Comment le gouvernement malien, qui semble déjà à bout de souffle, compte sortir de l’engrenage avec la montagne de problèmes sur laquelle il se trouve ? Déroute des Fama à Kidal ; occupation du Nord du Mali, notamment de Kidal par les groupes armés ; soucis pour la réussite des pourparlers inclusifs inter-maliens à Alger ; Affaire Michel Tomi ; Affaire de surfacturation dans l’achat de l’avion présidentiel avec son corollaire de suspension de l’aide du FMI et de l’UE ; descente aux enfers de l’école malienne ; panier de la ménagère qui se vide de jour en jour, Menaces de grèves de l’Untm et de la Coses… Autant de problèmes dont la résolution n’est pas pour demain.
La question la plus urgente de nos jours, qui risque de paralyser davantage le gouvernement Moussa Joseph Mara, est le front social actuellement en ébullition. En effet, pour une seconde fois, l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm) menace d’aller en grève les 29, 30 et 31 octobre prochains si une solution adéquate n’est pas trouvée à ses revendications. La confirmation a été donnée par son Secrétaire général, Yacouba Katilé, le 17 octobre dernier à la Bourse du travail, à la faveur d’un point de presse. «Sans contre-propositions pertinentes, le préavis de grève de 72 heures sera mis en application et avec sérénité». C’est en substance ce que l’on peut retenir des propos de M. Katilé.
Au cours de ce point de presse, le Secrétaire général, entouré de ses proches collaborateurs et des militants de l’Untm, a d’abord fait le point de leurs négociations avec le gouvernement sur les revendications déposées sur sa table depuis 6 mois au moins. Il a ensuite levé le voile sur les suites du préavis de grève du 2 octobre 2014.
Sur le premier point, M. Katilé a indiqué qu’à ce jour, on peut considérer que les 12 points de revendication de l’an 2011 sont en voie d’extinction, pourvu que le chronogramme de réalisation des accords soit respecté. «On peut donc estimer qu’il y a des accords sur ces points, à condition que le gouvernement respecte ses engagements», a-t-il dit. Ce, avant d’ajouter que les 5 revendications posées par le bureau actuel de l’Untm, sont encore en pleine discussion, même si on a noté quelques avancées. En effet, selon lui, après moult réticences, le gouvernement a finalement avancé quelques contre-propositions.
C’est ainsi que sur les allocations familiales, les dernières prétentions de l’Untm étaient de 6000, 4000 et 3500 Fcfa, alors que le gouvernement propose une augmentation de 1500 à 3000 Fcfa par enfant. Par rapport au salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), l’Untm cherche en dernière prétention 40.000 Fcfa dont 35.000 Fcfa pour 2014 auxquels s’ajouteront 5.000 Fcfa courant 2015. Alors que le gouvernement propose 35.000 Fcfa, une fois pour toutes. À noter que le Smig actuel est de 28.447 Fcfa.
En ce qui concerne l’Impôt sur les traitements et salaires (Its), la Centrale syndicale a élaboré des barèmes touchant des tranches de salaires. «Notre approche s’inscrit dans la protection des travailleurs et des pouvoirs d’achat contre la pauvreté, sans faire perdre au gouvernement le montant global que rapporte l’Its au budget national. En clair, il y a une trop forte taxation des salaires au Mali. Le gouvernement n’a pas fait de propositions par rapport aux catégories de salaires, mais consent une réduction de 5% du montant global que rapporte l’Its au budget national. À titre d’information, depuis 3 ans, ce montant est de 65 milliards Fcfa. En cédant les 5%, le gouvernement ne produit que 3 milliards 250 millions Fcfa comme effort et affirme les répartir entre les tranches de salaires. On nous dit que le taux de 5% peut être augmenté, mais cela n’est pas sûr», explique M. Katilé.
Les deux points de désaccord total
Le premier point porte sur la valeur du point d’indice, qui est pour l’heure un rejet total du gouvernement qui n’a d’ailleurs pas fait de contre-proposition aux 600 Fcfa que cherche l’Untm. Le second point concerne les tarifs d’eau et d’électricité qui ont subi une «hausse sauvage et qui viole les accords de 2005 et de 2011», qui ont prévu plutôt une baisse. «Devant la violation unilatérale de ces accords, nous exigeons l’annulation pure et simple de cette hausse. Le gouvernement s’y refuse, alléguant qu’il est dans l’obligation de faire des subventions à Edm. Nous avons répondu que la pratique de subvention de l’énergie et de l’eau est faite dans tous les pays de l’Uemoa», soutient l’homme fort de l’Untm.
La décision finale de l’Untm
«Sans contre-propositions pertinentes, le préavis de grève de 72 heures sera mis en application et avec sérénité. Nous sommes en intelligence avec des Centrales et Syndicats, car notre volonté, c’est d’amener tous les travailleurs à s’unir dans un mouvement large et coordonné de revendications. Tous, nous sommes d’accord que la misère qui nous frappe, n’est pas une fatalité. Elle est cultivée et entretenue par les régimes successifs de notre pays. Ça suffit maintenant ! La gouvernance laxiste, le mépris des travailleurs, l’exploitation du monde rural, d’où la nécessité d’un combat de tous les fils de ce pays. Les instigateurs devront savoir que le peuple malien, les travailleuses et travailleurs des villes comme des campagnes sont déterminés à se construire une destinée moins éprouvante que celle qu’on leur a toujours infligée», a martelé Yacouba Katilé.
Pour ainsi dire, la grève de l’Untm pour les 29, 30 et 31 octobre prochains reste plausible.
Bruno E. LOMA