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Alger II : Si la pause porte conseil …
Publié le jeudi 25 septembre 2014  |  L’Essor
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© Autre presse par DR
Au centre, le ministre des Affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop lors de la première journée de négociation à Alger




Les négociations ont, sur certains points, mis en relief d’importantes divergences. Et donné du grain à moudre à la Médiation d’ici la reprise. Le président de l’un des ateliers thématiques avait fait, en forme de boutade, un constat assez largement partagé par les différentes délégations à cette deuxième phase du processus d’Alger. Pour lui, le calendrier avait bien fait les choses, puisque la fête de l’Aïd el Kébir arrivait à point nommé pour imposer une utile suspension dans les discussions. Utile, parce que l’interruption des travaux pourrait être mise à profit par les parties (gouvernement et groupes armés) pour analyser à froid les éventuels points de rapprochement entre leurs positions et par la Médiation pour trier dans la matière accumulée de possibles pistes de convergence. Les échanges qui se sont déroulés à un rythme intense à partir du milieu de la semaine dernière commençaient en effet à tourner à la répétition des argumentaires entre le gouvernement du Mali et la Coordination composée du MNLA, du HCUA, du MAA, de la fraction de la CPA restée favorable au fondateur du mouvement Mohamed Assaleh et de la CMFPR 2.

Il faudrait certainement rappeler, ainsi que nous nous l’avions indiqué dans notre précédente correspondance particulière, que la Coordination s’était retirée des travaux dès l’ouverture de ceux-ci le 15 septembre dernier lorsqu’elle avait constaté qu’elle n’était pas suivie par le MAA tendance modérée dans son intention de réclamer l’instauration d’un régime fédéral au Mali et lorsque sa demande d’exclusion de la CMFPR de la négociation avait été rejetée par la Médiation. Cette attitude extrême avait été observée pendant 48 heures, le temps pour certaines bonnes volontés d’expliquer aux absents qu’ils avaient tout à perdre en persistant dans une politique de la chaise vide. Convaincre les plus radicaux de retourner à la table de négociations n’avait guère été aisé, comme en avait témoigné un exercice infructueux de persuasion qui s’était prolongé tard dans la nuit du 16 septembre.

PLUS UNE CONFEDERATION. Finalement, ce fut dans la matinée du 18 septembre que commencèrent véritablement les négociations avec la participation de la Coordination. Pour cela, la Médiation avait rétabli le format qui avait eu cours pendant l’élaboration de la Feuille de route. C’est-à-dire des séances de travail séparées avec chacun des deux grands ensembles de mouvements armés (Coordination et Plateforme). Elle avait aussi établi un programme intense (trois réunions d’affilée en deux jours dans le groupe « Questions politiques et institutionnelles ») pour rattraper le retard enregistré dans les échanges de position.

Les premières interventions de Ambéry Ag Rhissa donnèrent une idée de l’importance des divergences qu’il y aurait à surmonter pour arriver à une solution acceptable par toutes les parties. Le porte-parole de la Coordination a en effet d’emblée donné une lecture de l’histoire du Mali moderne uniquement centrée sur les exactions et l’arbitraire dont auraient été victimes depuis plus d’une cinquantaine d’années les populations de l’ensemble dénommé « Azawad ». Les faits évoqués par lui pour étayer cette vision et les conclusions qu’il a tirées de sa démonstration ont été repris par les autres intervenants de la Coalition pour arriver à la conclusion assenée avec force qu’il était impossible de revenir à des solutions qui auraient déjà montré leur inanité dans le traitement des précédentes rebellions et qu’il fallait désormais aller résolument vers une solution novatrice.

Cette solution a été détaillée dans un texte remis le lendemain 19 septembre à la Médiation et dont les grandes lignes furent exposées dans l’après-midi du même jour. Intitulé « Projet de traité de paix entre le gouvernement de la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad », le texte propose l’instauration d’un Etat fédéral dans notre pays, Etat qui serait composé de l’Etat fédéré de l’Azawad et de l’Etat fédéré du Mali. Il ne serait sans doute pas utile d’entrer dans tous les détails fournis par le document qui reprend l’essentiel des propositions du MNLA postées voilà plus de deux mois sur la toile et qui avaient été déjà analysées par l’Essor. Mais les constitutionnalistes ont fait remarquer que le « projet de traité » proposait moins une fédération qu’une confédération et même, par certaines de ses dispositions, un Etat indépendant voisin du Mali.

