Dans notre parution, n° 263 du 11 août 2014, nous évoquions la pollution de la localité de Djidjan-Loulo par la société d’exploitation minière dénommée « SOMILO ». Dans cette localité, les tuyaux par lesquels passent le cyanure et le plomb utilisés dans le traitement de l’or sont installés en plein cœur de la ville; ils constituaient, de ce fait, une véritable bombe à retardement.
Il faut savoir que dans le cadre du traitement des minerais, certains produits très mortels comme le cyanure et le plomb sont utilisés dans les mines; à la fin de la chaîne de traitement, ces produits passent par des tuyaux vers un déversoir final. A Djidjan-Loulo, les tuyaux par lesquels passent les produits hautement toxiques traversent le village à ciel ouvert. Les enfants risquaient leur vie tous les jours en jouant près desdits tuyaux. En vue de prévenir l’extermination chimique du village suite à une éventuelle perforation des tuyaux, les populations de Djidjan-Loulo, à plusieurs occasions, avaient tiré la sonnette d’alarme en sollicitant le retrait des tuyaux. A travers des correspondances adressées aux autorités locales et nationales, y compris le Premier Ministre, la communauté de Djidjan avait haussé le ton. En vain.
Puis, ce qui devait arriver, arriva. Depuis le jeudi 9 octobre 2014, les tuyaux, à maints endroits, ont éclaté. Les populations assistent, impuissantes, à la coulée du cyanure et du plomb dans le village (voir photos). Cette situation a coupé le village en deux. En effet, lorsque la vapeur du cyanure tue, de même que la moindre goutte de ce produit. Les habitants ne peuvent donc quitter un quartier riverain des tuyaux vers un autre sans risquer de se faire empoisonner par le cyanure. L’activité économique du village est, par conséquent, au ralenti; les bergers voient leurs animaux mourir çà et là. Plus grave encore, tous les puits fournissant l’eau potable ont été abandonnés car tous pollués. Les habitants de Djidjan les plus riches ne consomment plus que de l’eau minérale. Ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter ce produit de luxe sont obligés de consommer l’eau de puits à leurs risques et périls. Les citoyens souffrant de maux de ventre se comptent par dizaines. Ils se plaignent aussi de diarrhées.
Pour les habitants de Djidjan-Loulo, les autorités nationales sont les premiers responsables de leur extermination programmée. Après que la direction de la SOMILO eut affirmé qu’elle payait une taxe à l’Etat pour exercer librement ses activités et qu’elle n’enleverait les tuyaux que sur ordre de l’Etat, la communauté de Djidjan-Loulo n’avait d’autre recours que d’interpeller les autorités. Chose qui fut faite. Lors de son passage à Djidjan-Loulo, pendant la campagne électorale, IBK aurait promis de faire retirer les tuyaux s’il était élu. 12 mois plus tard, ils sont toujours là. Des émissaires du village n’ont pas manqué, lors du forum des orpailleurs tenu à Bamako du 18 au 21 septembre 2014, d’interpeller le président IBK sur le danger qui planait sur leur localité. En, vain. Aujourd’hui, les habitants envisagent un ultime recours: s’attaquer aux installations de la mine, même si mort doit s’ensuivre car, pour eux, ils sont déjà morts.
Abdoulaye Guindo