Les bons comptes font les bons amis. C’était l’objet de la mission du FMI à Bamako, du 12 au 25 septembre, à la suite du gel de l’aide, en mai, pour mauvaise gestion des finances publiques. Les bailleurs de fonds ont confirmé à Paris, le 30 septembre, la reprise des versements des 3,3 milliards d’euros promis au pays.
Le 30 septembre, s’est déroulée à Paris la quatrième réunion de suivi de la conférence “Ensemble pour le renouveau du Mali”. Un rendez-vous en présence du Premier ministre malien, Moussa Mara, et du directeur général adjoint du développement et de la coopération de l’Union européenne, Marcus Cornaro, qui officialise la fin du gel de l’aide internationale au Mali, décidé en mai dernier à l’initiative du Fonds monétaire international (FMI).
Réunis à Bruxelles le 15 mai 2013, les principaux bailleurs de fonds (Banque mondiale, FMI, UE, etc.) s’étaient en effet engagés à débloquer 3,3 milliards d’euros pour la reconstruction du Mali. Près de dix-huit mois plus tard, à Paris, Annick Girardin, la secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie, a précisé que “sur les 3,3 milliards d’euros annoncés, les trois quarts ont été engagés et la moitié a été effectivement versée”. Non sans mal.
Les résultats de la mission d’évaluation du FMI, qui a séjourné à Bamako du 12 au 25 septembre, ont bien sûr été au cœur de cette quatrième réunion destinée à faire “le point sur les engagements des autorités maliennes et de leurs partenaires en matière d’aide au développement”.
Acquisitions hors budget
Cette mission du FMI fait suite à la décision en mai dernier des principaux bailleurs de fonds de geler l’aide promise à Bruxelles, dénonçant la mauvaise gestion des finances publiques par les autorités du Mali. Ils avaient justifié cette décision, lourde de conséquences dans un pays en crise, par la découverte de marchés décidés hors budget, et passés de gré à gré, pour l’équipement de l’armée ainsi que pour l’acquisition d’un nouvel avion présidentiel.
Dès leur arrivée, les experts du FMI se sont également penchés sur l’acquisition, toujours hors budget, de 6 hélicoptères de combat auprès de la société chinoise Qatic pour un montant de 200 millions de dollars.
Pour y voir clair, l’équipe du FMI, pilotée par le chef de mission Christian Josz, a commandé des audits au bureau du vérificateur général et à la Cour suprême. Leur résultats a mis en pleine lumière les défaillances de gestion du gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keita et de son administration. Déjà, le FMI a pu constater que des contrats militaires ont été passés pour un montant total de 134 milliards de francs CFA (204 millions d’euros), alors que seulement 34 milliards de francs CFA (51,8 millions d’euros) avaient été initialement programmés dans le budget malien.
Concernant précisément le contrat de fournitures d’équipements militaires (chaussettes, etc.) de 69 milliards de francs CFA, une surfacturation de 29 milliards de francs CFA a été mise à jour dans ce marché de gré à gré passé en 2013 entre le gouvernement et la société privée malienne Guo-Star, pour la livraison de fournitures militaires.
Surfacturations
Au printemps, le FMI s’était aussi étonné de l’octroi d’une garantie de 100 milliards de francs CFA (165 millions d’euros) de l’État à cette même société pour financer cette opération d’importation auprès d’une banque. “D’après le vérificateur général, cette garantie pourrait avoir été utilisée frauduleusement à hauteur de 10 milliards de francs CFA”, a expliqué le chef de la mission du FMI.
Pour l’achat de l’avion présidentiel, deux audits ont été menés pour estimer le coût de l’appareil, évalué à lui seul à 20 milliards de francs CFA (environ 30 millions d’euros). “Selon les intermédiaires spécialisés cités par le bureau du vérificateur général, le prix d’un avion de cette nature varie de 30 à 40 millions de dollars. Le prix que l’État malien a payé est proche du montant supérieur de cette fourchette. En tout cas, on ne sait toujours pas le prix réel sur le marché”, a regretté Christian Josz.
Intransigeant, le FMI a exigé du gouvernement malien l’annulation de certains de ces marchés et lui a ordonné de ne pas régler les montants surfacturés. “Cet exercice qui a consisté à annuler tous les contrats qui n’étaient pas encore lancés, à limiter les contrats existants à ce qui était livré et à annuler tout le reste, ainsi qu’à revoir à la baisse les prix des contrats qui sont surfacturés, cela a permis de ramener ce montant de 134 milliards de francs CFA à 57 milliards”, a précisé Christian Josz lors d’un point presse.
Fin de l’embargo
Le gouvernement malien s’est engagé à adopter une loi de finances modificative pour annuler certaines de ces dépenses et intégrer les 57 milliards de francs CFA au budget de l’État. Un travail d’audit qui a par ailleurs coûté son poste au directeur des finances du ministère de la Défense, limogé le 17 septembre.
Au final, la mission du FMI a mis fin à l’embargo sur les versements de l’aide. Une décision confirmée à Paris. Toutefois, les deux parties se sont donné rendez-vous à Bamako le 5 février 2015 pour faire un nouveau point et constater que la totalité des 3,3 milliards d’euros auront bien été débloqués.
Jean-Michel Meyer