A l’époque de Kankou Moussa, la technique s’est améliorée avec la pratique systématique des puits ronds de 90 centimètres de diamètre, creusés tous les 2 à 3 mètres, sur des lignes espacées de 5 mètres environ, pouvant couvrir plusieurs kilomètres dans les couloirs minéralisés en or. Les puits étant reliés entre eux par des galeries. La méthode d’exploitation était basée sur un traitement gravimétrique n’utilisant que l’eau et la calebasse.
Les deux grandes régions aurifères du Mali (Bambouk et Bouré) étaient systématiquement orpaillées au temps de Mansa Moussa. Les traces de ces travaux sont encore visibles de nos jours.
Dans la mine de Kodiéran, par exemple, on trouve plus de 150 000 puits d’orpaillage qui datent de cette période. De mémoire d’homme, ils sont antérieurs à l’installation de l’actuelle population peuhle du Wassoulou, qui date de plusieurs siècles.
L’orpaillage a permis à Kankou Moussa de produire l’or avec lequel il a organisé son célèbre pèlerinage entre 1324 et 1327.
Les chroniqueurs arabes ont gardé le souvenir des fastes de cette caravane impressionnante. Le souverain malien, accompagné de plusieurs milliers de personnes, emporta une si grande quantité d’or (plusieurs tonnes) que le cours du métal jaune baissa plusieurs années. Cet or a permis d’étendre la renommée du Mali et sa légende d’empire doré.
Homme de paix, pieux et généreux, Kankou Moussa dépensa toutes les réserves d’or qu’il avait apportées pendant son pèlerinage et dû financer son voyage retour par l’émission du premier emprunt en or de l’histoire des faits économiques et financiers. Il fut souscrit par des riches commerçants d’Alexandrie en Egypte. Les représentants de ces créanciers l’accompagnèrent jusqu’à Tombouctou où il les installa loin des zones de production d’or et où il construisit la mosquée Djingareyber. Lui, il continua jusqu’à sa capitale au sud Kangaba où il redynamisa la production d’or dans le Bambouk et le Bouré. Une partie de cette production d’or lui permit de rembourser ses créanciers.
Cette stratégie d’éloignement des étrangers des sites de production d’or contribua à garder la main sur l’exploitation de l’or, préservant ainsi notre potentiel aurifère des prédateurs étrangers.
De cette période à maintenant, en passant par les placers de Samory Touré et de la période coloniale, l’orpaillage n’a pas enregistré une évolution importante dans les techniques utilisées par les communautés villageoises. Les zones d’orpaillage continuent à nos jours d’être le cœur de la régulation économique et sociale des villages environnants.
Le site d’orpaillage de Traorela par exemple, dans la concession de Kodieran, continue d’être le marché de tous les petits villages aux alentours. Cet orpaillage qui a fait la gloire de l’Empire du Mali et qui continue de faire vivre des millions de maliens tout en contribuant de manière significative à l’augmentation des revenus en milieu rural, fera très bientôt l’objet d’un forum national préparé par le département des mines.
Ce forum doit permettre à cette activité de sortir de l’informel pour s’inscrire dans le formel, tout en apportant des solutions à des questions auxquelles sont confrontés les orpailleurs, les sociétés minières et les communautés villageoises. De mon point de vue, les défis à relever lors de ce forum seront de plusieurs ordres :
Réussir la délimitation et la définition des couloirs d’orpaillage dans des zones avec un réel potentiel de production d’or ;
Régler le problème de la coexistence entre les orpailleurs et les sociétés minières, quitte à demander à ces dernières de céder quelques couloirs alluvionnaires aux orpailleurs sur une période définie et des profondeurs maximales à convenir ;
Régler de manière pacifique et à la satisfaction des acteurs concernés, la problématique de la mobilité entre orpailleurs et agriculteurs en période d’hivernage;
Régler le problème de la coexistence de l’orpaillage et de l’élevage ;
Régler le problème de la scolarisation des enfants d’orpailleurs pour éviter le travail des enfants sur les placers d’orpaillage ;
Aider à l’évolution des techniques d’orpaillage pour permettre aux orpailleurs d’augmenter la récupération et leur production d’or, dans le respect de l’environnement;
Permettre aux coopératives d’orpailleurs d’accéder au financement bancaire via la mise en place d’un fonds de garantie dédié ;
Réussir à quantifier l’apport réel de l’orpaillage à l’accroissement du PNB (produit national brut).
Sans avoir la prétention d’être exhaustif, ce sont là autant de questions, auxquelles nous espérons que le forum national sur l’orpaillage apportera des réponses concrètes, permettant enfin à ce secteur de contribuer de manière durable et quantifiable à la croissance économique de notre pays.
Aliou Boubacar DIALLO
Opérateur minier