La Médiation s’est donc aussitôt fait un devoir de rappeler à la Coordination que sa proposition était en contradiction avec la Constitution du Mali, les principes arrêtés par l’Union africaine, l’Union européenne et les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU qui insistent toutes sur la nature unitaire de l’Etat malien et sur le strict respect de ce préalable dans les négociations de paix. Les médiateurs ont, par conséquent, engagé la Coordination à se dégager du pré-établi institutionnel (la fédération) pour décliner ses revendications en termes d’amélioration de la gouvernance et d’efforts à déployer en matière de développement.

LE PRINCIPAL DEFI. Mais jusqu’à la suspension des travaux intervenue mardi dernier l’exhortation de la Médiation n’a guère porté fruit. La délégation malienne s’est pourtant entretemps évertuée à expliquer que l’offre dont le gouvernement est porteur représentait un saut qualitatif par rapport à tout ce qui a été mis en œuvre jusqu’ici pour résoudre le problème des rébellions récurrentes et pour assurer un mieux-vivre aux populations maliennes en général, et à celles du Nord en particulier. La libre administration, appliquée à travers la régionalisation, assure en effet aux collectivités la gestion par elles-mêmes de secteurs essentiels du développement local. D’autres propositions gouvernementales concernent la prise en compte de spécificités locales pouvant contribuer à la stabilité sociale comme la réhabilitation et la valorisation de certaines autorités traditionnelles.

La Coordination a, pour le moment, opposé une indifférence granitique à l’offre de l’Etat malien et répété une position défendue dès l’entame d’Alger II : la satisfaction du préalable institutionnel avant d’entrer dans l’examen des autres mesures proposées. Cette satisfaction consisterait en l’acceptation de la formule fédérale et en la reconnaissance de l’entité Azawad. La délégation gouvernementale a déjà fait connaître ses positions sur ces points. L’hypothèse fédération ne peut être examinée puisque antinomique avec le caractère unitaire de l’Etat malien et il ne saurait être question de reconnaître une entité Azawad qui réunirait toutes les Régions du Nord ainsi qu’une partie de la Région de Mopti.

En ce qui concerne les négociations avec la Plateforme (constituée du MAA tendance modérée, d’une partie de la CPA et de la CMFPR originelle), les discussions ont avancé plus vite, mais des points importants restent encore à résoudre comme notamment la prise en charge de la sécurité locale et la répartition de l’autorité entre les représentants de l’Etat et les élus locaux et régionaux. Les divergences d’approche ne sont pas négligeables, mais la volonté d’écoute mutuelle a déjà permis d’aplanir certaines d’elles.

Aujourd’hui, la grande préoccupation concerne la gestion des résultats d’Alger II. Le gouvernement aura à affiner son offre en prenant en compte les interrogations pertinentes qui lui ont été communiquées. Les délégués des mouvements armés seront certainement dans la restitution à leurs mandataires, exercice assez complexe et qui leur a fait demander un décalage de la date de reprise des travaux qui aura lieu pour les ministres le 15 octobre.
Mais le principal défi revient à la Médiation.

Celle-ci s’est indéniablement instruite à travers l’écoute des échanges entre les parties et elle a accumulé une intéressante documentation grâce aux dossiers qui lui ont été communiqués. Pour proposer des solutions de compromis qui aient des chances d’être acceptées, il lui reste le plus difficile : évaluer correctement la disposition à évoluer dont feraient preuve les différents protagonistes. Tout au long des quatre semaines passées, les médiateurs ont inlassablement plaidé pour que la bataille des concepts et des idéologies (la formule est du représentant de l’Union européenne) n’ait pas lieu. Ils ont insisté pour que les participants s’attachent à examiner le contenu plutôt que le contenant des différentes propositions. Un langage de raison que cautionne notre pays. Mais qui n’a malheureusement pas recueilli une adhésion unanime.
(Correspondance particulière)
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