Le Mali face à son premier cas de virus Ebola. Le Mali face à la recrudescence des actes terroristes. Au moment où il reçoit la visite du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta répond aux questions de Cyril Bensimon du journal Le Monde et de Christophe Boisbouvier de RFI. Précisons que cet entretien a été enregistré avant l’annonce du décès à Kayes de la fillette infectée par Ebola. Il a profité de cet entretien pour demander à la Minusma de revoir son dispositif sécuritaire au Mali. Lisez plutôt.
RFI : Après la déclaration d’un premier cas d’Ebola au Mali, quelle est votre réaction ?
Ibrahim Boubacar Keïta : Calme et sérénité. Pourtant, vous savez, depuis le déclenchement de cette épidémie, nous avons pris au Mali toutes les mesures pour que nous soyons à l’abri, mais nous ne sommes jamais hermétiquement fermé à ce mal là, la preuve. La Guinée est un pays voisin du Mali, nous avons une frontière commune que nous n’avons pas fermée, que nous ne fermerons pas non plus. Il aura fallu d’une imprudence, c’est une enfant de deux ans, je pense que sa grand-mère n’a pas été tout à fait prudente. Par les temps qui court se rendre en Guinée, que ça soit pour des condoléances, on paye le prix fort. Mais je pense qu’il y a eu plus de peur que de mal, et il y aura plus de peur que de mal. Le cas a été très vite circonscrit en espérant que, in fine, en sortiront toujours indemne.
Donc pas de fermeture de frontière avec la Guinée ?
Non, on ne compte pas le faire, nous ne le ferons pas.
Est-ce que des mesures particulières vont être prises tout de même ?
Vous savez que la réalité, et celle-là n’est pas connue, dès l’annonce de cette maladie, au Mali, au niveau aéroportuaire, les mesures des douanes ont été prises, des contrôles thermiques. Nous ferons tout pour éviter la psychose, la panique. Je note que Bamako est resté très calme aujourd’hui. Cette jeune enfant est passée par Bamako, avec sa grand-mère, tout le circuit a été tracé, repéré. La mise sous quarantaine est obligatoire, il y a quarante et une personnes, je crois, qui sont sous quarantaine aujourd’hui, je n’en connais pas plus.
Dans le nord du Mali, il y a une recrudescence des attaques terroristes depuis trois mois. Est-ce que ce n’est pas à cause de la bataille de Kidal et du retrait au mois de mai dernier de l’armée malienne de cette zone du Mali ?
On peut penser que ces événements auxquels vous faites allusion ont peut-être une conséquence, sur la recrudescence du terrorisme, mais il y a aussi l’encouragement qu’offre aujourd’hui l’existence de ce fameux Etat islamique. On a vu par chez nous certains leaders, dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis longtemps, qui sortent subitement du bois, qui non seulement saluent la naissance de l’Etat islamique mais presque son allégeance quelque part.
Vous parlez de Riad Alcrali ?
Pour ne pas le nommer.
Ces derniers mois, une partie du dispositif français au nord du Mali a été redéployé au Niger et au Tchad, dans le cadre de l’opération Barkan.
Est-ce que cette stratégie a été la bonne ?
Nous avons été pleinement associés à cette réorientation de la police française d’appui aux forces de la défense. Puisqu’il s’agit aujourd’hui d’une menace qui concerne l’ensemble de la bande sahélienne, nous n’avons pas trouvé à redire.
Uniquement 22% des casques bleus de la Minusma sont au nord de la boucle du Niger, est-ce que c’est bien normal ?
Vous touchez un aspect sur lequel nous n’avons jamais cessé d’insister auprès de nos partenaires amis des Nations unies. C’est au nord que quelque chose se passe, pas au sud. Cette connexion aujourd’hui qui est partagée par tout le monde, qui va amener les Nation unies, elle-même, à revoir leur dispositif. Nous avons fait une demande de statut à revoir de la Minusma, c’est d’habitude au niveau du Conseil de sécurité, nous pensons et nous espérons que dans les jours qui viennent, nous aurons une réponse positive.
Vos négociations d’Alger, un projet d’ accord prévoit la création d’un sénat qui représenterait les collectivités territoriales et d’une zone de développement des régions du nord dotée d’un conseil consultatif, qu’est-ce que vous en pensez ?
En ce qui concerne l’évolution institutionnelle au Mali, cette question du sénat se pose depuis un certain temps déjà, nous allons l’examiner, mais cela va supposer beaucoup d’efforts financiers, parce qu’il faudrait faire un référendum. Nous verrons en interne si par les voies légales, législatives et réglementaires on ne peut pas faire certaines évolutions déjà, mais tout ce qu’il faudra faire pour un nouveau parc national malien, de le faire avant.
Donc ça va dans le bon sens ?
Je pense que ça fait partie des propositions qui sont faites, que nous allons examiner avec de l’objectivité. Autrement le reste, je pense que l’optimisme est permis au sortir de cette troisième phase des rencontres d’Alger.
Dans ce document, il n’est fait nulle mention de l’Azawad ni de fédéralisme, on imagine que c’est quelque chose qui vous satisfait ?
J’ai toujours donné mon point de vue sur cette question-là. Vous savez, dans toutes les villes du Mali, je peux vous assurer, aucun de ces grands mouvements de population, de ces grandes manifestations, n’a été inspiré par le gouvernement du Mali, c’est la population. Elles ont dit leur opposition à toutes formes de divisions de ce pays là, ce peuple là. Je crois qu’il serait bon qu’on les entende. Toute citation qui pourrait créer des remises en cause de ce à quoi nous sommes parvenus n’est pas bonne. Il faut que l’on fonde cette fois-ci une paix réelle, pas factice, qui soit vraiment pour longtemps et très longtemps.
SOURCE : RFI entretien réalisé par Christophe Boisbouvier
NB : le titre est de la Rédaction