Ancien militaire putschiste, le président burkinabè Blaise Compaoré, 63 ans, est à son tour victime d’un coup d’Etat jeudi, l’armée prenant le pouvoir au Burkina Faso après une journée d’émeutes contre le régime.
En 27 ans de règne, Blaise Compaoré s’est imposé comme un incontournable médiateur dans les crises africaines, mais il n’a pas su gérer la contestation populaire dans son propre pays, restant silencieux jusqu’à ce que l’armée annonce la dissolution des institutions et la mise en place d’un régime de transition.
Fidèle à sa réputation d’homme secret, M. Compaoré a longtemps tardé à dévoiler ses intentions, mais l’annonce d’un projet de révision constitutionnelle qui lui permettrait de se représenter à la présidentielle en 2015 a jeté des centaines de milliers de Burkinabè refusant un "président à vie" dans la rue.
En octobre encore, le président français François Hollande proposait pourtant de le soutenir pour un poste international s’il renonçait à ce projet, en vain. Mais Blaise Compaoré se jugeait "trop jeune pour ce genre de job".
"Je n’ai pas envie d’assister à l’effondrement de mon pays pendant que je me repose ou parcours le monde", avançait-il dans un entretien en juillet à l’hebdomadaire Jeune Afrique: il s’y montrait peu empressé de prendre sa retraite, se posant en garant de la stabilité de ce pays sahélien très pauvre.
Né le 3 février 1951 à Ouagadougou, appartenant à l’ethnie mossi, la plus importante du pays, le "beau Blaise", ex-capitaine au physique avantageux, a 36 ans lorsqu’il prend le pouvoir en 1987 par un coup d’Etat, le troisième auquel il participe. Au cours de ce putsch est tué son frère d’armes et ami d’enfance, le capitaine Thomas Sankara, père de la "révolution démocratique et populaire".
Après la "rectification" au début de son règne, destinée à tourner la page des années Sankara et marquée par l’élimination d’opposants, Blaise Compaoré quitte l’uniforme et, en 1991, rétablit le multipartisme. Cela ne l’empêche pas de modifier deux fois l’article 37 de la Constitution
définissant le nombre de mandats présidentiels et leur durée. En 1991, la Loi fondamentale instaure l’élection du président pour sept ans, renouvelable une fois. L’expression "une fois" est supprimée en 1997, permettant un exercice du pouvoir à vie.
Mais "l’affaire Zongo", du nom d’un journaliste retrouvé mort, avec trois autres personnes, alors qu’il enquêtait sur un meurtre impliquant le frère du président, provoque une grave crise politique peu après sa réélection en 1998.
- Médiateur de crises ouest-africaines -
En 2000, la Constitution est amendée: le septennat devient quinquennat, renouvelable une fois. Le Conseil constitutionnel autorise toutefois la candidature de Blaise Compaoré en 2005, au nom de la non-rétroactivité d’une révision de la Loi fondamentale.
M. Compaoré devait terminer en 2015 son deuxième quinquennat, après avoir effectué deux septennats (1992-2005). Le projet de loi qui a enflammé le Burkina prévoyait de faire passer de
deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels.
Selon ses détracteurs, ce changement aurait permis au président du "pays des hommes intègres" d’ajouter 15 ans de plus aux 28 qu’il aura déjà vécus au sommet de l’Etat.
Blaise Compaoré, qui figurait en sixième position des présidents africains en terme de longévité, est crédité d’avoir placé son petit pays enclavé au coeur de la diplomatie africaine, en s’imposant comme l’un des grands médiateurs dans les crises qui agitent le continent.
Il dispose d’une solide image à l’étranger, notamment en France, malgré des trafics d’armes et de diamants avec les insurrections angolaise et sierra-léonaise épinglés par l’ONU ou sa proximité avec le défunt "Guide" libyen Mouammar Kadhafi et le dictateur libérien Charles Taylor. Il fait actuellement office de médiateur au Mali.
C’est surtout en interne que le pouvoir du dirigeant burkinabè a été le plus sérieusement contesté. De mars à juin 2011, la quasi-totalité des casernes, y compris la garde prétorienne du chef de l’Etat, s’étaient mutinées, parallèlement à des manifestations populaires, ébranlant le régime et forçant le président à quitter momentanément la capitale.
"Lui et son entourage lisent très mal les mutations psychologiques et sociales de la population. Ils continuent à penser que les choses sont comme dans le passé et qu’il est toujours assez fort. Mais en réalité, la confiance, le soutien dont il bénéficiait se sont estompés", estime Siaka Coulibaly, politologue plutôt proche de l’opposition.
Au Burkina, où 60% des 17 millions d’habitants ont moins de 25 ans et n’ont jamais connu d’autre régime, une grande partie de la jeunesse, surtout dans les villes, refuse une perpétuation de son pouvoir.
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