans le communiqué conjoint Cédéao/CNRDRE rendu public à Ouagadougou le 4 mai dernier, l’organisation présidée par le chef de l’Etat ivoirien était obligée de faire cas de l’avis des militaires de Kati. « Concernant la présidence et la durée de la transition, la délégation du CNRDRE […] a souligné la nécessité de tenir compte dans la détermination de la durée de la transition, du temps nécessaire à la restauration de l’intégrité territoriale et au parachèvement du processus électoral », lit-on dans le document qui signale qu’au terme des entretiens, la délégation du CNRDRE a exprimé sa profonde gratitude et sa haute reconnaissance à S. E. M. Blaise Compaoré, président du Burkina Faso et médiateur de la Cédéao dans la crise malienne, pour sa disponibilité, son hospitalité et pour ses efforts inlassables visant à ramener la paix au Mali et lui a réitéré ses encouragements dans la poursuite de ses efforts.
Oussouf Diagola

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