Les participants ont débattu des performances des économies africaines et des défis auxquels elles sont confrontées.
Le 14è Forum économique international sur l’Afrique auquel a participé hier à Paris le Premier ministre Moussa Mara a rempli toutes ses promesses. Il a été en effet, comme l’espérait le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui l’organise en partenariat avec l’Union africaine, un espace de rencontre et de dialogue ouvert chaque année aux gouvernements et institutions africains et à leurs partenaires.
Outre le chef du gouvernement, y ont participé Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine, Angel Gurría, secrétaire général de l’OCDE, Sufian Ahmed, ministre des Finances et du Développement économique de l’Éthiopie, Kordje Bedoumra, ministre des Finances et du Budget du Tchad, Mo Ibrahim, fondateur et président de la Fondation Mo Ibrahim et Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Sans oublier Abdoulaye Mar Dièye, directeur du bureau régional pour l’Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Mario Pezzini, directeur du Centre de développement de l’OCDE et Romano Prodi, ancien envoyé spécial de l’ONU pour le Sahel.
Ce rendez-vous de la capitale française a réuni aussi des représentants du secteur privé et de la société civile et des chercheurs. Tout ce beau monde a pu débattre des performances des économies africaines et des défis auxquels elles sont confrontées. L’édition 2014 a mis l’accent sur l’agenda panafricain de transformation économique et sociale. Il a fait le point des progrès à la lumière de la mutation des réseaux du commerce international et du défi démographique, et s’est interrogé sur les implications de la crise épidémique Ebola. Cette maladie qui fait encore trembler l’humanité et contre laquelle aucun remède fiable n’est encore trouvé.
Sur le plan économique, l’Afrique est certes en retard mais garde le précieux avantage d’être un continent en pleine croissance démographique et d’avoir également des ressources minières appétissantes. C’est justement pourquoi, les investisseurs doivent se bousculer à ses portes. Les statistiques corroborent cette thèse. Avec un taux de croissance moyen de près de 4% en 2013, contre 3% pour l’économie mondiale, l’Afrique continue de faire preuve de dynamisme face aux turbulences régionales et internationales.
LE TEMPS DE LA MOBILISATION. Les projections de croissance pour le continent sont de l’ordre de 5% pour 2014 et entre 5% et 6% pour 2015. Les gouvernements disposent ainsi de nouvelles marges de manœuvre pour mener à bien leurs projets de transformation économique et sociale. Mais pour y parvenir, il leur faut prendre les mesures nécessaires pour rendre cette croissance plus inclusive et plus durable.
L’insertion massive des entreprises africaines dans les chaines de valeur mondiales et régionales est une nécessité qui permet notamment de stimuler la création de nouveaux emplois. Aussi, il convient pour l’Afrique d’adopter des politiques territoriales innovantes, afin de tirer le meilleur parti des dynamiques émergentes entre villes et campagnes.
Mme Zuma Nkosazana Dlamini a expliqué que la mission de son institution est de faire de l’Afrique un continent de paix et de prospérité. « Nous ne sommes pas sûrs d’avoir une bonne place dans le monde », a douté la présidente de la Commission de l’Union africaine qui a sonné le temps de la mobilisation et de la transformation. « Nous avons des politiques, mais la difficulté est leur mise en œuvre », a reconnu la patronne de la Commission de l’UA qui a estimé que le temps est à l’action. Pour elle, les défis à relever sont l’agriculture, l’énergie et les infrastructures de transformation. Elle ajoutera que sans Ebola, l’Afrique se porterait mieux. L’Union africaine et l’OCDE ont signé un protocole de coopération.
Le Premier ministre Mara dont la présence a été saluée par tous les intervenants, a pris la parole pour indiquer que les principaux défis de la réalisation de la vision et du plan stratégique sont liés à l’insuffisance des infrastructures modernes et à la faiblesse des capacités institutionnelles et humaines des Communautés économiques régionales de l’Afrique de l’Ouest.
Le premier obstacle, a-t-il souligné, c’est le manque d’infrastructures régionales de transport adaptées (routières, ferroviaires, aériennes et fluviales), de systèmes énergétiques, de technologies de l’information et de la communication, et d’approvisionnement en eau et assainissement qui constituent des freins majeurs à l’intégration régionale et à la croissance économique.
« En matière de transport routier notamment, le manque de corridors horizontaux a des conséquences négatives directes sur le commerce intra-régional. L’amélioration du transport aérien et ferroviaire constitue également une condition essentielle à une intégration efficace à long terme », a-t-il analysé.
Le deuxième obstacle, identifié par Moussa Mara, a trait à la nature fragmentée des marchés de la région. Il a estimé à ce propos qu’il est urgent que les Etats membres de la CEDEAO mènent à bien le processus de création d’une Zone de libre échange.
UNE VOLONTE POLITIQUE AFFICHEE.
Pour le Premier ministre, le troisième obstacle est lié à l’écart entre la signature de protocoles par les États membres et sa mise en œuvre effective, en dépit de la mise en place d’unités de la CEDEAO dans tous les États membres. « Les partenaires au développement et la CEDEAO devront à cet égard restructurer et renforcer ces unités, afin qu’elles soient des moteurs efficaces de mise en œuvre du programme d’intégration », a-t-il préconisé, ajoutant que le quatrième obstacle demeure la dualité et la multiplicité de l’architecture de l’intégration.
