NOUAKCHOTT - Le président mauritanien Mohamed Ould
Abdel Aziz a qualifié de "crime odieux" la récente fusillade au Mali ayant
fait 16 morts dont au moins neuf Mauritaniens, rapatriés mercredi, mais appelé
à ne pas accabler ce pays voisin visé ces derniers jours par des
manifestations de colère.
M. Ould Abdel Aziz s'exprimait devant la presse après l'arrivée des corps
de neuf Mauritaniens à l'aéroport de Nouakchott, sa première déclaration
publique sur cette tuerie survenue dans des conditions encore troubles le 8
septembre, de nuit, dans la localité de Diabali, dans le centre du Mali.
Les auteurs des coups de feu sont des militaires maliens. Selon les
autorités mauritaniennes, les victimes (16 au total, des Maliens et des
Mauritaniens) sont des prédicateurs pacifiques qui étaient désarmés lorsqu'ils
ont été abattus.
Nouakchott a dénoncé il y a trois jours un "assassinat collectif", des
Mauritaniens ont manifesté leur colère plusieurs fois dans la rue et l'affaire
a créé un réel malaise entre ces pays voisins, partageant plus de 2.200 km de
frontières et tous deux affectés par des activités d'alliés d'Al-Qaïda au
Sahel.
"Ce crime odieux a été commis en raison des circonstances politiques et
sécuritaires difficiles que traverse ce pays frère", cela ne serait pas arrivé
"si ce n'était la détérioration de la situation sécuritaire dans ce pays", a
déclaré le président mauritanien.
Mais "nous ne voulons pas faire assumer au Mali frère ce qu'il ne peut pas
assumer au vu de la situation qu'il traverse. (...) Nous ne voulons pas
compliquer plus la situation de ce voisin", a-t-il insisté, prônant
l'apaisement.
Il est resté toutefois intransigeant sur les investigations, déjà réclamées
par son gouvernement: "Nous exigeons une enquête indépendante, transparente et
juste, à laquelle des Mauritaniens devraient être associés, pour faire la
lumière" sur la fusillade "en vue de prendre les sanctions appropriées contre
les auteurs".
Une "affaire regrettable"
Le gouvernement malien a ordonné une enquête pour laquelle des policiers,
gendarmes et civils se sont rendus sur les lieux des évènements, à environ 400
km au nord-est de Bamako.
Mardi, le ministre malien de la Défense, le colonel-major Yamoussa Camara,
a évoqué la possibilité d'une bavure, en précisant toutefois attendre les
conclusions de l'enquête officielle avant de se prononcer.
Bamako avait dès le 9 septembre exprimé ses regrets à la Mauritanie et a
dépêché auprès des autorités mauritaniennes le chef de diplomatie malienne,
Tièman Coulibaly, qui est arrivé mardi soir à Nouakchott.
M. Coulibaly a été reçu mercredi par Mohamed Ould Abdel Aziz, à qui il a
remis une lettre de condoléances signée par le président malien Dioncounda
Traoré, selon l'Agence mauritanienne d'information (AMI, officielle).
Le courrier "réaffirme aussi à nos frères en Mauritanie que toutes les
mesures ont été prises pour mener une enquête, dans les plus brefs délais, sur
cette affaire regrettable" et "douloureuse", a-t-il déclaré, cité par l'AMI.
Selon l'agence, il a quitté Nouakchott à la mi-journée.
La Mauritanie n'a jamais officiellement indiqué combien de ses
ressortissants figuraient parmi les morts, mais des sources non officielles
ont évoqué entre 10 et 12 Mauritaniens. Le Mali avait annoncé un bilan de 16
tués dans la fusillade: huit Maliens et huit Mauritaniens, mais neuf corps ont
été transportés de Bamako à Nouakchott mercredi par un vol spécial affrété par
les Mauritaniens.
Parmi les morts, figurent des Arabes maliens. Selon des témoins, plusieurs
dizaines de membres de cette communauté ont manifesté contre la tuerie
mercredi à Tombouctou, une des villes du vaste nord du pays contrôlées depuis
plus de cinq mois par plusieurs groupes jihadistes associées à Al-Qaïda.
Des zones d'ombres entouraient encore mercredi la fusillade, qui s'est
déroulée au sud des zones contrôlées par les islamistes et huit jours après la
prise d'une nouvelle ville, Douentza (centre), proche du Nord.
Autant de choses qui aggravent l'ambiance de nervosité et de suspicion
sécuritaire palpable au Mali depuis un coup d'Etat militaire le 22 mars qui a
précipité la partition du pays.