Près de quatre mois et demi après le début des affrontements dans le nord du Mali, le pays, autrefois cité comme modèle de démocratie en Afrique, est actuellement en proie à une crise sans précédent. De l’Azawad à Bamako, les problèmes s’accumulent, se superposent, s’imbriquent les uns dans les autres, sans que l’once d’une solution à long terme ne puisse-t-être envisagée.
L’Azawad aux mains des islamistes
Groupuscule minoritaire au commencement de la rébellion indépendantiste, AQMI avance insidieusement ses pions dans le nord du pays. Appuyé par l’arrivée de nouveaux combattants marocains, tunisiens et libyens « venus pour le Jihad », et également renforcée par l’alliance formée avec le mouvement islamiste Ansar Dine, l’organisation a d’ores et déjà officiellement mis la main sur Tombouctou. La ville, actuellement dirigée par le chef d’unité d’élite d’AQMI, vit depuis près d’un mois sous l’application de la loi de la charia.
A Gao et Kidal, il semblerait que le groupe s’infiltre également progressivement, quand bien même la majorité des combattants jihadistes occuperaient davantage l’extérieur de ces deux villes.
Ainsi le MNLA - Mouvement National de Libération de l’Azawad – groupe initiateur de la rébellion touareg démarrée en janvier dernier, se retrouve aujourd’hui sur la touche. Ses nombreuses tentatives pour convaincre Ansar Dine d’abandonner son alliance avec AQMI afin de mettre conjointement en place un gouvernement de transition dans l’Azawad échouent les unes après les autres, au motif d’un profond désaccord sur l’application ou non de la charia. L’indépendance de la région, autoproclamée le 6 avril dernier, qu’aucun Etat au monde n’a souhaité reconnaître, semble donc jusqu’ici condamnée à un véritable statu quo.
A Bamako, le chaos
A Bamako, le situtation n’est jusqu’ici guère plus enviable. Après le coup d’Etat du 22 mars, puis l’embargo de la CEDEAO, c’est à présent une tentative de contre-coup d’Etat qui vient menacer la petite stabilité retrouvée depuis la nomination, le 6 avril, d’un gouvernement de transition. Le 30 avril, 3 unités du Régiment de commandos parachutistes chargé de la garde présidentielle ( Bérêts Rouges), fidèles à l’ancien président Amadou Toumani Touré, tentent de reprendre le contrôle de la capitale. Plusieurs attaques sont menées sur quelques points nevralgiques de la ville, détenus par les Bérêts Verts du capitaine ex-putschiste Amadou Sanogo.
Pendant près de près de 3 jours, des tirs seront échangés entre les deux groupes distincts et ennemis, faisant au moins 22 morts, et de nombreux blessés. Déterminée à ne rien concéder aux forces de l’ancien président, l’ex-junte malienne aura finalement raison des Bérêts rouges, provoquant l’échec du contre-coup d’Etat. Depuis lors, c’est à une véritable « chasse aux sorcières » que se livrent les hommes de Sanogo, à la recherche de mercenaires et d’opposants. Les arrestations de hauts gradés de l’armée se multiplient, et les détenus emmenés vers des destinations jusqu’ici inconnues.
Au delà même des conflits qui divisent la classe militaire, il semble que les récents événements soient à même de prouver toute la détermination d’Amadou Sanogo. L’homme, qui prétendait après son coup d’Etat du 22 mars dernier ne pas vouloir du pouvoir, avant d’être contraint de le rendre aux civils, résiste, et continue de peser sur les décisions. En s’opposant fermement à toute tentative de déploiement d’une force de la CEDEAO, ainsi qu’à l’extension de la période de transition politique à 12 mois, Sanogo empêche jusqu’à présent toute possibilité d’amélioration de la situation, au Nord comme à Bamako. Malgré 2 jours de négociations entre la junte le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, médiateur de la CEDEAO pour la gestion du conflit malien, aucun accord entre les deux parties n’a pu être obtenu.
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Pendant ce temps… une grave crise humanitaire
Depuis le début de la crise mi-janvier, près de 160 000 réfugiés maliens ont été comptabilisés par le bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Au Niger, au Burkina Faso, en Mauritanie ou encore en Algérie, les camps de réfugiés se multiplient à vue d’œil. A l’intérieur même du territoire malien, on dénombre également plus de 100 000 déplacés.
Selon divers témoignages, à Kidal, Tombouctou et Gao, la situation de ceux qui sont restés est alarmante : pillages et sacages, manque d’eau et viols sont devenus quasi-quotidiens, tandis que la crise alimentaire impliquée par la sécheresse menace chaque jour davantage toute la zone du Sahel. Face à l’inertie de la Communauté Internationale sur cette question, la solidarité s’organise progressivement depuis Bamako, notamment par le biais d’une caravane humanitaire visant à ouvrir un corridor vers les villes du nord. Selon Laurent Dufour, chargé de communication de l’OCHA, la sécurité des travailleurs des ONG, qui ne peut être garantie sur le terrain, empêche néanmoins toute sécurisation de l’achemeinement des vivres.
A trois semaines de la fin de l’intérim de la Présidence de la République, la situation du pays est ainsi plus que jamais totalement incertaine.