Le cinquième et dernier obstacle est la dérive du « tout faire ». Pour le chef du gouvernement, la CEDEAO semble en effet intervenir dans pratiquement tous les aspects du développement économique et social de ses États membres. Il serait peut-être nécessaire, de son point de vue, de renforcer la sélectivité et de réfléchir plus aux domaines qui pourraient être de la responsabilité des États et ceux nécessitant réellement un fort leadership régional.
Le chef du gouvernement a estimé ensuite que le continent doit s’investir dans la recherche des voies et moyens d’impliquer de manière significative le secteur privé et la société civile dans les efforts d’intégration régionale. Les dirigeants doivent également privilégier le renforcement de la confiance des pays membres dans l’idée que les avantages tirés de l’intégration régionale sont équitablement répartis. Aussi, améliorer les systèmes statistiques dans la région doit être un impératif.
Pour Moussa Mara, il ne suffit pas de poser le diagnostic et d’identifier les solutions, il faut aussi une volonté politique bien affichée. « Certains pays ont même introduit dans leurs constitutions la possibilité d’un abandon de souveraineté nationale au profit des institutions régionales. En outre, 9 pays de la CEDEAO (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Liberia, Mali, Nigeria, Sénégal et Togo) ont adopté un passeport régional, permettant la libre circulation des citoyens à travers les frontières nationales », a rappelé Moussa Mara.
Selon le Premier ministre, « l’Afrique de l’Ouest est une région riche en ressources, notamment pétrolières et minérales, qui peuvent être exploitées pour améliorer l’intégration régionale et la croissance ». On y trouve également plusieurs champions économiques régionaux émergents, notamment dans les secteurs des services financiers et de l’infrastructure. Par exemple, Ecobank Transnational, établie au Togo, a une vocation panafricaine et a mis en place des filiales dans tous les pays de la CEDEAO, le Databank Group du Ghana qui gère un fonds commun de placement, Epack, avec des investissements de portefeuille en Gambie, au Ghana et au Nigeria.
« Dans le domaine des infrastructures, les investissements transfrontaliers impliquant le secteur privé ont tendance à prendre la forme de partenariats publics-privés. Le projet de gazoduc de l’Afrique de l’Ouest en est un bon exemple : Chevron et Shell y ont conclu un partenariat avec des entités publiques du Nigeria, du Bénin, du Togo et du Ghana pour construire un gazoduc destiné à acheminer le gaz naturel nigérian vers les trois autres pays », a-t-il énuméré précisant que la liste n’est pas exhaustive.
Envoyé Spécial
A.M. CISSE
Encadré
MOUSSA MARA SALUE LA MOBILISATION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE
Le Premier ministre a longuement évoqué le processus de stabilisation de notre pays, au cours de son intervention au Forum économique international sur l’Afrique. Moussa Mara a d’abord salué « l’engagement des amis et partenaires du Mali, restés à nos côtés lors de l’éclatement en 2012 de la crise sécuritaire et institutionnelle à nos jours ». Il a cité à ce propos la France, le Tchad, la CEDEAO, l’Union africaine.
Le chef du gouvernement a ensuite expliqué que la quasi-totalité du territoire est sous contrôle. En plus, une conférence internationale co-organisée par l’Union européenne, la France et notre pays a eu lieu en mai 2013 et a permis une mobilisation quasi générale de la communauté internationale qui s’est traduite par des annonces de contribution de financement de l’ordre de 3,285 milliards d’euros, des aides budgétaires et humanitaires. Ainsi que le redémarrage des projets de développement.
Il y a eu aussi des élections présidentielle et législatives crédibles et apaisées. Le président de la République Ibrahim Boubacar Keita a été élu avec plus de 77% des suffrages pour un taux de participation record de près de 50 %. Les députés élus siègent normalement à l’Assemblée nationale.
Moussa Mara s’est félicité du fait que tous les partenaires ont repris leur coopération. La relance économique est amorcée. L’administration se remet progressivement en place. Le retour des personnes déplacées est entamée et se poursuit.
Le chef du gouvernement a expliqué ensuite que le gouvernement privilégie la voie du dialogue en vue de parvenir à un accord de paix global et définitif avec les groupes armés. C’est pourquoi des pourparlers se tiennent à Alger en vue de trouver des solutions durables au problème du Nord. « Aujourd’hui l’espoir est permis », a martelé avec conviction Moussa Mara, estimant que la conclusion d’un accord de paix inclusif, global et définitif semble maintenant à portée de mains.
En marge du forum, Moussa Mara a rencontré différents partenaires au développement (dont l’OCDE). Il a eu aussi des échanges avec les parlementaires français, Philippe Folliot et Gwendal Rouillard, tous deux experts du brûlant dossier « Paix et sécurité au Sahel ».
Aujourd’hui, Moussa Mara doit en principe recevoir en audience les responsables du groupe Suez Environnement et rencontrer par la suite des élus français issus de la diaspora malienne. Le Premier ministre doit également visiter les locaux du magazine « Jeune Afrique » en milieu de journée avant de regagner Bamako dans la soirée.
A.M. C