S’étant débarrassé d’Amadou Haya Sanogo, capitaine bombardé général cinq étoiles sous la transition par Dioncounda Traoré, le président Ibrahim Boubacar Kéïta, élu par la majorité des Maliennes et des Maliens, est en train de réaliser les projets qui lui étaient très chers avant qu’il ne brigue la Magistrature suprême de notre pays. Cela, selon nombre d’analystes politiques, non pas pour le Mali d’abord, mais pour lui-même d’abord. Des projets, susurre-t-on, qui étaient semblables à ceux que fomentait Sanogo, qui croupit actuellement en prison à Sélingué.
En effet, après qu’il a «ramassé le pouvoir dans la rue» suite à une anodine mutinerie qui a poussé le général Amadou Toumani Touré à se réfugier à Dakar au Sénégal, Amadou Haya Sanogo rêvait de tout, sauf de sortir le Mali de l’ornière.
Alors qu’il criait sur tous les toits qu’ATT ne voulait pas donner les armes aux militaires maliens pour qu’ils aillent en découdre avec les rebelles armés du Nord, le voilà se recroqueviller, depuis l’intervention de l’Opération Serval de la France, dans son bunker de Kati qu’il avait d’ailleurs rénové pour son prestige.
Mais, bien avant cela, il avait d’importants projets pour assouvir sa soif de pouvoir. D’abord, il fallait se débarrasser du Palais de Koulouba détruit et pillé lors du coup d’Etat, pour faire de Kati l’épicentre du Mali. Et «l’enfant fort de Kati», désormais mis hors jeu, ne voulait pas «se souiller» de tout ce qui faisait «la gloire et l’honneur d’ATT».
Dans cette optique, nous informe-t-on, il ambitionnait de se débarrasser de l’avion présidentiel du général ATT qu’il a renversé, pour s’acheter un nouvel avion.
Mais en attendant de réaliser ce rêve, il s’était entouré d’une horde de gardes du corps et avait à sa disposition plusieurs voitures V8 dont il s’était accaparé çà et là. Peut-être même qu’il avait l’ambition de se procurer un Jet et un bateau privés !
Malheureusement pour lui, le Fdr, la Communauté internationale et la justice malienne sont venus lui gâcher la fête et mettre fin à ses ambitions démesurées. Alors qu’il se considérait déjà comme président de la République du Mali.
L’homme qui s’était doté d’un bâton dit «magique» à l’instar des feus présidents Gnassingbé Eyadéma du Togo, Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire et Mobutu Séssésséko de l’ex-Zaïre, -un bâton qui ne lui a finalement servi à rien – recevait, de gré ou de force, toutes les autorités (civiles et militaires) du pays dans son fief de Kati : IBK aurait été un invité de marque.
À son invité du jour, Sanogo aurait expliqué que son coup d’Etat –bien que débile – a été motivé par l’incapacité d’ATT à gérer les affaires du pays et qu’il entend s’investir pour «le Mali d’abord» et redonner aux Maliens leur fierté d’antan, notamment aux militaires dont il disait que leur honneur a été foulé aux pieds par ATT.
Des expressions qu’on retrouvera plus tard dans un éloquent slogan de campagne du vieux briscard de la politique malienne, IBK : «Le Mali d’abord ; Pour l’honneur du Mali ; Pour le bonheur des Maliens». Un slogan devenu tristement une «trinité Ibkiste» (Au nom du père, du fils et du beau-fils), mais qui a eu le mérite de lui valoir très rapidement la confiance du peuple malien qui ne connaissait pas au départ ses vraies ambitions.
Lequel peuple déchante aujourd’hui et grince des dents, se rendant compte que «le Mali d’abord» est devenu «ma famille d’abord», et surtout en constatant le laxisme, le tâtonnement et l’amateurisme d’IBK dans la gestion des affaires de l’Etat, notamment de la récurrente question du Nord du Mali.
Le voilà donc à l’épreuve du pouvoir. Mais, à la différence de Sanogo, il n’a pas voulu ériger Sébénincoro, son quartier résidentiel, en épicentre du Mali, même s’il a décidé d’y construire des logements sociaux pour des militaires. Par contre, il a entrepris de rénover le Palais de Koulouba à coups de milliards de nos francs. Mais, à l’instar de Sanogo, il a décidé de se débarrasser de l’avion présidentiel d’ATT, le jugeant «obsolète et encombrant».
Histoire de pas «aller se suicider pour les Maliens qui l’ont pourtant élu à plus de 77% des suffrages» dans un Boeing d’un président-général que de «petits putschistes» ont chassé du pouvoir et qui a décidé de «prendre la fuite». C’est pourquoi, murmure-t-on, il a bien voulu se taper un nouvel avion présidentiel avec toutes les commodités du monde, encore à coups de milliards sur le dos du contribuable malien.
Un achat qui intervient au moment où les Maliennes et les Maliens tirent le diable par la queue, acculés de toutes parts par les problèmes socio-économiques et politiques. Un achat qui a suscité la colère du FMI qui n’a pas tardé à suspendre son aide au Mali.
Même si au plus haut sommet de l’Etat, notamment à la Primature, on tente de calmer le jeu, arguant que «des têtes vont tomber», les Maliens, dans leur majorité, semblent voir le bout du tunnel s’éloigner de jour en jour. Des têtes vont tomber.
Bien dit. Mais, lesquelles ? Peut-être en commençant par celle du Premier ministre, Moussa Joseph Mara, dont on dit que la cote de popularité est en chute libre depuis un certain temps et qu’il n’est pas en odeur de sainteté avec les cadres du parti présidentiel, le RPM (Rassemblement pour le Mali).
Bruno E. LOMA