Aminata Dramane Traore et Nathalie M’dela Mounier viennent de mettre en librairie un nouveau livre intitulé « L’Afrique mutilée ». Le 13 septembre 2012, la cérémonie officielle de lancement de ce livre, au Palais de la culture de Bamako, s’est rapidement transformée en un procès des politiques néolibérales et en une plate forme d’invitation des femmes à jouer pleinement leur rôle dans cette période de refondation de la nation malienne. Et, comme il fallait s’y attendre, la crise multiforme que traverse notre pays a occupé une place importante dans les débats.
« Des acteurs politiques et sociaux, majoritairement masculins et divisés, sont au chevet de notre pays agressé, occupé et, de surcroît malmené par une communauté internationale qui est loin d’être impartiale ». C’est ainsi que Aminata Dramane Traore a peint la situation actuelle du Mali. Dans un tel contexte, elle reste convaincue que « Intellectuellement et moralement outillées, nous, femmes du Mali, avons une nouvelle page de l’histoire de notre pays à écrire, ensemble, avec nos hommes, à condition de ne plus nous tromper de modèle de développement et de système politique ».
En effet, pour Aminata Dramane Traoré, « les femmes africaines ne sont audibles que lorsque nos voix confortent le discours misérabiliste et condescendant sur notre situation, souvent réduite a celle de femmes pauvres, mutilées et enceintes ». Or la grande militante du Mouvement altermondialiste est formelle : « les politiques néolibérales qui saignent notre continent à blanc avec la complicité de dirigeants-démocratiquement élus, mais corruptibles et corrompus sont, elles aussi, mutilantes ».
Et, convaincue qu’une excision peut en cacher une autre, Aminata Dramane Traoré pense que « cette réalité doit se savoir, être dite et inscrite au cœur du débat politique pour la seconde libération de l’Afrique et plus particulièrement du Mali ». Pour tout cela, elle dira : « La transition qui s’amorce est une occasion historique d’imprimer au changement une direction qui va bien au-delà de la préparation des élections pour embrasser, en plus de la question essentielle de la libération du Nord de notre pays, celle, primordiale de la décolonisation de notre pensée de nous-mêmes et du monde ». L’ancienne ministre de la culture du Mali pense que les Peuples africains ont commis beaucoup d’erreurs, mais qui sont souvent dues au fait qu’ils sont opprimés.
Qu’à cela ne tienne, elle est convaincue que les femmes pourront jouer un rôle important si les politiques de promotion des femmes n’étaient pas importées. «Le développement comme la démocratie est une occidentalisation du monde », a-t-elle dénoncé. Avant de rappeler qu’aujourd’hui, les maitres du monde qui ont toujours voulu imposer de force leur modèle sont dans l’impasse. « Face à cette situation, le bon sens nous impose de nous arrêter et de nous poser des questions sur ce nous pouvons faire pour nous même », a-t-elle indiqué. Elle s’insurge contre le fait qu’au nom de la protection des populations civiles, les puissances du monde détruisent des pays. Selon elle, le Mali est le premier pays au sud du Sahara qui doit témoigner de cela.
« Les femmes malienne sont bien placées pour le dire, mais, il faut qu’elles sortent de la logique des hommes qui veulent le pouvoir pour s’enrichir. Le défi n’est plus celui de l’égalité et de la partie homme /femme, mais la responsabilité », a-t-elle déclaré.
A son avis, le monde est globalement en crise, avec une transition à l’échelle mondiale. « Nous devons profiter de cette crise pour dessiner le Mali que nous voulons demain », a-t-elle proposée. Aminata Dramane Traoré de conclure que les femmes maliennes veulent un bilan de nation qui doit prendre en compte l’évaluation des politiques de promotion des femmes.
Quant au livre « L’Afrique mutilée », il se présente en format de poche, avec 64 pages. Divisée en quatre chapitres, il a un avant-propos écrit par Aminata Dramane Traoré et intitulé : « Besoin de vérité et de justice » et une postface, intitule « Ensemble », sous la plume de Nathalie M’Dela-Mounier. Le premier chapitre traite de « L’excision économique ». Le deuxième aborde « Le développement : un projet civilisationel ». Le troisième est relatif à la « Démocratie : de la Baule à Bamako » et le quatrième nous plonge dans le thème de « Femmes, éthique et politique ».