Depuis mai dernier plus des 2/3 du territoire échappent à l’autorité de l’État. Le gouvernement a humilié l’armée et la Nation. Au plan de la gouvernance, on n’a entendu que des histoires de milliards, d’avion, de travaux de rénovation de Sébénicoro, de Koulouba, d’abus de biens sociaux, d’achat de voitures de luxe, de passation de marchés douteux, de surfacturations … Ce pouvoir fait trop honte au Mali et aux Maliens. Au bout d’un an, le Président, par ses dérives, a réussi l’exploit de placer le Mali sous tutelle du FMI. C’est triste… pour quelqu’un qui voulait restaurer l’honneur bafoué de la Nation… Comment peut-on dilapider ainsi des dizaines de milliards destinés à une armée en détresse? Quelle est la situation dans les autres secteurs non audités ?
Comment se porte le PARENA aujourd’hui ? Combien d’élus a-t-il ?
Nos résultats furent décevants aux dernières législatives. Nous avions une dizaine de camarades présents au 2ème tour. Malheureusement, seuls trois d’entre eux ont été élus. Ces résultats ne reflètent ni la présence du PARENA sur le terrain, ni sa vitalité, ni son envergure nationale. Des trois députés élus, il ne nous reste plus qu’un seul qui est inscrit au groupe de l’opposition républicaine et démocratique. Nous continuons à nous battre et nous gagnons chaque jour l’estime et l’adhésion des Maliens.
On soupçonne votre beau-père, l’ancien président Konaré, d’inspirer vos actions politiques…
Le Président Konaré n’inspire nullement nos actions. Nous agissons en fonction des idéaux de notre parti et des intérêts de notre peuple. Ceux qui animent le PARENA ne sont pas de nouveaux-venus en politique. Certains d’entre nous se battent depuis l’adolescence. Nous avons connu l’arbitraire, la prison, la torture, l’exil. Ceux qui insinuent que le Président Konaré inspire nos actions font semblant de ne pas nous connaître. Ils espèrent discréditer notre combat. Ils perdent leur temps.
Quelles sont vos relations politiques avec lui ?
Le Président Konaré est dans son parti (l’Adema, NDRL). Je suis dans le mien. Il n’a pas encore accepté de prendre la carte du PARENA. Ce qui est dommage pour lui et pour le pays. Car son parti manque singulièrement de vitalité et de combativité. Cela dit, il m’arrive de le consulter comme je consulte de nombreuses personnalités au Mali et à l’étranger sur la situation au Mali et en Afrique. Quel homme politique se priverait d’échanger de temps à autre (s’il en a l’occasion) avec un homme d’État de l’envergure du Président Konaré ? Quand le PARENA et le RPM ont, avec d’autres, fondé en 2007 un front pour la République, personne n’a insinué que nos actions étaient inspirées par le Président Konaré. Alors, un peu de respect pour notre lutte qui ne date pas d’aujourd’hui !
Seriez-vous favorable à la formation d’un gouvernement d’union ?
La situation du Mali s’est aggravée sous IBK sur tous les plans. Le Président ne semble pas en avoir conscience. Il continue à se comporter comme si de rien n’était. Tant qu’il continuera à considérer l’État comme sa propriété privée (tel que confirmé par le FMI et les autres Partenaires Techniques et Financiers), tant qu’il continuera à se méprendre sur le mandat que lui a été donné le peuple, tant qu’il n’aura pas desserré l’étau de sa famille sur les institutions et l’administration, tant qu’il n’y aura pas une feuille de route définie de manière consensuelle pour sortir le pays de la crise et le remettre sur les rails, les errements actuels continueront et tout gouvernement d’union sera un replâtrage destiné à gagner du temps, donc voué à l’échec. Il ne servira à rien.
Quelle est votre analyse de la situation au Nord?
La situation au Nord s’est détériorée par la faute du Président et de son Premier ministre. Le pourrissement actuel qui alarme nos voisins et toute la communauté internationale est le résultat de la gestion calamiteuse et « amateur » du dossier du Nord comme c’est le cas depuis l’accession d’IBK au pouvoir. Les actes posés depuis un an, les déclarations faites par les dirigeants ont eu pour effet d’éloigner le Nord du reste du Mali. Il y a eu de longs mois de propos contradictoires, de tâtonnements, d’immobilisme, de paroles en l’air qui ont conduit au pourrissement de la situation. Puis il y a eu l’aventurisme: la visite du Premier Ministre à Kidal et la guerre du 21 mai 2014. Avec comme résultat la perte de Kidal et de la quasi-totalité du Nord.
À ce jour, le Président et le Premier Ministre n’ont pas annoncé au peuple malien le bilan de ces journées tragiques. Les familles des soldats morts au combat, les familles des disparus, de ceux qui sont morts de soif dans le désert (dans la chaleur du mois de mai) attendent des informations et des gestes qui n’arrivent pas. L’État a perdu sa souveraineté sur une bonne partie du territoire. Le Président et le Premier Ministre qui ont provoqué ce désastre n’ont même pas présenté d’excuses à la Nation. Au lieu de faire amende honorable pour ces graves torts causés au Mali, nos dirigeants font comme si de rien n’était. Comme si l’honneur du Mali, la dignité de son peuple étaient quantité négligeable.
À quoi attribuez-vous les défaites récurrentes de l’armée face aux groupes armés ?
