Au matin, la ville malienne de Kayes s'est réveillé fiévreuse: la rumeur a couru que deux jeunes avaient contracté Ebola. Les maisons du quartier sud se sont aussitôt vidées, signe de la psychose qui étreint la cité depuis la découverte du premier cas au Mali. C'était une fausse alerte, et heureusement, car l'équipe de sapeurs-pompiers arrivée sur les lieux ne disposait pas des combinaisons adéquates...
Depuis le premier cas, une fillette de deux ans de retour de Guinée, un des pays les plus touchés par l'épidémie, décédée vendredi à Kayes, kits de protection, désinfectants et personnel médical arrivent pourtant en nombre dans cette ville de l'ouest du pays. Dans la cour de l'hôpital, une trentaine d'agents de santé écoutent religieusement un expert, le Dr Abdoulaye Coulibaly, énumérer les précautions à prendre pour éviter la maladie, qui se transmet par les liquides corporels.
"La guerre contre Ebola doit être totale, et nous ne pouvons la remporter qu'avec la communication", ajoute le Dr Coulibaly, membre de l'équipe de médecins maliens dépêchés à Kayes pour éviter la propagation du virus, fermant le poing droit comme pour se convaincre.
Les autorités jouent à fond la carte de la prévention: gels antibactériens devant les hôtels, les bâtiments officiels et des domiciles privés. Nombreuses sont les personnes qui ne se serrent désormais plus la main.
"Vous voyez, on se touche par les coudes, c'est dire la peur qui règne", reconnaît Moussa Sow, un ancien cheminot. De leur côté, des jeunes de l'association "Stop Ebola", avec des moyens
rudimentaires, font du porte-à-porte pour prodiguer des conseils contre la maladie.
"Dès que vous avez une fièvre, il faut prendre votre température", lance à une habitante Ouma, membre de l'association, qui encourage la formation de volontaires dont l'objectif serait de ratisser les zones rurales à la recherche d'éventuels malades.
- Une cinquantaine de personnes à l'isolement -
Autre signe de la psychose qui s'est installée à Kayes, l'un des berceaux de l'émigration malienne vers la France: même si les écoles de la ville et de sa périphérie, fermées après l'annonce du décès de la fillette, ont rouvert, certains parents préfèrent garder leurs enfants à la maison.
"Moi, j'attends encore quelques jours avant d'envoyer à nouveau mes enfants à l'école. Il peut y avoir une surprise", affirme Oumar Fofana, banquier. Emmitouflé dans un boubou brodé, il analyse froidement la situation, relevant la proximité de la frontière avec le Sénégal, à l'ouest, et la Mauritanie au nord: "Nous sommes dans une zone minière où vous retrouvez
quasiment toutes les nationalités. Le danger est donc là, ne nous voilons pas la face".
Selon lui, le sort de la quarantaine de personnes placées en isolement à Kayes après avoir été en contact avec la fillette sera déterminant pour la région.
Dans une vaste tente dressée à l'écart de l'hôpital, assise seule sur un lit de camp, Amy Gueye, la grand-mère de la fillette, qu'elle a emmené puis ramenée de Guinée, paraît calme, tandis qu'un médecin en combinaison vient l'examiner.
Elle "va mieux", indique le Dr Samba Sow.
Un peu plus loin, dans le même hôpital, une bâtisse abrite les 42 autres personnes identifiées comme des contacts de l'enfant à Kayes. "C'est la procédure normale", assure le Dr Sow, précisant que lundi, trois autres personnes ayant approché la fillette ont été "retrouvées à 30 km de Kayes et mises en quarantaine".
Une douzaine d'autres sont également sous surveillance médicale à Bamako, la grand-mère et sa petite-fille ayant brièvement transité par la capitale. "Notre seul salut est qu'on trouve rapidement un vaccin, sinon des milliers d'Africains vont mourir", soupire Mame Diarra, infirmière dans un centre de santé.
Plus de 10.000 personnes ont contracté le virus Ebola, principalement en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. Près de 5.000 d'entre elles sont décédées. Les tout premiers essais cliniques en Afrique du vaccin développé par le laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK) et les Instituts américains de la santé (NIH) viennent de débuter au Mali. Mais les premières doses sont
attendues en 2015, bien après le pic prévu de l'épidémie qui ravage l'Afrique de l'Ouest.
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