Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2012, 16 membres de la communauté Dawa, soit 8 Mauritaniens et 8 Maliens, ont été abattus par des militaires maliens à Diabali, dans la région de Ségou. Cette fusillade avait fait l’effet d’une bombe au sein de la confrérie Dawa qui a décidé de reporter sine die son colloque qui était prévu pour se dérouler à Bamako du 14 au 21 septembre 2012. Vendredi dernier, il a été demandé à toutes les représentations de la secte agissant dans les 8 régions du Mali de prier pour le repos des âmes des disparus. A Mopti, 5e région, l’émotion, la consternation, l’indignation et la protestation étaient à leur comble. Juste après la prière du vendredi, nous sommes allés au siège de l’Association Dawa, section de Mopti, situé dans un quartier appelé Taikiri.
« Bissimilahi Rahmani Rahimi. Louanges à Allah, Seigneur des mondes, Seigneur de l’Univers, Maître du trône immense, paix et bénédictions au Prophète Mohamed (paix et salut sur Lui ». (C’est en ces termes que le président régional de la Dawa de Mopti, Gaoussou Konipo, a abordé le sujet qui nous a conduits dans son bureau logé au 3e étage d’un immeuble situé au quartier Taikiri. Il s’agit d’un gigantesque immeuble à l’intérieur duquel on trouve une grande mosquée, des latrines bien équipées et des bureaux d’au moins une quinzaine. Avant d’y accéder, toute personne sans exception aucune (même le chef de secte) est tenue d’abandonner ses chaussures au niveau du rez-de-chaussée. Le leader religieux, lui, occupe un bureau dont la trop grande sobriété frappe à l’œil : sans chaise ni autre confort quelconque. « Dieu nous recommande d’être modestes chez nous et dans nos lieux de travail. Toute personne ici, qui qu’elle soit, doit s’asseoir sur le tapis », nous a-t-il dit. Le bureau est équipé d’un ordinateur, d’une pile de livres saints et de quelques journaux édités en Arabie Saoudite, au Pakistan, etc. Entouré de ses adeptes, il se préoccupe d’abord de notre identité, puis de notre appartenance religieuse. La quarantaine bien sonnée, de taille au dessus de la moyenne et avec une longue barbe, le patron des lieux nous prévient avant l’entretien : pas de photos de lui-même ni de celle de ses frères en islam. « Les images pour nous Dawa sont sataniques. Vous pouvez photographier une partie de mon bureau ou les locaux, mais pas les fidèles », a-t-il autorisé.
Abordant la tuerie de Diabali, Gaoussou Konipo a confié que cela a été un choc pas seulement pour la communauté Dawa, mais pour l’ensemble de ceux qui ont choisi l’islam comme religion. « C’est une atteinte grave à la liberté de culte parce que ces 16 personnes n’étaient ni armées, ni détentrices de drogue encore moins des individus suspects. C’est horrible, ce qui s’est passé. Même ceux qui ne sont pas de confession musulmane ont été choqués à travers le monde. Et en cette douloureuse circonstance, au nom de notre président national, Ismaël Kébé, je salue la mémoire de tous les disparus. Depuis la disparition tragique de nos frères en islam, nous avons initié des prières collectives à leur intention. Chaque jour qui passe voit augmenter notre indignation et notre consternation.
Ceux qui ont commis cet acte ignoble doivent le payer ici bas, parce qu’on ne provoque pas les Dawa ». A la question de savoir ce que c’est que la Dawa, le chef spirituel répond : « La Dawa est une confrérie née dans les années 90 au Pakistan. C’est en 1991 que la Dawa/ Mali est née et notre président actuel s’appelle Ismaël Kébé. Le mot Dawa est un mot arabe et veut dire ’’appel’’. Nous lançons un appel à tout le monde à venir découvrir Dieu, à pratiquer le vrai islam dénué de mensonges ». Quelles sont les sources de financement de la Dawa ? A-t-on cherché à savoir à la fin de l’entretien. En voici la réponse fournie par Gaoussou Konipo : « Aucune institution nationale ou internationale ne nous a donné un kopeck dans la construction de notre siège qui a coûté près de 100 millions. Au fait, au sein de la Dawa, il y a des pauvres qui ne peuvent même pas s’offrir un seul repas par jour, mais il y a également des millionnaires voire des milliardaires qui sont prompts à financer lorsqu’il s’agit des activités de Dieu ». Même dans d’autres confréries, la mort des 16 personnes a été condamnée avec la dernière énergie. Cas du président du Haut conseil islamique de Mopti, Idrissa Diarra, qui s’est dit extrêmement meurtri d’apprendre la nouvelle. « Nous attendons les conclusions de l’enquête diligentée par le gouvernement. Les premières informations qui nous sont parvenues, laissent croire qu’il n’y avait pas d’impacts de balles sur le véhicule à bord duquel les 16 personnes avaient pris place. En conclusion hâtive, on peut dire qu’on les a fait sortir du véhicule pour les fusiller froidement, mais on attend comme je l’ai dit, les résultats de l’enquête ». A la mosquée de Komoguel 2 où nous avons accompli la prière du vendredi, l’indignation avait atteint son paroxysme. Avant et après la prière des 2 rakats, l’imam a formulé des incantations pour la paix au Mali. L’imam dont les propos sont repris par le muezzin, a regretté les événements de Diabali et les a qualifiés d’humainement inacceptables. Pour le reste, le choc se lisait sur certains visages marqués par la tristesse.