La Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navy Pillay, a animé, hier en fin d’après-midi, une conférence de presse conjointe avec le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci. Situation chaotique dans le nord du Mali où les groupes islamistes armés dictent leur loi. Patrimoine archéologique et historique détruit, exécutions sommaires et amputations… constituent les principaux aspects de violations des droits de l’homme. Sous l’emprise des extrémistes d’Ansar Eddine et du Mujao, la région est devenue plus qu’un no man’s land, un coupe-gorge pour tous ceux qui oseraient contrarier «l’ordre» établi. Les islamistes du groupe armé Ansar Eddine avaient suscité un tollé international en détruisant des mausolées de saints musulmans La communauté internationale ne compte pas rester passive face à la prise en otage des populations. Quelques heures avant sa visite en Algérie, la Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navy Pillay, a évoqué, hier devant les 47 Etats membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU «plusieurs graves violations des droits de l’homme» et «éventuellement des crimes de guerre». Elle cite des «exécutions sommaires, le recrutement d’enfants soldats, des atteintes à la liberté d’expression, des violations des droits à l’alimentation, à la santé… Comme elle dénonce le recrutement par ces groupes armés d’enfants et de jeunes, ainsi que des cas de mariages forcés, de mutilations génitales féminines et des «exécutions sommaires de soldats maliens menottés». Aux atteintes flagrantes à l’intégrité physique des personnes, s’ajoute la destruction des sites archéologiques millénaires, classés patrimoine culturel mondial par l’Unesco. Pas plus tard que samedi dernier, des islamistes ont détruit le mausolée de Cheik El Kébir, situé à 330 kilomètres au nord de Gao. Selon ces sources, cette destruction a été commise par des hommes du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Le mausolée de Cheik El Kébir est très important pour les Kounta, dont la communauté maraboutique se trouve au Mali, en Algérie, en Mauritanie et au Niger. En juillet, les islamistes du groupe armé Ansar Eddine avaient suscité un tollé international en détruisant des mausolées de saints musulmans, dans l’enceinte de la plus grande mosquée de la ville de Tombouctou, classée patrimoine mondial en péril. Ils promettaient de détruire tous les mausolées de la région. Par ailleurs, Tombouctou a été le théâtre, dimanche dernier, d’une scène horrible. Les islamistes ont fait couper la main d’un homme soupçonné de vol, mettant ainsi en scène une nouvelle amputation publique au nom de la charia. Contrôlé par les groupes islamistes armés, le Nord du Mali doit, aux yeux du pouvoir central malien, être «libéré» au plus vite, grâce à l’intervention des forces de la Cédéao. Dans ce contexte, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l’Afrique de l’Ouest étudiaient, hier à Abidjan, le déploiement d’une force au Mali pour aider à la reconquête du Nord, occupé par des groupes islamistes armés, qu’ils ont qualifiée de «tâche immense mais pas impossible». Le conseil de médiation et de sécurité de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se réunit pour tracer le cap de l’appui militaire de la Cédéao au Mali, en liaison avec l’Union africaine. «L’heure n’est plus aux tergiversations, mais à l’action concertée. Il faut agir face à l’inacceptable, face aux criminels de toutes sortes qui occupent le Nord-Mali», a insisté le président de la Commission de la Cédéao, Kadré Désiré Ouédraogo. La Cédéao, qui prépare depuis plusieurs mois le déploiement de 3300 soldats, a dû revoir ses projets qui prévoyaient de sécuriser à Bamako le régime de transition. A noter que le président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, a officiellement saisi, début septembre, la Cédéao d’une demande d’aide, alors que le nord du pays est contrôlé par des groupes proches d’Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi), qui y ont imposé la charia. Côté algérien, trois diplomates étant toujours entre les mains de leurs ravisseurs, l’heure est à la prudence, même si la mobilisation est de mise pour parer à toute éventualité venant du Sahel. Par Arezki Louni - Mardi 18 Septembre 2012