Tirant les leçons de l’affaire dite du « contrat d’armements » qui fait toujours couler beaucoup d’encre et de salive, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a récemment pris un Décret visant à mettre des garde-fous contre la délinquance financière.
Intitulé « Décret N°2014- 0764-9 Octobre 2014 », ce nouveau Décret vise manifestement à empêcher d’éventuels délinquants financiers à commettre leurs forfaits en profitant du flou de l’article 8 du précédent Décret 08-485/P-RM du 11 août 2008. Cet ancien Décret stipulait, en effet, en son article 8 : « Le présent Décret ne s’applique pas aux marchés de travaux, de fournitures et de services, lorsqu’ils concernent des besoins de défenses et de sécurité nationales exigeant le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat est incompatible avec les mesures de publicité ».
Pour que les délinquants à col blanc et les aigrefins de tout acabit ne profitent pas des faiblesses de l’article 8 de l’ancien Décret pour s’en mettre plein les poches, le Décret N°2014-0764/P-RM du 9 octobre apporte beaucoup de lumière aux membres restés dans l’ombre et la voix aux passages muets.
Ainsi, en son article 1er il est stipulé que « le présent Décret fixe le régime des contrats des travaux, fournitures et services exclus du champ d’application du Décret N°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public en son article 8».
En son article 3, le nouveau Décret définit le Secret Défense. Ainsi, « Au sens du présent Décret, on entend par « Secret en matière de défense » les renseignement, objets, documents, données informatisées, fichiers ou procédés qui doivent être tenus secrets dans l’intérêt de la défense nationale et dont la recherche, l’appropriation, le détournement, la reproduction, la divulgation ou la destruction constituent des infractions contre la sûreté de l’Etat ». A ce titre, sont considérés comme contrats de travaux, de fourniture et de services revêtus du sceau de « secret en matière de défense » ceux relatifs aux matériels et équipements cités à l’Annexe I, et aux travaux et services cités à l’Annexe 2.
Ces annexes relatives à des listes des biens concernés ne peuvent faire l’objet de révision qu’une fois par an sauf en cas d’une urgence impérieuse. Les matériels, équipements et produits militaires sont donc consignés dans une liste exhaustive avec numéros de code dits Code SH. Il s’agit, à titre d’illustration de rations de combat (Code SH 21 06 90 90 90) gilets pare-balles, coiffures de sécurité (casques militaires) radars (y compris les radars militaires) véhicules amphibies, chars et automobiles blindées de combat, armés ou non et leurs parties, avions, hélicoptères et véhicules aériens, parachutes, simulateurs de combat aérien, lunettes de visée pour armes, télémètres, armes de guerres, autres que les revolvers, pistolets et armes blanches, pistolets mitrailleurs. On peut aussi citer les bombes, grenades, torpilles, mines, missiles, cartouches et autres munitions et projectiles regroupés sous les Code SH 93 06 21 à 93 06 90.
En annexe 2 au Décret N°2014-0764 du 9 octobre 2014 on peut citer : études et travaux pour la construction de piste d’atterrissage à usage militaire, études et travaux pour la construction de soute à munition, études et travaux pour la construction de magasin d’armement, études et travaux pour la construction de soute à carburant pour le compte des forces de défense et de sécurité, études et travaux pour la construction d’usine ou de fabrique de munitions de guerre…
Il est stipulé sous le chapitre du champ d’application que l’initiative de la révision appartient au ministre chargé de la Défense ou au ministre chargé de la Sécurité . Cette révision se fait par Décret pris en Conseil des ministres.
Est soumis à l’avis préalable du Conseil Supérieur de la Défense tout contrat revêtu du sceau de « secret en matière de défense » dont le montant prévisionnel dépasse un (1) milliard francs CFA.
Au chapitre de la conclusion et de l’approbation, on peut lire que les contrats visés aux articles 3 et 4 ci-dessus sont conclus et approuvés respectivement par le Directeur des Finances et du Matériel et le ministre concerné si le montant est inférieur ou égal à un milliard de francs CFA (1 000 000 000) pour les marchés des travaux, huit cent millions de francs CFA (800 000 000) pour les fournitures et services courants, trois cent millions de francs CFA (300 000 000) pour les marchés intellectuels.
Les contrats sont conclus et approuvés par le ministre concerné et le ministre des Finances si le montant est supérieur à un milliard de francs CFA (1 000 000 000) et inférieur ou égal à quatre milliards (4 000 000 000) pour les marchés de fournitures et services courants ; supérieur à trois cents millions de francs CFA (300 000 000) et inférieur ou égal à un milliard cinq cent millions de francs CFA (1 500 000 000) pour les marchés de prestations intellectuelles.
Au-delà des seuils sus visés, tous les contrats de travaux, de fournitures et de services courants et de prestations intellectuelles passés sous le sceau de « secret en matière de défense » sont conclus par le ministre chargé de la Défense ou du ministre chargé de la Sécurité et approuvés par le ministre chargés des Finances après avis du Conseil Supérieur de la Défense. Par ailleurs, au-delà des seuils visés ci-dessus, tous les contrats de travaux, de fournitures et de services courants et de prestations intellectuelles passés sous le sceau des « intérêts essentiels de l’Etat » sont conclus par le ministre concerné et approuvés par le ministre chargé des Finances après autorisation du Premier ministre.
Avant la signature de tout contrat, les services compétents des autorités contractantes doivent fournir à leurs cocontractants la preuve que le crédit budgétaire y afférent est disponible et a été réservé.
Signalons, enfin, que ce nouveau Décret, fort de 18 articles, abroge les dispositions antérieures contraires. Il est signé à la fois par le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, le Premier ministre, Moussa Mara, le ministre de la Défense et des anciens combattants, Bah N’Daw, le ministre de l’Economie et des finances, Mme Bouaré Fily Sissoko et le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Général Sada Samaké.
Yaya Sidibé