Notre armée est le reflet de notre pays. Il n’y a pas de tata de Sikasso, de muraille de Chine entre l’armée et le reste de la société malienne. La corruption, les abus de biens sociaux et le favoritisme qui font des ravages dans la société n’ont pas épargné l’armée . La milice populaire, les coups d’Etat militaires (à commencer par celui de 1968), le bouleversement de la hiérarchie et la rupture de la chaîne de commandement ont désarticulé l’armée. Par ailleurs, le Mali doit revenir au centre des préoccupations de tous et de chacun. L’esprit patriotique, le sens de l’honneur, du sacrifice, la discipline et le renoncement doivent être des valeurs cardinales pour reconstruire notre armée. Les Maliens doivent réapprendre à mourir pour le Mali. Cela suppose un sens élevé de la patrie et de l’État à tous les niveaux, pas seulement dans l’armée. Les enfants des autres accepteraient plus facilement de mourir pour la patrie s’ils constataient qu’au sommet de l’État, il n’y a pas de traitement de faveur pour les neveux et les enfants.
Entre ATT et IBK qui gérait le mieux la question du Nord ?
Le président ATT gérait le Nord de façon solitaire et confidentielle. Avec le Président IBK, il n’y a pas de gestion tout court: tâtonnements, improvisation et pilotage à vue avec les conséquences qu’on sait.
Que pensez-vous du projet fédéral des groupes armés ?
Je suppose que c’est une position de négociation et qu’ils finiront par se conformer aux engagements qu’ils ont pris, en juin 2013, à Ouagadougou où ils ont accepté l’intégrité du territoire, l’unité nationale et la forme laïque et républicaine de l’État. Je souhaite que l’on renonce au fétichisme des mots et que l’on aille vite au fond des choses. Le PARENA a proposé comme solutions, entre autres, l’élection des gouverneurs de toutes les régions du Mali par des assemblées régionales élues à la proportionnelle. Je lance un appel à une conclusion rapide des pourparlers inter-Maliens. Les négociations trop longues ne sont jamais bonnes. Il faut éviter d’affaiblir davantage le pays et de précariser encore plus les conditions des populations au Nord et dans les camps de réfugiés.
Comment jugez-vous le bilan d’un an d’IBK?
Le bilan est totalement négatif. Il n’y a eu rien de concret pendant les douze derniers mois. Depuis mai dernier plus des 2/3 du territoire échappent à l’autorité de l’État. Le gouvernement a humilié l’armée et la Nation. Au plan de la gouvernance, on n’a entendu que des histoires de milliards, d’avion, de travaux de rénovation de Sébénicoro, de Koulouba, d’abus de biens sociaux, d’achat de voitures de luxe, de passation de marchés douteux, de surfacturations. Nos relations avec les partenaires techniques et financiers sont au plus bas. Le FMI a accusé le gouvernement de « malversations ». Les audits entrepris sur demande des bailleurs viennent de confirmer l’ampleur de ces malversations. Une ampleur jamais égalée dans un laps de temps aussi court. Le pays a perdu toute crédibilité à l’extérieur. La première année du quinquennat a été une année perdue, une année où le Mali n’a été nulle part.
Que vous inspirent les injonctions du FMI par rapport aux marchés du Boeing et des armements ?
Elles sont humiliantes pour notre pays qui est devenu la risée du monde par la faute de nos dirigeants. Nous n’avons pas besoin du FMI pour instaurer et respecter les règles de bonne gouvernance. L’amour de notre pays et la gravité de sa situation nous commandaient d’éviter le pillage de ses maigres ressources. La presse et le PARENA avaient tiré la sonnette d’alarme plusieurs mois auparavant. Souvenez-vous, vous journalistes et nous, avions dénoncé, entre autres, le marché attribué à Guo-Star et l’achat, dans des conditions plus que troubles, d’un 2ème avion présidentiel. Nous avions fait des recommandations pour sortir de l’impasse. Si le pouvoir avait fait preuve d’humilité, s’il avait écouté l’opposition et la presse, l’aide budgétaire n’aurait pas été suspendue et nous ne serions pas humiliés comme nous le sommes aujourd’hui. Ce pouvoir fait trop honte au Mali et aux Maliens. Au bout d’un an, le Président, par ses dérives, a réussi l’exploit de placer le Mali sous tutelle du FMI. C’est triste… pour quelqu’un qui voulait restaurer l’honneur bafoué de la Nation…
Qui sont les coupables dans ce dossier ?
Le Président, son gouvernement et leurs hommes d’affaires sont les principaux responsables de cette situation.
Quels conseils lui donneriez-vous à IBK pour améliorer sa gestion ?
Nous étions depuis des mois dans une grave impasse. Les audits ordonnés sur insistance du FMI ont créé un profond malaise, une crise de confiance, une crise de crédibilité du régime, une crise morale. Comment peut-on dilapider ainsi des dizaines de milliards destinés à une armée en détresse? Quelle est la situation dans les autres secteurs non audités ? Des conseils au Président ? Prendre la juste mesure de la gravité de la situation. Revoir radicalement l’ordre des priorités. Couper le cordon ombilical avec les milieux affairistes nationaux et étrangers. Desserrer l’étau de la famille sur les institutions et l’Administration. La crise est tellement profonde que des Assisses nationales s’imposent pour rectifier le tir et remettre le pays sur les rails.
Propos recueillis par Abdoulaye Guindo